Sports

Boxer à mains nues, le défi qui attire les Français en Angleterre

Temps de lecture : 5 min

Pour la gloire ou le challenge, Sami, Sofiane et Emmanuel ont traversé la Manche afin de tester le bare knuckle, un sport extrême qui se développe au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Avant son expérience en bare knuckle boxing, Sami n'avait jamais fait de sport de combat en compétition. | Rémi Yang
Avant son expérience en bare knuckle boxing, Sami n'avait jamais fait de sport de combat en compétition. | Rémi Yang

Perdu au milieu d'une zone industrielle à 30 minutes en voiture de Manchester, le Bowlers Exhibition Centre est en feu. Ce soir là, la salle accueille un gala organisé par la Bare Fist Boxing Association (BFBA).

Sur un ring monté comme pour un show à l'américaine, avec des jeux de lumière et du rock à fond la caisse, les combats de boxe à mains nues –ou bare knuckle, parfois abrégé BKB pour bare knuckle boxing– s'enchaînent dans des giclées de sang et sous les cris des supporters en délire.

Dans les vestiaires, la pression monte pour Sami, 25 ans. Du haut de son mètre 85, le bonhomme en impose. Mais son air penaud, ses cheveux bouclés et sa diction relativement lente contrastent avec l'idée que l'on se fait d'un combattant à mains nues.

«Je me demandais: “Mais pourquoi je me suis embarqué là-dedans?”», se rappelle-t-il en rigolant.

Poings contre crâne

Longtemps congédiée dans les sous-sols britanniques, pratiquée en clandestin, souvent liée aux milieux criminels, la boxe à mains nues –l'ancêtre de la boxe anglaise d'aujourd'hui– connaît depuis quelques années un regain de popularité au Royaume-Uni, si bien que plusieurs fédérations se sont mises à mettre le BKB sous les projecteurs.

Le défi attire les Français. Sofiane Benchohra l'a relevé le 26 janvier 2019. Pendant sept reprises de deux minutes, il a explosé ses mains sur le crâne de son adversaire dans l'enceinte de la prestigieuse O2 Arena de Londres, lieu saint du noble art.

«C'était un challenge pour moi, confie le combattant lyonnais de 33 ans, vétéran du MMA. J'aime beaucoup les sports violents, c'est dans ma nature. Mes mains étaient hors service à la fin du combat. J'ai passé toute la nuit à les mettre dans la glace, et il m'a fallu une dizaine de jours avant de pouvoir les ouvrir et les fermer normalement.»

De retour à Taverny, dans le Val-d'Oise, le visage encore légèrement tuméfié, Sami n'a pas totalement récupéré de son aventure britannique, trois semaines plus tard.

Les quelques bandages enroulés autour de ses mains en guise de protection lors du combat n'ont pas épargné son index droit, qu'il n'arrive plus à lever. Sa mâchoire le lance encore. «Au milieu du second round, je me suis déboîté puis remboîté l'épaule. Ils ont failli arrêter le combat pour ça!», se marre-t-il.

«Les coups sont totalement différents de ceux de la boxe anglaise ou du MMA, analyse Sofiane. Ce sont directement les os de la main qui frappent contre le crâne. C'est comme si tu te battais dans la rue, mais avec les stratégies de la boxe anglaise –les blocages en moins, puisque les coups passent à travers ta garde.»

Le Lyonnais risque gros dans cette affaire. Combattant professionnel, ses mains lui servent à gagner sa vie. S'il les bousille, sa carrière est finie. Cela n'a pas l'air de l'arrêter. «Si c'est à refaire, je le refais. C'est kiffant. C'est vraiment du pugilat à l'état pur», exulte-t-il.

Retour sur le ring

«Les derniers combats à mains nues aux États-Unis se sont déroulés à la fin du XIXe siècle. Ensuite, ils ont été interdits un peu partout, en raison des risques que les boxeurs prenaient et de la gravité des blessures», explique à Ouest-France l'Américain David Feldman, qui a créé en 2011 le Bare Knuckle Fighting Championship. Le feu vert pour organiser ses combats ne lui a été donné qu'en 2018.

«Le bare knuckle fait son retour aux États-Unis et en Angleterre. Mais en France, on ne connaît pas ça», regrette Sofiane.

«Tout le monde a commencé à s'intéresser au bare knuckle l'année dernière. Pour le premier gala, on a juste installé un ring dans un parking. On a continué dans d'anciennes usines, c'était un peu souterrain», raconte Andrew Bakewel, promoteur de la Bare Fist Boxing Association, dans une vidéo tournée par Sami.

«Les autorités étaient tendues: elles pensaient qu'il y aurait pas mal de problèmes, mais tout s'est bien passé», assure-t-il. Le boxeur met souvent les mains dans le cambouis et n'hésite pas à combattre lors des réunions qu'il organise.

Si les fédérations comme celle d'Andrew Bakewel et David Feldman se multiplient, Sofiane certifie qu'il n'y a «qu'une organisation professionnelle» en Europe, celle qui a chapeauté son combat: la sobrement intitulée Bare Knuckle Boxing. Sami n'a par exemple pas reçu de cachet lors de sa prestation pour la BFBA.

Pas pour tout le monde

Avant son expérience en bare knuckle, Sami n'avait jamais fait de sport de combat en compétition; tout juste avait-il pratiqué un peu de judo en club.

Il s'entraîne de temps en temps dans une salle de sport ou dans une crêperie abandonnée de la forêt de Montmorency, où il accroche des sacs de frappe –pas vraiment le genre de profil que l'on verrait monter sur un ring.


Sami lors de l'un de ses entraînements. | Rémi Yang

«Mon but, c'est de proposer une série de reportages sur des sports insolites, expose le jeune vidéaste. Le bare knuckle était la discipline la plus accessible en termes d'argent.»

Quatre mois après sa sortie, la vidéo revenant sur son expérience cumule plus de 80.000 vues.

Emmanuel, alias Rikaans sur YouTube, a également sauté le pas. Comptabilisant 40.000 abonné·es sur la plateforme, il s'est «donné pour défi de faire un combat de bare knuckle» après avoir rencontré Sami et l'avoir aidé dans sa préparation.

Après avoir gagné son combat, Emmanuel explique ne pas forcément soutenir la démarche de Sami. «Ce n'est pas quelque chose que l'on peut faire sans background en sport de combat, soutient cet ancien boxeur amateur. Je ne veux pas faire la promotion de ce sport et encourager des personnes inexpérimentées à se battre à mains nues.»

«J'ai l'impression qu'il n'y a que peu de gens qui peuvent le faire, parce qu'il faut des couilles, note quant à lui Sofiane. Ce sont des patates à mains nues que tu vas te prendre. Il faut y réfléchir à deux fois.»

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