«C'est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c'est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected]
Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.
Et pour retrouver les chroniques précédentes, c'est par là.
Chère Lucile,
Je vous écris aujourd'hui car je vis ma première grande relation, dont j'appréhende la suite.
Il y a deux ans, quand mon partenaire et moi nous nous sommes rencontrés, j'étais encore mineure (presque majeure). J'ai vraiment ressenti quelque chose de physiquement intense. Je n'avais pas beaucoup d'expérience, mais je me sentais libre sexuellement avec lui. Au début nous n'étions que sex friends, mais nous sommes restés collés l'un à l'autre depuis le premier jour.
Sauf que ce n'est pas tout rose, et que je pense n'être pas faite pour l'amour traditionnel. J'aimerais juste pouvoir l'aimer librement et faire ma vie de mon côté. En effet, nous sommes totalement incompatibles. Je lui en ai déjà parlé, il me dit que les contraires s'attirent. Lui rêve d'une vie calme et sans complications, tranquille dans une maison avec un bon confort matériel. Moi, je rêve d'aventure et de parcourir le monde en sac à dos. Il veut que l'on s'appartienne l'un l'autre. Moi, je souhaite une relation libre.
Le souci c'est que je n'ai jamais ressenti une telle sécurité sexuelle et matérielle. Et que ça m'a fait du bien. Mais ça commence à me faire souffrir. J'ai déjà essayé de rompre avec lui deux fois, il m'a retenue. Comme je l'aime, je ne veux pas qu'il soit blessé. Je l'ai vu souffrir ces deux fois, c'était horrible. Je veux continuer de l'aimer. Mais comment pourrais-je trouver un compromis?
Sachant qu'il n'est pas aussi ouvert d'esprit que moi. Je veux vivre ma vie sans regrets. Sauf que si je continue ainsi je passerais à côté de beaucoup de chose. C'est compliqué aussi car je me suis créé un chez moi avec lui. Et que j'ai des attaches qui vont être difficiles à quitter. Je voudrais un compromis... Mais comment?
Shirley
Chère Shirley,
C'est important de savoir qui l'on est et ce que l'on veut, mais ce sont des choses qui prennent du temps. Personnellement, je me suis engagée dans une relation tôt avec l'espoir qu'elle dure pour toujours. Mais un peu avant 25 ans, j'ai tout quitté: ces certitudes, ce couple dans lequel je m'étais investie, cette vie presque parfaite que j'avais composée pour nous, la cuisine que l'on venait de refaire.
J'ai eu exactement les mêmes craintes que vous. Comment peut-on trouver le courage de quitter un foyer à soi? Comment peut-on tourner le dos à un projet de vie, à un rêve commun dans lequel on s'est engagé corps et âme pendant des années? Moi, je suis partie quand cela relevait de ma survie. Je suis partie quand je n'avais plus une once de force en moi. Au passage, j'avais perdu tout respect pour moi-même… et pour celui qui avait partagé ma vie. Je suis partie trop tard, à mon sens. Ça a tout détruit.
Je crois qu'il est possible de partir avant. Je vous envie d'avoir cette certitude en vous, celle d'une envie d'ailleurs et d'autrement. J'ai l'impression de connaître votre situation parce que je l'ai déjà vécue et je peux vous assurer que le compromis est quasi impossible. J'ai eu la vie que je voulais par la suite, la liberté dont j'avais besoin, les modèles de couple et de famille qui ne ressemblent à aucun autre. Je les ai eus parce que je me suis mise en couple par la suite avec quelqu'un qui savait dès le départ que je ne voudrais pas recommencer les mêmes erreurs et qui était prêt à se lancer dans cette aventure avec moi.
Imposer un changement aussi radical à quelqu'un qui a toujours connu autre chose, qui n'a même pas envie de bousculer la norme, est une trop grande violence. Une violence pour lui. Une violence pour vous, qui devrez vous conformer à un modèle qui ne vous convient pas. On ne change pas les règles du tout au tout en cours de partie.
Il est difficile de dire adieu au confort matériel. Ça aussi, je l'ai connu. Le sentiment par la suite d'avoir trouvé sa voie, d'être fidèle à soi-même et heureuse de ce que l'on construit, ça n'a pas de prix. N'attendez pas d'étouffer pour vous enfuir. Il arrive que les sentiments existent mais que les rêves nous séparent. Dans les cas où l'un veut un enfant et l'autre pas, ou lorsque l'un est totalement monogame et l'autre préfère le couple libre, le compromis est impossible. L'un des deux doit toujours se sacrifier. Là, c'est vous qui vous sacrifiez. Ne vous perdez pas en route. N'oubliez pas qui vous êtes au fond. Je crois qu'on ne peut vraiment aimer que quand on est aussi aimée pour ce que l'on est vraiment.
«C'est compliqué», c'est aussi un podcast. Retrouvez tous les épisodes: