Le ciblage par Facebook n'est pas seulement intrusif: il peut être dangereux. Une équipe de recherche de l'université de Madrid vient d'étudier la façon dont les personnes LGBT sont étiquetées par le réseau social, ce qui pourrait mettre dans une situation plus que délicate les citoyens et citoyennes de pays pratiquant des politiques homophobes.
L'orientation sexuelle fait partie des éléments épinglés par Facebook dans le but de nous proposer des publicités adaptées, tout comme les origines ou les opinions politiques. D'après l'étude madrilène relayée par New Scientist, deux tiers des utilisateurs et utilisatrices feraient l'objet d'au moins un de ces ciblages, ce qui représente environ 20% de la population mondiale.
Dans le cas de l'Arabie Saoudite, l'équipe a établi qu'en février dernier, 540.000 personnes étaient pointées par Facebook comme sympathisantes de la cause homosexuelle. En août, le chiffre était monté à environ 940.000. Sur l'ensemble des 197 pays observés par les chercheurs et chercheuses madrilènes, environ 4,2 millions de personnes seraient ainsi étiquetées dans des pays où l'homosexualité est aujourd'hui encore illégale.
Appâter à coups de rabais
Comment ces personnes pourraient-elles êtres ciblées par les autorités? Il n'y a hélas rien de plus simple: en utilisant les outils proposés par Facebook, qui permettent aux marques de cibler aux mieux les utilisateurs et utilisatrices qui verront leurs publicités, il semble tout à fait possible pour un pays de collecter des informations cruciales sur ses citoyen·nes, et d'obtenir ainsi la preuve que telle ou telle personne est bel et bien homosexuelle.
Aucun cas avéré n'a pour l'instant été détecté, mais le groupe de recherche mené par Ángel Cuevas Rumín met cependant en garde contre les dérives liées à Facebook, où des bons de réduction peuvent par exemple être proposés à celles et ceux qui fourniraient davantage d'informations personnelles. Idéal pour obtenir l'adresse de personnes enfreignant la loi de leur pays.
Contacté par New Scientist, Facebook se défend en affirmant que «le ciblage autorisé dans les publicités se base sur l'intérêt des personnes pour certaines thématiques, pas sur leurs caractéristiques personnelles». Les porte-parole du réseau social ajoutent qu'en outre, il est actuellement impossible de proposer une publicité qui ne soit destinée qu'aux personnes homosexuelles, et que plus de 5.000 options de ciblage ont récemment été supprimées afin d'éviter toute discrimination.
Facebook évolue actuellement dans une zone grise, explique l'article de New Scientist, si bien que même les expert·es en protection des données ont du mal à déterminer si certaines pratiques respectent la loi ou non. En jouant consciemment avec les règles, la société de Mark Zuckerberg pourrait bien mettre un grand nombre de citoyens et citoyennes en danger dans des pays où personne ne leur veut de bien.