Politique / Monde

En Russie, du pain et des jeux pour oublier les manifestations

Temps de lecture : 2 min

Depuis deux semaines, des festivals apparaissent comme par magie les jours de manifestation.

La Garde nationale de Russie dans les rues de Moscou, lors d'une manifestation pour réclamer l'autorisation des candidats indépendants aux élections locales de septembre, le 27 juillet 2019 | Maxim Zmeyev / AFP
La Garde nationale de Russie dans les rues de Moscou, lors d'une manifestation pour réclamer l'autorisation des candidats indépendants aux élections locales de septembre, le 27 juillet 2019 | Maxim Zmeyev / AFP

Ce week-end, Moscou sera divisée en deux. D'un côté, des milliers, voire des dizaines de milliers de manifestants, qui protestent depuis trois semaines contre l'éviction des candidats de l'opposition en prévision des élections locales du 8 septembre, et de l'autre, des festivaliers, venus manger des kebabs sur fond de musique rock. Ce festival sorti de nulle part a été annoncé il y a seulement trois jours par la mairie: une coïncidence arrangeante, quand le cœur de la ville est censé être engorgé par les manifestations.

Le Meat&Beat, présenté par la mairie moscovite comme un «festival musical et gastronomique», est pour le Guardian caractéristique de «l'esthétique hipster adoptée par Moscou comme un baume contre les irritations provoquées par la règle du parti unique»: en somme, une façon d'éloigner les jeunes des activités politiques en les mettant devant des platines, plutôt que derrière des haut-parleurs.

Des kebabs et des droits

La semaine dernière, c'est le festival Shashlik Live, qui était soudainement apparu, annoncé le mercredi pour le samedi, jour de manifestation soldé par l'arrestation de 828 personnes. Les organisateurs avaient alors affirmé avoir attiré près de 305.000 visiteurs, un nombre aussi délirant que contesté (à titre de comparaison, le festival des Vieilles Charrues prévu d'une année sur l'autre rassemble 280.000 festivaliers).

Depuis le début des manifestations, la police a arrêté plus de 2.000 personnes. Onze manifestant·es ont été inculpé·es pour émeutes, et un procès pour blanchiment d'argent a été ouvert, mettant en cause des chercheurs luttant contre la corruption.

À côté des intimidations, c'est donc un soft power festif que le gouvernement met en place pour faire retomber la tension accumulée autour des prochaines élections, s'adressant aux jeunes et à celles et ceux qui restent encore sceptiques vis-à-vis des manifestations.

Un appel du pied aux plus sceptiques

«C'est une tentative de distraire les gens avec un festival, un spectacle positif, estime la politologue Tatiana Stanovaya. L'opposition peut croire que c'est stupide, et évidemment il n'y avait pas 300.000 personnes la semaine dernière, mais il y a beaucoup de gens à Moscou qui restent neutres ou qui ont une vision négative des manifestations. C'est un appel qui leur est lancé.»

Alors que certain·es musicien·nes ont déclaré avoir été inclus dans la programmation sans avoir donné leur accord et se sont conséquemment désolidarisé·es des festivals importuns, les partisan·es du Kremlin en ont profité pour saluer ces grands moments de communion orchestrés.

Margarita Simonyan, la rédactrice en chef de RT et de l'agence gouvernementale d'informations Rossia Segodnia, a ainsi déclaré: «cent fois plus de gens [sont allés au Shashlik Live] qu'il n'y en avait lors des manifestations. Cela nous mène à la même conclusion qu'il y a vingt ans, à savoir que le bruit produit par les réseaux politiques sur internet n'a rien à voir avec la réalité». Ceci explique sans doute également le fait que le réseau internet ait été coupé dans une grande partie du centre de Moscou lors des dernières manifestations.

Quant à celle d'aujourd'hui, quoi qu'autorisée, elle a été privée de musique par les autorités municipales. Les organisateurs ont déclaré qu'ils ne tiendraient pas compte de cette interdiction.

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