Dans Les diamants sont éternels, sorti deux ans après la mission Apollo 11, James Bond débarque sur un faux décor de la Lune dans un entrepôt de la NASA situé en plein désert.
Devant lui, deux acteurs déguisés en astronautes. Entre ces derniers qui simulent l'apesanteur et l'air dubitatif de notre espion, le contraste est comique.
Déjà, le moon hoax prenait des allures de dérision. Mais au fond, personne n'y croyait vraiment. Aujourd'hui, d'après un récent sondage YouGov, un·e Britannique sur six pense que l'être humain n'a jamais marché sur la Lune ou en doute franchement.
Dans un article du Guardian, le journaliste Richard Godwin se demande pourquoi cette théorie du complot séduit de plus en plus, alors qu'elle ne date pas d'hier.
Tout commence avec la sortie en 1976 du pamphlet autopublié de Bill Kaysing, Nous ne sommes jamais allés sur la Lune: l'escroquerie américaine à trente milliards de dollars. En 2001, la chaîne américaine Fox News diffuse à son tour un documentaire sur le sujet. Puis internet s'en est emparé, à grand renfort de vues sur YouTube et de trolls sur Instagram.
Mais à l'image du YouTubeur Shane Dawson qui pointe les «faits» dans sa théorie avant de se reprendre, «non, en fait, c'est juste une opinion», on parle désormais du moon hoax avec moins de sérieux, d'un ton ambivalent, entre l'humour et l'insolence.
Son nombre croissant d'adeptes est probablement davantage lié à une évolution de la société qu'à la multiplication des pseudo-preuves. Qu'il n'y ait pas d'étoiles dans le ciel sur les photos, que les ombres ou la forme des cratères ne correspondent pas importe peu: ce qui compte, c'est de s'amuser.
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De la défiance à l'ennui
Il convient de se souvenir qu'à l'époque où émergent les complotistes d'Apollo 11, les États-Unis sont agités par le scandale du Watergate, cette affaire d'espionnage politique qui conduira le président Nixon à démissionner.
La théorie du complot témoigne d'abord d'une crise de confiance envers le gouvernement américain. Comment celui-ci, qui ne parvient ni à résoudre la guerre du Vietnam, ni à enrayer la montée du chômage, peut-il prétendre nous envoyer sur la Lune? Il est moins incroyable de croire que cela n'est jamais arrivé.
Ce qui motive aujourd'hui les conspirationnistes n'est plus tellement la défiance, mais l'ennui. Le sarcasme des discussions sur le sujet atteste de cette évolution sociale. «La frontière entre conspiration et divertissement est beaucoup plus foue», note Richard Godwin.
Sans les convictions qui avaient mené Bill Kaysing à écrire son pamphlet, que reste-t-il? Un espace bien vague entre le réel et le fantasme, dans lequel nous aimons de plus en plus nous complaire.