Le 25 février 2009, à Bruxelles
Madame la secrétaire d'Etat à l'Ecologie,
Le Conseil européen a adopté le 30 mai 1972 une Charte européenne des sols indiquant que:
Le sol est un milieu vivant et dynamique qui permet l'existence de la vie végétale et animale... Il est essentiel à la vie de l'homme en tant que source de nourriture et de matières premières. Il est un élément fondamental de la biosphère et contribue, avec la végétation et le climat, à régler le cycle hydrologique et à influencer la qualité des eaux.
Pourtant, depuis quarante ans, le sol est soumis à une série de processus de dégradation ou de menaces réelles qui s'accélèrent: érosion, diminution de la teneur en matières organiques, contamination locale et diffuse, imperméabilisation, tassement, diminution de la biodiversité, salinisation, inondations, glissements de terrain et parfois désertification.
48% des terres européennes sont aujourd'hui fortement dégradées. Ce chiffre atteint 70% si l'on inclut les terres modérément dégradées (base de données Glasod de la FAO). En pratique, cela entraîne des pertes de fertilité des sols, de carbone et de biodiversité, une diminution de la capacité de rétention de l'eau, une perturbation des cycles des gaz et des nutriments et une réduction de la dégradation des contaminants. Cette dégradation des sols a un coût estimé par la Commission européenne: jusqu'à 38 milliards d'euros par an.
Nos sols constituent aujourd'hui l'une de nos ressources les plus précieuses pour le climat, la santé publique, la lutte contre la perte de la biodiversité et la production alimentaire, et l'une des plus menacées.
J'ai la conviction que nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre pour adopter un cadre européen de protection de nos sols, comparable à ceux pour l'air et l'eau.
En 2006, la Commission a proposé une Directive-cadre établissant une approche systématique en matière de définition de la dégradation des sols et de lutte contre celle-ci. Cette proposition de la Commission a le soutien du Parlement européen (vote du 14 novembre 2007), du Comité économique et social, du Comité des régions et de nombre d'associations citoyennes car elle constituerait le moyen efficace et proportionné nécessaire à la protection de la ressource sols et de ses bénéfices.
Pourtant, le texte est bloqué au Conseil par cinq Etats, dont la France qui s'est ralliée à la minorité de blocage fin 2007, en plein Grenelle de l'Environnement.
Je me suis réjouie en octobre 2009 quand, à l'occasion d'une rencontre organisée par l'Ademe, vous déclariez que la France ne s'opposerait plus au projet Directive-cadre sur les Sols. Toutefois, et contrairement à ces déclarations, la France a maintenu son opposition au projet de texte lors du groupe de travail du Conseil du 21 janvier dernier.
Ce double langage est difficilement compréhensible. En tant qu'eurodéputée française (second Rapporteur du dossier Sols) et ancienne négociatrice au Grenelle de l'Environnement initié par le gouvernement dont vous faites partie, je vous encourage à mettre un terme au fossé entre discours publics et actes en coulisses.
Au moment où vous vous soumettez à la confiance des citoyens en Ile-de-France en tant que candidate pour les régionales, je vous appelle à agir en tant que secrétaire d'Etat à l'Ecologie responsable et préoccupée par l'intérêt général de tous les Français et des Européens.
Je vous appelle donc à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour lever l'opposition française qui fait obstacle à un cadre règlementaire majeur pour la préservation de l'environnement, l'agriculture, la santé et la sécurité publique à l'échelle européenne.
Le Conseil Environnement qui se réunit au lendemain du premier tour des régionales, le 15 mars prochain, sera, j'espère, l'occasion pour mettre en œuvre votre engagement d'octobre 2009 pour la préservation de nos sols et des potentialités qu'ils recèlent pour notre avenir.
En vous remerciant, je vous prie d'agréer, Madame la secrétaire d'Etat, l'expression de ma considération distinguée.
Sandrine Bélier, députée européenne
Image de une: sécheresse en Angleterre en juillet 2006. REUTERS/Toby Melville