Parents & enfants / Société

Y a-t-il trop de vacances scolaires en France?

Temps de lecture : 4 min

Contrairement à ce que l'on peut penser, les longs congés d'été ne sont pas l'héritage d'une France agricole. C'est plutôt par les vacances en cours d'année que le pays se distingue de ses voisins.

La durée des vacances d'été varie de six à treize semaines selon les pays. | Limor Zellermayer via Unsplash
La durée des vacances d'été varie de six à treize semaines selon les pays. | Limor Zellermayer via Unsplash

Selon les comparaisons internationales menées par l'OCDE, la France fait partie du quart des pays dont la durée de l'année scolaire est la plus courte, n'excédant pas 36 semaines, alors que la médiane est de 38 semaines –et qu'un tiers des pays se situent au-delà de 40 semaines). Seuls deux ont une année scolaire moins longue que celle de la France, soit 35 semaines.

Cela signifie-t-il que la France accorde bien plus de vacances l'été à ses élèves que les autres pays? En réalité, avec ses presque neuf semaines de congés estivaux, la France ne se situe que dans la moyenne. Pour l'enseignement primaire, la longueur des grandes vacances varie du simple au double: elle est de 13 ou 12 semaines pour 10 pays contre 6 semaines dans 5 pays.

La différence se joue donc sur les congés en cours d'année, les autres pays ayant rarement des petites vacances –comme on les appelle chez nous– qui dépassent la semaine. Une distribution qui s'est organisée au fil du XXe siècle. Si la durée totale des vacances n'a pas bougé depuis la fin de la IIIe République, le calendrier a quant à lui beaucoup changé.

Distinction sociale

Les vacances d'été sont-elles un héritage de la France agricole? La trace d'une époque où les enfants aidaient leur famille pour les moissons? En réalité, le tempo qui s'est finalement imposé est celui des établissements secondaires qui n'accueillaient pourtant sous la IIIe République que 2 ou 3% d'une classe d'âge.

Comme l'a bien montré l'historien Antoine Prost, les nobles ne devaient pas travailler: cela aurait été déroger à leur rang. D'où, le plus souvent, un mode de vie en alternance: en ville, dans leur hôtel particulier, à la mauvaise saison; à la campagne, dans leur château, durant la belle saison. À leur tour, nombre de bourgeois ont cherché à vivre noblement. Prendre des vacances, c'était montrer que l'on était au-dessus des travailleurs, que l'on se distinguait d'eux.

En définitive, au XIXe siècle, les enfants de la bourgeoisie et de l'aristocratie –qui étaient alors pratiquement les seuls à fréquenter les collèges et les lycées– rejoignaient leurs familles dans la deuxième moitié de l'été pour participer, non pas aux travaux des champs, mais aux réseaux de sociabilité qui se nouaient alors en particulier autour de la chasse (activité d'origine noble, privilège, même, sous l'Ancien Régime).

À partir de l'établissement de la IIIᵉ République, les grandes vacances de l'enseignement secondaire vont débuter de plus en plus tôt dans l'année, et durer plus longtemps. En 1875, il est décidé qu'elles commenceront désormais le 9 août; puis, à partir de 1891, le 1er août. En 1912, le début des grandes vacances est avancé au 14 juillet; mais elles durent toujours jusqu'au 1er octobre. On est donc passé de 1874 à 1912, d'un mois et demi de grandes vacances à deux mois et demi.

Arrivée des congés payés

Pour les écoles primaires (où vont alors la très grande majorité des jeunes Français·es), l'arrêté du 4 janvier 1894 fixe la durée des vacances à six semaines. Mais il contient un ajout qui a son importance: «Toutefois, la durée des vacances peut être portée à huit semaines, dans les écoles primaires élémentaires où sont organisées des classes de vacances.»

La prolongation de deux semaines va se faire pour différents motifs, et se généraliser. Elle est d'abord octroyée comme une récompense (pour les enseignant·es). L'arrêté du 27 juillet 1896 l'accorde au personnel «qui aura contribué au fonctionnement de cours réguliers d'adultes et d'adolescents». À la toute fin du XIXe siècle, un usage s'est créé: la durée normale des vacances est passée de six à huit semaines, comme le reconnaît l'arrêté du 21 juillet 1900.

En 1922, on ajoute quinze jours au mois et demi de vacances d'été. Elles vont du 1er août au 30 septembre. En 1938, elles sont alignées sur celles du secondaire et fixées du 15 juillet au 30 septembre. C'est le Front populaire. Les congés payés commencent souvent le 14 juillet. On institue donc des grandes vacances qui vont du 15 juillet au 30 septembre. «Il faut que les vacances des enfants et les congés des parents soient mis en harmonie», déclare Jean Zay, ministre de l'Éducation nationale.

Zones de vacances

En 1959, les grandes vacances sont déplacées dans leur ensemble de deux semaines: elles commencent plus tôt, le 1er juillet, et finissent plus tôt, à la mi-septembre. Puisque le premier trimestre s'est allongé, il est décidé que quatre jours seront libérés à la Toussaint pour qu'il y ait une petite coupure.

Treize ans plus tard, en 1972, après les Jeux olympiques d'hiver de Grenoble, les vacances d'hiver sont instituées. Et, avec elles, le zonage (A, B, C) pour favoriser le développement du tourisme et la circulation lors des grandes transhumances afférentes.

À partir de là, on entre dans la problématique bien connue du 7+2 (7 semaines de classe suivies de 2 semaines de vacances, un rythme unanimement recommandé par les chronobiologistes), mais qui connaît bien des hauts et des bas.

Débat sur le calendrier

S'il faut allonger le nombre de semaines travaillées pour s'aligner sur la médiane des autres pays (qui s'élève, rappelons-le, à 38 semaines contre 36 pour la France), le mieux serait de ne pas toucher aux petites vacances de deux semaines mais de raccourcir les grandes vacances de deux semaines.

La France est actuellement –et de loin– le pays où le nombre de journées travaillées par an est le plus faible, en particulier pour les communes qui ont choisi la semaine scolaire de quatre jours (et non plus de quatre jours et demi), et cela peut être considéré comme un problème effectif.

Mais le sujet est très sensible, voire clivant. Les enseignant·es sont très réticent·es, et pour beaucoup très hostiles à une telle évolution, surtout s'il n'y a pas de contreparties –salariales ou autres. Les profs français·es font certes partie des profs qui ont le plus de vacances, mais font aussi partie des moins bien rémunéré·es.

Interrogé le 22 juillet 2017 par Le Journal du dimanche, le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a répondu: «À chaque fois qu'on parle de l'enfant au XXIe siècle, on doit se poser la question des vacances d'été ou des vacances intermédiaires. C'est un sujet plus important que celui des rythmes hebdomadaires.»

Le 22 juin 2018 sur Europe 1, le ministre a réitéré: «Cela fait longtemps que je dis que l'on va devoir poser tranquillement mais sûrement la question des vacances scolaires.» Alors, un an plus tard, on pose –tranquillement mais sûrement– la question: quand et comment?

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.

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