Ça y est, je suis totalement conquise par la Coupe du monde. En fait, c'est bien simple, j'ai redécouvert le football. Je peux maintenant l'avouer: n'ayant jamais vu un match des femmes avant cette compétition, j'avais un peu peur de trouver ça moins bien. Évidemment, je répétais combien c'était formidable qu'on parle enfin de l'équipe des Bleues, mais... et si… j'ose à peine l'écrire, et si je m'ennuyais pendant les matchs?
Jouer le ballon, pas la faute, l'apanage des femmes
Pour l'instant, je peux vous dire que, à mon humble avis, la principale différence entre le foot pratiqué par les femmes et par les hommes se résume à: les filles, c'est pareil mais en mieux. Voici donc la liste des avantages incontestables de la Coupe du monde des femmes. En résumé, ça joue. Je veux dire que ça joue le ballon, pas la faute. On n'a pas un arrêt de jeu toutes les 40 secondes parce que l'arbitre doit signaler une faute. On n'a pas non plus de joueuse qui se roule à terre pour obtenir de l'arbitre un carton ou autre. On n'a pas des embrouilles à n'en plus finir. On a quoi alors? Un jeu très technique et très collectif. Aucune ne joue solo, au point que comme l'a remarqué Lizarazu, il faut aussi oser y aller seule quand on est en position de marquer.
Il ne s'agit évidemment pas d'essentialiser ces différences. Les filles n'ont pas naturellement meilleur caractère que les garçons. On peut y voir à la fois l'influence directe des constructions de genre et aussi le fait que les compétitions masculines sont peut-être un petit peu pourries par l'argent et la pression médiatique. (Mais s'il y a un véritable engouement pour les compétitions féminines, on peut imaginer qu'elles finiront par avoir les mêmes travers que les garçons.)
Restons positives: c'est hyper agréable et enthousiasmant de suivre cette équipe.
Gagnantes
Et puis, il y a quelque chose de grisant dans le fait de regarder ces femmes. Parce que, clairement, elles sont là pour gagner. Ça se voit dans leur posture, dans leurs yeux –elles ont des regards d'une intensité incroyable– et dans l'expression de leur visage. Or on voit assez rarement des femmes dans cette position de combattantes. Quand je pense aux représentations des femmes que me propose mon écran de télé, elles sont fréquemment victimes, souvent charmantes (autrement dit là pour plaire), parfois animées par la vengeance parce qu'elles ont été blessées. Mais jamais montrées dans cette simple attitude de gagnantes. De «je suis concentrée, je vais gagner». Sur les sites américains, on a droit toutes les semaines à des conseils adressés aux femmes pour lutter contre le syndrome de l'impostrice, des astuces afin de s'empouvoirer (sur le principe de l'empowerement). Mais je crois qu'aucun de ces articles n'arrivent à la moitié de l'efficacité du visionnage d'un match de foot.
Lors du dernier match, Wendie Renard a commis une «petite» erreur. Elle a marqué contre son camp. Bon. Là, je me suis dit «bah ça y est, elles vont s'effondrer».
Mais pas du tout. Renard a secoué la tête genre «mais qu'est-ce que je viens de faire» puis elle a continué à jouer comme si elle passait à autre chose, comme si rien, pas même elle-même, ne pouvait ébranler sa concentration, comme si elle était convaincue que son équipe allait marquer un autre but. Toutes les autres joueuses de l'équipe ont fait pareil.
Non seulement ce soir-là elles nous montraient d'autres visages féminins, des vainqueuses, mais en prime elles nous faisaient la démonstration qu'on avait le droit de se planter, de faire une erreur sans partir se cacher dans le vestiaire, en restant bien droites et en l'emportant malgré tout.
Édifier la jeunesse
Je pense que tous les combats pour l'égalité sont importants, simplement parce que les inégalités fonctionnent ensemble. Mais en regardant les joueuses de l'équipe de France, je me dis que la puissance de l'exemple est incroyable.
On peut, et on doit, tenir des discours didactiques aux enfants, mais qu'ils puissent voir ces joueuses en action a sans doute un impact infiniment plus fort que toutes nos belles leçons d'adultes.
Du temps de mon enfance, j'étais fan d'un dessin animé qui mettait en scène une joueuse de volley-ball. (Jeanne et Serge, pour les personnes averties.) Quand Jeanne tapait dans un ballon, elle était tellement forte qu'elle pouvait le déformer et clouer ses adversaires contre un mur. Ça me fascinait. J'ai retrouvé la même sensation, chair de poule et petit frisson inclus, en regardant les Bleues, à la différence près qu'elles existent pour de vrai.
Ce texte est paru dans la newsletter hebdomadaire de Titiou Lecoq.