Des excuses au Rwanda pour le rôle présumé de la France dans le génocide rwandais, il n'y en pas eu. Lors de sa visite à Kigali, le 25 février, la première d'un chef d'Etat français depuis le génocide de 1994, Nicolas Sarkozy n'en a pas présenté à son homologue rwandais Paul Kagamé. Le président français avait d'ailleurs annoncé la couleur. La repentance n'est pas sa «tasse de thé». En Algérie comme au Rwanda.
Il s'est contenté de demander que les responsables du génocide de 1994 soient «retrouvés et punis et cela où qu'ils se trouvent». Il a aussi déclaré que de «graves erreurs d'appréciation» avaient été commises à l'époque par la France. Certes, il s'est rendu à Kigali au mémorial du génocide. Mais il n'a vraiment accompli que le service minimum. D'ailleurs, le ministre de la culture rwandais, Joseph Habineza avait estimé que le fait de se recueillir au mémorial du génocide était une bonne chose, mais que «s'il présentait des excuses se serait encore mieux».
L'incident diplomatique a ainsi été évité. Est-ce que le président rwandais attendait vraiment des excuses françaises? Grand fauve de la politique, Kagamé attend bien autre chose de la France. Il veut qu'elle l'aide à rester plus longtemps possible au pouvoir. Après avoir tout fait pour marginaliser la France dans l'Afrique des grands lacs - allant jusqu'à réduire à la portion congrue l'enseignement du français et à adhérer au Commonwealth, Kigali se rend compte qu'elle a, à nouveau, besoin de Paris.
Intérêts bien compris
Il est vrai que l'étoile de Paul Kagamé, longtemps un des protégés de Washington et de Londres, a très sérieusement pali. L'implication de Kigali dans le pillage de la République démocratique du Congo (RDC) voisine est avérée de longue date. Les Nations Unies ont produit des rapports accablants l'année dernière. Kigali et ses alliés ont placé en coupe réglée l'est du pays, attisé les conflits dans cette région. Des affrontements qui ont fait plus de quatre millions de victimes au cours de la dernière décennie.
Il devient de plus en plus difficile pour Washington et Londres de soutenir diplomatiquement et financièrement un homme de plus en plus perçu par l'opinion publique internationale comme un dictateur qui règne par la terreur et élimine physiquement ses opposants. Or, les finances du Rwanda dépendent à 50 % de l'aide internationale.
Paul Kagamé n'a pas non plus intérêt à ce que la lumière soit faite sur l'assassinat du président Juvénal Habyarimana, qui a déclenché le génocide ayant fait 800.000 victimes d'avril à juillet 1994. De même que Paris ne souhaite pas qu'une lumière trop vive soit jetée sur ses activités de l'époque. Contrairement à la Belgique, aux Etats-unis et aux Nations unies, la France s'est toujours refusée à reconnaître clairement ses responsabilités, sa part d'ombre.
Si Paris veut conserver une grande influence en Afrique centrale, notamment en République démocratique du Congo, elle doit se réconcilier avec le Rwanda. Aucune crise ne se résout en RDC, sans l'assentiment du «petit» Rwanda. Kigali dispose de l'armée la plus efficace et disciplinée de la région. Face à elle, la stratégie des troupes congolaises s'est souvent résumée à la fuite... la plus rapide possible. Les troupes congolaises étant beaucoup plus réputées pour leur ardeur au pillage et au viol pour leur aptitude combattre.
Au-delà des grands discours lyriques sur la fin de la Françafrique, Nicolas Sarkozy est plus que jamais un adepte de la realpolitik sur le continent. Comme vient de le montrer sa visite au Gabon, juste avant l'étape rwandaise, où il a apporté un soutien marqué à Ali Bongo dont l'élection «démocratique» de 2009 est sujette à caution. Autre exemple avec les tentatives de rapprochement avec l'Angola et la Côte d'Ivoire. La France cherche à se concilier les bonnes grâces des pays qui pèsent le plus diplomatiquement et économiquement sur le continent. Même si leur bilan en matière de respect des droits de l'homme est désastreux.
Pékin pratique la même politique. Mais à visage découvert. La patrie des Droits de l'homme a toujours du mal à admettre que ses grands principes ont bien souvent tendance à fondre comme neige au soleil. Dès lors qu'il est question de politique africaine. Et de pré carré à défendre.
Pierre Malet
Image de une: 25/02/2010, Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner au Rwanda.Reuters.