Monde

Le prince vert: une taupe israélienne au sein du Hamas

Temps de lecture : 3 min

Le fils d'un des fondateurs du Hamas a servi pendant une dizaine d'années d'agent pour les services israéliens les informant des attentats en préparation.

Une nouvelle, autorisée à publication par le Shabak, le service de sécurité intérieur israélien (l'équivalent de la DST en France) risque de faire des remous. Elle démontre le haut niveau d'infiltration des Israéliens dans les rouages du Hamas.

Le fils de Sheikh Hassan Youssef, Mosab Hassen Youssef, est une taupe israélienne depuis plusieurs années. Sheikh Hassan, l'un des quatre fondateurs du Hamas, né dans un village près de Ramallah, a été emprisonné plusieurs fois en Israël. Il a été expulsé au Liban en 1992 et a rejoint en exil Khaled Mechaal avec lequel il a d'ailleurs manifesté ouvertement son désaccord car il prônait la négociation plutôt que la violence. Il est retourné en Cisjordanie après les accords d'Oslo pour y devenir le chef du Hamas à partir de 2001, mais était étiqueté comme pragmatique modéré à l'égal de Haniyeh. Après plusieurs séjours en prison, il a été libéré en 2004 puis réincarcéré en septembre 2005. Il est considéré comme un élément modéré parmi ses pairs parce qu'il est toujours favorable aux discussions avec Israël, sans conditions, justifiant ainsi les raisons qui l'ont fait rejoindre tardivement les rangs du Hamas.

Un livre-confessions

Son fils, Mosab Hassan Youssef, âgé de 32 ans, a fait grand bruit en août 2008 lorsqu'il annonça publiquement sa conversion au christianisme. On vient d'apprendre maintenant qu'il a servi pendant une dizaine d'années comme agent d'informations pour le Shabak. Sa fonction consistait essentiellement à informer les Israéliens sur les planifications d'attaques kamikazes et sur les projets d'attentats contre les dirigeants israéliens. Il a décidé de raconter son épopée dans un livre qui sera publié la semaine prochaine aux Etats-Unis.

Il a fui la Cisjordanie en 2007 pour la Californie où il vit actuellement. Considéré comme un maillon important dans le dispositif des services de renseignements israéliens, il avait choisi lui-même son pseudonyme «le Prince Vert» en référence à la couleur du drapeau du Hamas et à sa qualité de fils de l'un des principaux fondateurs du Hamas. Le Shabak l'avait enrôlé en 1996 avec pour mission d'infiltrer les hautes sphères du Hamas. Arrêté par les Israéliens, il avait été libéré de prison en 1997.

Il a été un atout considérable pour les Israéliens notamment durant la seconde intifada. Il a été à l'origine de l'arrestation de Palestiniens, de haut rang, impliqués dans la mise en œuvre d'opérations suicidaires. Il a permis la neutralisation d'Ibrahim Hamid, chef du Hamas en Cisjordanie, Marwan Barghouti, fondateur des Tanzims et d'Abdullah Barghouti, l'ingénieur en explosifs chargé de la préparation des bombes pour les kamikazes. Ces chefs figurent sur la liste des personnalités dont le Hamas réclame la libération en échange du soldat devenu otage Gilad Shalit.

Une mission Shalit avortée

Les Israéliens avaient envisagé d'envoyer Mosab Hassan Youssef en mission à Gaza afin de repérer le lieu d'emprisonnement de Gilad Shalit: «J'aurais porté l'uniforme israélien pour me joindre aux forces spéciales chargées de le libérer», a-t-il déclaré depuis San Diego, en Californie. Mais sa conversion au christianisme évangélique l'a rendu suspect pour une mission aussi risquée, d'autant plus que sa vie avait fait la une des médias en 2008. Sa conversion avait choqué ses proches au moment même où son père croupissait dans les prisons israéliennes.

Son officier traitant israélien vient de sortir de sa réserve en marquant son admiration pour un agent «qui a réalisé des actes auxquels il croyait parce qu'il voulait sauver des vies humaines et pour lesquels il a refusé d'être payé». Il a révélé, en exemple, le déroulement d'une de ses missions tendant à mettre en exergue l'efficacité de son poulain. Le Prince Vert avait eu vent d'une information peu élaborée sur un terroriste qui avait rendez-vous au square Manara de Ramallah pour récupérer une ceinture explosive. Il ne connaissait pas le nom du kamikaze, mais son âge et un détail vestimentaire fondamental, une chemise rouge. Il s'est rendu au lieu du rendez-vous, a identifié les acteurs et a entrainé l'arrestation à la fois du jeune et du commanditaire, permettant ainsi de remonter à la source de la cellule du Hamas.

Au lendemain de l'assassinat de Dubaï, que les autorités locales attribuent au Mossad malgré ses dénégations, cette preuve de l'infiltration des Israéliens au sein du Hamas illustre l'efficacité de leurs services de renseignement.

Jacques Benillouche

LIRE EGALEMENT: L'assassinat de Dubaï minute par minute, L'affaire Pollard: un raté du Mossad et Nucléaire: la guerre secrète entre Israël et l'Iran.

Image de une: Manifestation du Hamas à Gaza Suhaib Salem / Reuters

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