Au Danemark, numéro deux au classement des meilleurs pays dans lesquels être une femme–il fut longtemps premier avant d’être devancé par la Suède–,«féminisme» est en passe de devenir un gros mot. D’après une enquête mondiale sur les opinions concernant les stéréotypes et problématiques de genre, l'égalité des droits et le mouvement #MeToo, le Danemark est l’un des pays au monde où les individus se qualifient le moins de féministes. Le sondage, mené par le projet YouGov-Cambridge Globalism Project auprès de plus de 25.000 personnes dans vingt-trois grands pays, révèle que seulement un·e Danois·e sur six se dit féministe.
Tabou, le terme «féministe» effraie même la ministre danoise de l'Égalité, Karen Ellemann, qui a déclaré à plusieurs reprises ne pas l'être, se considérant plutôt comme militante pour l’égalité. Elle n’est pas la seule puisque selon les données, seulement un quart des femmes danoises se considèrent comme féministes.
En Suède, ce score dépasse les 46%.Le Danemark se classe même derrière des pays comme l’Italie, l’Espagne ou le Royaume-Uni qui, comme le souligne les journalistes Richard Orange et Pamela Duncan dans un article pour le Guardian, sont bien moins progressistes en matière d'égalité des sexes.
À LIRE AUSSI Pourquoi déteste-t-on les féministes?*
Au Danemark, #MeToo passe mal
Le Danemark fait partie des rares pays à offrir l’égalité en matière de droits du travail ou à lutter activement pour la fin du plafond de verre. Pourtant, d’après le sondage YouGov, les Danoises préfèrent se faire siffler dans la rue plutôt que d’être «traitées» de féministes.
Un tiers d'entre elles affirme qu’un sifflement de la part de passants est acceptable, soit la deuxième proportion la plus élevée, derrière le Nigéria. «Cela ne me dérange pas tant que c'est fait de manière agréable, assure une Danoise interrogée par le Guardian. Je vois ça comme un compliment. Beaucoup de Danoises disent qu'elles aimeraient que les hommes ressemblent davantage à ceux du sud de l'Europe et vous disent à quel point vous êtes belle.»
Rikke Andreassen, professeure d'études en communication à l'université Roskilde, dans le nord du pays, soutient que les Danois·es tolèrent plus facilement le harcèlement sexuel en raison d’une culture qui tend à se concentrer sur les intentions plutôt que sur les actes. «Chez nous, ce que vous dites ne peut pas être jugé raciste ou sexiste si ce n’était pas votre intention de départ, explique-t-elle. Tant que c’est fait de manière “amusante”, attraper ou toucher une femme n’est pas problématique par exemple.»
Ainsi, le mouvement #MeToo ne fut pas traité par les médias danois dans les rubriques Société ou Égalité, mais dans les pages Opinions et Culture. Les articles et reportages ont par ailleurs préféré s'attarder sur ce que risquait un homme s’il était accusé à tort, plutôt que sur les témoignages des victimes. D’après le sondage, plus de deux Danois·es sur cinq désapprouvent le mouvement.