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Les espions portent-ils vraiment des fausses barbes?

Temps de lecture : 3 min

Oui, les poils du visage sont un élément à part entière de la couverture des espions, et servent aussi aux assassins.

La police de Dubaï a révélé mardi 16 février que 11 assassins camouflés flânaient dans les couloirs d'un des hôtels de luxe de la ville, il y a un mois, et ont tué le commandant militaire du Hamas, Mahmoud al-Mabhouh. Entre autres accoutrements furtifs, il semblerait que les meurtriers aient utilisé des chapeaux, des lunettes et des faux poils sur leurs visages pour dissimuler leurs identités. Les espions et les assassins portent-ils réellement des fausses barbes?

Absolument. Quand un tueur doit exécuter un contrat dans un lieu public, il porte en général ce que les experts de l'espionnage appellent un «déguisement léger», comportant tous les accessoires susceptibles d'être rapidement ôtés - comme des lunettes, un chapeau, une cane, ou la bonne vielle fausse moustache. Ainsi, après avoir pressé la gâchette, ils peuvent s'enfermer dans des toilettes publiques et changer d'identité, en arrachant les poils de leur visage et en jetant le chapeau. Les barbes aident aussi à tromper les systèmes de reconnaissance faciale qui se fondent sur la mesure précise de l'arrête de la mâchoire et des pommettes.

Les assassins peuvent choisir à dessein des fausses-barbes en toc auto-adhésives s'ils ont à exécuter un contrat rapidement, parce que la crédibilité et la discrétion sont souvent contre-productives dans ces cas-là. Des éléments voyants comme une mauvaise texture, des dents en or, des vestes colorées ou des verrues factices attirent l'attention de témoins potentiels, qui se concentreront tellement sur la loufoquerie du costume qu'ils ne se rappelleront de rien d'autre du suspect. Un des assassins de Dubai, par exemple, portait un canotier, qui n'est plus un accessoire à  la mode depuis des décennies, et qui à coup sûr se fait remarquer dans une foule. (Au début du XXème siècle, d'ailleurs, ce chapeau était considéré comme une sorte d'uniforme des agents du FBI.)

La vraisemblance est beaucoup plus importante quand l'espion usurpe l'identité d'une personne, ou s'il doit travailler à un même endroit pendant longtemps. (Certains agents peuvent se faire pousser la barbe pour ces missions, mais cela ne fonctionne pas très bien s'ils doivent se la teindre pour améliorer la ressemblance, ou s'ils n'ont pas une pilosité très fournie.). Les poils humains font des barbes bien plus réalistes que les fibres synthétiques. Le seul problème, c'est qu'elles ont tendance à frisotter les jours d'humidité et risquent alors de révéler le support en tissu. L'artifice peut se fixer avec de la colle à perruque ou tout adhésif similaire, mais vous devez faire attention. Les lèvres supérieures d'un faux-moustachu peuvent suer dans des environnements chauds, et les colles liquides risquent alors de ne plus fonctionner. Vous ne voudriez pas que vos rouflaquettes se décollent le premier jour de votre infiltration dans la chaleur écrasante d'une cache terroriste au Yemen.

Évidemment, dans ces missions d'envergure, les poils du visage ne sont qu'un élément du camouflage entier. Les agents peuvent utiliser de l'auto-bronzant, porter des lentilles de contact colorées, mettre des cailloux dans leurs chaussures pour modifier leur façon de marcher et adopter les façons de faire locales. Les Américains, par exemple, ont tendance à s'avachir, ou à s'appuyer contre les murs. Les agents envoyés en Europe sont formés pour se tenir plus droits et pour parler plus volontiers avec les mains.

Les fausses-barbes ont été d'une importance centrale dans des incidents internationaux marquants. Quand la banque australienne Nugan Hand s'est effondrée en 1980, après avoir été accusée de trafic de drogue pour soutenir des opérations d'espionnage américain, l'un des fondateurs de l'institution aurait quitté clandestinement le pays avec une fasse-barbe. Antonio Mendez, ancien chef des opérations clandestines de la CIA, s'est largement servi de fausses barbes dans la Russie de la Guerre Froide. Il collait souvent des fausses moustaches sur les agents qui devaient recueillir des secrets nucléaires russes auprès d'un agent-double nommé Trinity, pour qu'ils puissent mieux se mélanger avec leurs autres camarades. La CIA connaît bien l'importance des poils de visage, et a par deux fois tenté d'ôter sa barbe à Fidel Castro, espérant que son visage nu paraisse moins autoritaire au peuple cubain.

Brian Palmer

Traduit par Peggy Sastre

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Image de Une: John.E.Robertson, Flickr, CC

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