Si, en soirée, vous ne pouvez pas vous empêcher de détourner votre attention de la discussion que vous avez quand quelqu'un d'autre prononce votre prénom, rassurez-vous, vous n'êtes ni impoli·e ni totalement autocentré·e, vous ne faites que suivre les injonctions de votre pauvre cervelle.
C'est ce qu'on appelle l'effet cocktail party, connu en psychologie depuis les années 1950: dans une pièce bruyante ou sur une image encombrée, nous détectons parfaitement bien notre nom ou notre visage.
Désormais, grâce à une équipe de recherche menée par le professeur de neuroscience Tobias Egner, nous savons que le phénomène est ancré au cœur de nos cellules cérébrales: dès qu'une idée est associée à notre petite personne, nous y pensons plus vite qu'à n'importe quelle autre.
«Dans leur esprit, les gens se donnent toujours la priorité, revèle Egner. Il nous restait à savoir avec quel degré d'automatisme. Est-ce quelque chose qu'on ne peut pas contrôler? Dans ce cas, cela pourrait réellement biaiser notre processus de décision.»
Et des biais, il y en a moult, comme le montrent les expériences menées sur 102 participant·es détaillées dans la revue Psychological Science.
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Moi en premier
Dans une première phase, les volontaires ont dû apprendre à associer les couleurs bleu, vert et violet aux termes «ami», «étranger» ou «moi» dans un petit jeu informatique.
Ensuite, deux points de couleurs différentes se mettaient à clignoter brièvement à l'écran. Après une pause de cinq secondes pendant laquelle les sujets devaient se rappeler des emplacements et des couleurs des points apparus précédemment, un point noir arrivait sur l'écran. Ici, ils devaient indiquer si le point noir clignotait au même endroit que l'un des points colorés et, le cas échéant, à quel label il était associé.
Résultat: les cobayes ont identifié les points «moi» nettement plus rapidement que les points «ami» ou «étranger» –ce qui signifie que leur mémoire de travail s'était focalisée sur les points affichant leur couleur.
Dans une variante de l'expérience, les scientifiques ont fait en sorte que la couleur «moi» apparaisse deux fois moins souvent que les couleurs «étranger» et «ami», histoire de voir si les participant·es se donnaient encore la priorité, même si cela nuisait à leur score. Là encore, la réponse est oui.
«Qu'importe qu'il ait été bien plus malin de donner la priorité aux deux autres couleurs, nos sujets ont toujours été plus rapides avec la couleur “moi”, précise Egner. Il s'agit donc visiblement d'un automatisme: nous ne pouvons pas faire autrement que de prioriser les stimulus qui nous sont associés.»