Vous êtes en avion et l'un de vos voisins tousse? Pas de panique! Après le virus grippal pandémique voici, une nouvelle fois, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) prise en flagrant délit de surenchère hygiéniste. L'affaire est rapportée par le menu dans les colonnes de la prochaine livraison du mensuel The Lancet Infectious Diseases.
En substance, et contrairement à une opinion aujourd'hui très répandue dans le monde du transport aérien (du fait même des recommandations de l'OMS) les personnes porteuses du bacille de Koch, bactérie responsable de la maladie tuberculeuse, peuvent être présentes dans les avions sans risquer de contaminer les autres voyageurs.
En écho à celle des Centers for Diseases Control and Prevention (CDC) américains l'inquiétude de l'OMS avait été réactivée en 2007 après la découverte du cas d'un ressortissant des Etats-Unis d'Amérique souffrant de tuberculose dite «ultrarésistante» qui s'était rendu en Europe par avion. Les dernières directives de l'OMS dans ce domaine recommandent le «traçage» a posteriori des passagers aériens assis pendant plus de huit heures dans des rangées adjacentes à celle d'un passager ayant été ensuite identifié comme étant tuberculeux. Ces mêmes directives recommandent en outre qu'une personne infectée par le BK soit interdite de tout vol commercial durant la période où l'on peut établir qu'elle est contagieuse.
Or voici que l'on apprend que ces recommandations sanitaires ne reposent pas, comme on aurait pu le croire sur une véritable base rationnelle. Telle est la conclusion d'une étude menée par Ibrahim Abubakar (université d'East Anglia, Norwich, Royaume-Uni), par ailleurs président du groupe de travail sur la tuberculose et le transport aérien du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
Ces conclusions résultent de l'analyse détaillée de treize (sur trente-neuf) des principales études menées sur ce thème et incluant la surveillance de plus de 4.300 passagers dans six pays. Pour l'essentiel la grande majorité de ces études n'a pas établi de preuve d'une transmission du BK pouvant être rapportée à un voyage aérien.
Au total, sur 2.761 passagers ou membres d'équipage testés, seuls 10 ont montré une réaction tuberculinique positive (ce qui prête d'ailleurs à des interprétations contradictoires) sans qu'aucun cas de tuberculose déclarée (à la fois active et contagieuse) résultant d'une contamination en vol n'ait pu être rapportée et démontrée.
«Bien qu'une cabine d'avion soit un espace clos et confiné, la durée d'exposition [au BK] est relativement courte comparée à se qui se passe dans un foyer ou dans d'autres modes de transports où les personnes effectuent le même trajet quotidiennement» rapporte l'auteur de ce travail. Il rappelle aussi que la plupart des avions des vols longue distance sont équipés d'un système de filtration d'air hautement efficace qui réduit les risques de contamination infectieuse par voie aérienne.
Quant à la traçabilité des passagers d'un vol ayant été emprunté par une personne dont on découvre, plus tard, qu'elle souffre d'une tuberculose pulmonaire elle est à la fois aléatoire et coûteuse. En clair l'argent et les énergies dépensées sur ce thème du fait des recommandations de l'OMS pourraient être autrement mieux utilisées.
Vous êtes en avion et l'un de vos voisins tousse? Aucune raison, décidemment, de paniquer.
Jean-Yves Nau
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Image de Une: Un homme atteint de la tuberculose au sud-est du Soudan Finbarr O'Reilly / Reuters