Obsession de la performance et du corps, pression permanente: les jeunes athlètes sont extrêmement fragiles, en dépit de ce que leurs résultats sportifs peuvent parfois indiquer. Un article publié par The Atlantic revient sur ce phénomène qui touche un grand nombre de jeunes. Ce qui ne signifie pas qu'il faut priver les nouvelles générations de sport, mais qu'il serait en revanche profitable d'essayer de mieux les accompagner.
En préambule, la journaliste Linda Flanagan rappelle qu'il n'y a pas besoin d'être sportif ou sportive pour aller mal: se basant sur une étude américaine, elle rappelle que près de la moitié des moins de 18 ans souffrent de problèmes psychologiques plus ou moins importants, et que 12% des ados ont connu au moins une phase dépressive. Il ne faudrait pas que les pratiques sportives soient désignées comme les seules responsables du mal-être des jeunes gens.
Pour Marshall Mintz, psychologue sportif qui travaille avec des ados depuis une trentaine d'années, «tout le monde dans le métier s'accorde à affirmer que les cas d'anxiété et de dépression chez les jeunes athlètes ont augmenté au cours es 10 ou 15 dernières années». Une étude datant de 2015 vient en outre démontrer que les ados pratiquant une activité sportive à un niveau élevé étaient davantage sujets à des émotions négatives que leurs camarades moins adeptes de sport.
Selon l'article de The Atlantic, ce phénomène s'explique avant tout par le fait que les responsables des sections sportives ont de plus en plus tendance à copier les systèmes d'entraînement et de management des clubs professionnels, et donc à appliquer sur des ados en cours de formation des techniques qui ont pu faire leurs preuves chez des adultes potentiellement plus solides. Une professionnalisation avant l'heure qui peut laisser quelques athlètes sur le carreau, tant physiquement que mentalement.
Le rôle des parents est également primordial. Beaucoup d'entre eux n'hésiteraient pas à jouer les coachs de substitution dans le but de motivier toujours plus leurs enfants, pensant ainsi les aider à se hisser vers une carrière professionnelle. Les statistiques montrent d'ailleurs qu'un nombre croissant d'ados se consacre désormais à une seule discpline sportive afin de tenter d'y exceller, alors qu'il y a quelques années, les jeunes gens qui aimaient l'effort physique pratiquaient souvent plusieurs sports afin de prendre le maximum de plaisir.
Dans un grand nombre de situations, les spécialistes décrivent de véritable situations de transfert, dans lesquelles les parents font reposer toutes leurs ambitions sur les épaules de leurs enfants. Ceux qui ont excellé dans un sport font pression afin que le prestige de leur lignée soit conservé... et les autres font tout pour que leurs fils et leurs filles connaissent le succès auxquel ils n'ont jamais pu prétendre. «Pour certains parents», résume Marshall Mintz, «tout se résume au fait d'obtenir les notes maximales et de jouer dans l'équipe première». Le bien-être des enfants finit par passer largement au second plan.
«L'autre souci», ajoute Marshall Mintz, «c'est que tous ces jeunes gens manquent de sommeil, et que cela ne fait qu'alimenter leur anxiété et leur dépression». Des entraînements intensifs, parfois tardifs, auxquels s'ajoute la pression des résultats scolaires à maintenir aussi hauts que possible, rendent les semaines des jeunes athlètes aussi routinières que surchargées. C'est mathématique: ajoutez heures de cours, heures de travail personnel, heures d'entraînement, et heures de sommeil nécessaires, et vous dépasserez aisément les 24 heures.
En outre, s'il semble que cette façon de penser ait tendance à se démocratiqer un peu partout, il semble que la culture américaine pousse les jeunes à imaginer le monde comme l'opposition de deux camps: les gagnant·es et les perdant·es. Ce qui a pour effet de démultiplier les effets de la moindre contre-performance ou de la moindre note inférieure aux attentes de l'élève ou des parents. Viser sans cesse la perfection, c'est risquer de sombrer dans l'abîme dès qu'elle n'est pas atteinte.
Un peu partout aux États-Unis, des services de suivi des jeunes sportives et sportifs sont en train de se mettre en place, des écoles aux universités. Le but est de leur offrir un sas de décompression, mais aussi un espace de parole. Quand les coachs, les parents et les profs ne parlent que de performances et d'objectifs à atteindre, il est nécessaire pour ces ados en cours de construction de pouvoir faire l'objet d'une attention différente. Sous peine d'imploser.