Parce que nous évoluons côte à côte depuis des milliers d'années, les chiens font un bon modèle de nos compétences sociales que sont la tolérance et la coopération. Sauf que de récentes études ont révélé que les loups (les plus proches parents non domestiqués des chiens) semblent en réalité plus tolérants et coopératifs avec leurs congénères que ne le sont les chiens entre eux.
Se pourrait-il que la domestication ait opéré une sélection de traits comportementaux, déjà présents chez les loups, qui marquent une propension coopérative interespèces entre canidés et êtres humains?
Pour tester cette passionnante hypothèse, une équipe de recherche en médecine vétérinaire de l'université de Vienne ont comparé des loups (quinze loups gris âgés de 2 à 8 ans, onze mâles et quatre femelles) et des chiens (douze bâtards entre 2 et 7 ans, sept mâles et cinq femelles) habitués au compagnonnage de l'être humain depuis aussi longtemps –minus, bien sûr, tout le passif évolutionnaire.
Il ressort de son étude que les deux espèces cousines sont tout aussi coopératives avec nous –ce qui confirme que les aptitudes sociales des chiens procéderaient de celles des loups–, mais pas de la même manière.
L'équipe de Friederike Range, affiliée par ailleurs au prestigieux Institut Konrad Lorenz d'éthologie, montre que les loups sont plus susceptibles d'initier le mouvement –ici, un jeu de tirage de corde récompensé par une friandise si l'animal y met du sien–, quand les chiens ont tendance à attendre l'impulsion de leur partenaire humain pour suivre son exemple.
Traits préexistants à la domestication
Selon les scientifiques, cette expérience confirme qu'après la sélection de traits téméraires chez des individus manifestant une moindre appréhension des êtres humains, la domestication canine s'est opérée sur celle de caractères marquant une plus grande propension à la déférence et à la servilité, afin de minimiser les conflits de ressources, garantir la protection de l'habitat et assurer la sérénité d'échanges où l'être humain agit en chef de meute.
Sur le plan de ces aptitudes sociales, les chiens n'auraient donc pas développé de nouveaux traits au cours de leur domestication, mais hérité leurs compétences collaboratives de leurs ancêtres –des traits primitifs qui ont ensuite constitué la base de l'évolution de la coopération entre les être humains et leurs meilleurs amis à quatre pattes.
On notera aussi que contrairement à d'autres études, l'équipe de recherche n'a pas supposé que les chiens allaient surpasser les loups. Pour citer Friederike Range, «nous nous attendions à ce que les loups coopèrent avec les humains aussi bien que les chiens, si une socialisation précoce et intensive leur avait été offerte» –une hypothèse que l'étude confirme parfaitement.