Les femmes ont beau être de plus en plus (et de mieux en mieux) représentées dans les films, elles sont encore minoritaires derrière la caméra. Parmi les cent films hollywoodiens les plus lucratifs de 2018, seuls 4% étaient réalisés par des femmes. Pourtant, ce n'est pas le talent qui manque: la preuve par cinquante.
Still the Water
(Naomi Kawase, 2014)
La brillante documentariste Naomi Kawase est aussi une exceptionnelle conteuse de la nature et de la vie. Dans Still the Water, elle place son récit au sein de l'île d'Amami, qui semble être comme le centre du monde et où les dieux et les esprits vivent encore en chaque chose. Il y est question de deuil et de transmission, dans un récit d'une grande beauté et d'une grande poésie. Naomi Kawase délivre un conte japonais moderne où chaque feuille, chaque vague, chaque pierre semblent être présentes et actives au sein même de l'histoire de Kaito et Kyoko, deux adolescents qui cherchent encore leur place au sein du monde.
A Beautiful Day
(Lynne Ramsay, 2017)
La réalisatrice de We Need To Talk About Kevin a le don de raconter des histoires d'une violence spectaculaire, tout en plaçant la finesse psychologique de ses personnages au premier plan. A Beautiful Day, qui a remporté le prix du scénario et de l'interprétation masculine (pour un Joaquin Phoenix plus torturé que jamais) à Cannes en 2017, en est l'exemple parfait. Joe, tueur à gages hanté par une vie de violence, est embauché pour secourir une jeune fille prisonnière d'un réseau de prostitution. Le film aurait pu ressembler à une énième histoire de tueur à gages, mais avec la vision de Lynne Ramsay, il se transforme en un récit cauchemardesque et implacable, qui nous plonge dans la vie intérieure de Joe et le rend terriblement attendrissant malgré sa brutalité. Grâce à un travail sur le son remarquable et un scénario déroutant, le film nous offre une expérience radicale de cinéma.
I Am Not a Witch
(Rungano Nyoni, 2017)
Belle découverte du festival de Cannes 2017, I Am Not a Witch est à la fois un drame troublant dans les plaines de Zambie et une critique universelle des dictatures des croyances et du pouvoir. Le premier film de Rungano Nyoni est une œuvre complète, portée à la fois par le travail du chef opérateur David Gallego et de la costumière Holly Rebecca (styliste de Solange Knowles), mais également par des plans conçus comme des visions poétiques qui opposent leur beauté fantomatique au tragique de l'histoire de la petite Shula.
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Revenge
(Coralie Fargeat, 2017)
Revenge s'inscrit dans la directe lignée d'un sous-genre du cinéma dit «de genre», le rape and revenge, qui s'épanouit au début des années 1970 avec des films comme La Femme Scorpion au Japon et I Spit on your Grave ou La Dernière Maison sur la gauche aux États-Unis. Dans ceux-ci, une femme y est violée, parfois torturée, avant d'effectuer une vengeance violence sur ses bourreaux. Il arrive que ce genre controversé soit accusé de complaisance, mais Revenge s'oppose à ce schéma et renverse le male gaze habituel en proposant un récit brut, poisseux et désexualisé. Dans une rage sourde, Coralie Fargeat y filme Matilda Lutz en héroïne implacable au milieu d'une zone désertique des canyons.
Bright Star
(Jane Campion, 2010)
Si vous aimez les regards furtifs dans la campagne anglaise et les paysages d'une beauté presque insoutenable, aucun film ne peut surpasser Bright Star, sur les dernières années du poète John Keats et sa romance avec Fanny Brawne. Interprété avec passion par Abbie Cornish et Ben Whishaw, le film de Jane Campion offre une réflexion délicate sur la pureté et la puissance des sentiments amoureux. Tout en retenue, le film produit des moments d'une telle grâce et d'une telle intimité entre les deux amants qu'on a parfois l'impression d'être de trop. Et tout est magnifique dans ces vignettes de pur romantisme, des décors à la lumière en passant par les costumes.
Selma
(Ava DuVernay, 2014)
Plutôt qu'un biopic conventionnel de Martin Luther King, le film d'Ava DuVernay resserre son angle sur quelques mois de 1965. On y voit le pasteur participer à l'organisation des marches de Selma et Montgomery et débattre de leur efficacité, tout en résistant à la pression d'un mariage de plus en plus fragile et du FBI déterminé à saper ses efforts. Ava DuVernay livre ainsi un film intime et tactile (photographié à la perfection par Bradford Young), sur la difficulté et la nécessité de la lutte militante. Sorti quelques mois après les manifestations de Ferguson, Selma souligne plus que jamais des enjeux contemporains.
A Girl Walks Home Alone at Night
(Ana Lily Amirpour, 2014)
Ce film iranien onirique, qui se déroule presque exclusivement la nuit, renverse l'idée que les rues mal éclairées sont un territoire qui appartient aux hommes: ici, ce sont eux qui deviennent les proies, et leur agresseuse n'est autre qu'une jeune vampire qui porte le voile, fait du skate et écoute Lionel Richie. Présenté à Sundance en 2014, A Girl Walks Home Alone at Night jongle avec aisance entre une multitude de genres et de références: dans un sublime noir et blanc et des décors industriels désolés à la Eraserhead, on passe de l'horreur à la romance, du western à l'expérimental, avec la même sensation d'envoûtement. La bande originale du film est à son image, très éclectique, mais on retiendra en particulier cette scène sublime à mi-chemin entre la séduction, la tendresse et le danger de mort.
The Diary of a Teenage Girl
(Marielle Heller, 2015)
L'histoire d'une jeune femme qui entame une liaison avec un homme plus âgé n'a peut-être pas grand-chose d'original, mais c'est très rare d'en voir une racontée avec autant de nuance et de bienveillance. Car comme dans son biopic nommé aux Oscars, Can You Ever Forgive Me, Marielle Heller a le talent de filmer ses personnages avec distance et sobriété, sans jamais les juger. Il y a une grande finesse dans son écriture et sa réalisation, qui nous permet de tomber sous le charme de Monroe en même temps que de Minnie et d'accepter cette liaison pourtant très problématique, avant que ses aspects les plus dérangeants ne finissent par s'insinuer dans l'histoire. The Diary of a Teenage Girl est sans doute la représentation la plus juste et la plus honnête du pouvoir enivrant de la sexualité adolescente.
American Psycho
(Mary Harron, 2000)
Qui mieux qu'une femme pouvait dresser le portrait de l'incarnation de la masculinité toxique? Si Mary Harron semble avoir tout à fait compris ce qui faisait la force et la laideur de Patrick Bateman, le héros d'American Psycho, c'est parce qu'elle en est, comme de nombreuses femmes, la spectatrice au quotidien. À travers son regard, le portrait de cette génération d'hommes en costumes sur-mesure et de leur monstre est encore plus glaçant. La mesquinerie de leurs codes et de leurs obsessions encore plus flagrante. La violence de Patrick Bateman encore plus absurde. L'outrance amusée du pamphlet de Brett Easton Ellis devient chez Mary Harron plus accessible et plus humaine, mais pas moins politique.
Trouble Every Day
(Claire Denis, 2001)
Avec Trouble Every Day, Claire Denis propose une histoire d'amour passionnelle et totale comme le cinéma en a rarement vu. Si la vision de la réalisatrice est radicale, elle ne s'épanouit entièrement que dans l'abandon de Béatrice Dalle, qui s'offre en héroïne animale et carnassière. C'est beau et c'est tragique. Bien qu'organiques, ces images et ces sonorités font le contraire de salir: elles élèvent l'âme. Le film est un traumatisme par son hyperréalisme, qui empêche d'y voir une simple métaphore. Non, c'est simplement l'histoire de personnalités malades qui s'aiment à s'en dévorer dans une vieille maison de la banlieue parisienne aux volets fermés. Pour une fois, et cela participe certainement à son côté choquant, c'est une femme qui endossera la cape de prédatrice. Claire Denis, en bonne cinéaste punk, s'amuse des conventions: elle les refuse et les recouvre de sang.
Take this Waltz
(Sarah Polley, 2011)
Take this Waltz aurait pu s'appeler Tension sexuelle: le film. L'œuvre hautement sensuelle et sensible de Sarah Polley raconte l'attirance dévorante entre Margo (Michelle Williams, bouleversante) et son irrésistible voisin Daniel (Luke Kirby, hyper sexy). Une attirance compliquée par le fait que Margo menait jusqu'alors une vie parfaitement heureuse avec son mari (un très bon Seth Rogen). Au lieu de souffler le chaud et le froid et de prétendre pendant deux heures qu'ils ne se plaisent pas, les deux protagonistes sont immédiatement très directs sur leur attirance mutuelle et sur l'impossibilité d'agir dessus. S'ensuivent alors des scènes débordantes de sensualité, où Margo se retrouve bouleversée par son propre désir et ses émotions contradictoires. En mettant en valeur toute la complexité et la puissance du désir féminin, le film déjoue les clichés des histoires d'adultère. Et dans une superbe scène finale, le choix de Margo devient la nouvelle étape d'un long apprentissage de soi.
XXY
(Lucía Puenzo, 2007)
Sur la côte uruguayenne, dans une demeure magnifique perdue dans la forêt, vit une famille argentine qui semble avoir un secret à cacher. Ce secret, c'est Alex, qui à 15 ans se retrouve face à la question de son genre. Alex doit choisir, et comme ses parents l'ont pensé, c'est en vivant et en désirant qu'Alex se découvre totalement. À l'heure où de nombreux enfants se retrouvent victimes du choix des adultes dans le cas d'intersexuation à la naissance, les parents d'Alex ont décidé de laisser parler le temps et la nature profonde de leur enfant. XXY oppose une réalité chirurgicale à une évolution douce, enfermée visuellement par une nature omniprésente. À l'abri du regard de l'autre et de ses a priori, Alex a la place pour trouver sa place dans le monde.
The Love Witch
(Anna Biller, 2016)
The Love Witch est un film complètement perché, qui demande à être vu (et revu) au millième degré. Trip visuel acidulé, le film suit une jeune sorcière dont l'envie écrasante de se mettre en couple se retourne contre elle. Car Elaine a beau utiliser des sorts et des potions, aucun homme ne lui survit: ses prétendants semblent tous être affaiblis (de manière souvent pathétique) par leur propre excitation et sont incapables de supporter l'amour très puissant de la sorcière. S'il n'adhère vraiment à aucun code du genre, ce film d'horreur joue sur ce qui effraie traditionnellement les hommes, selon la réalisatrice: l'excès de féminité, l'excès de désir sexuel chez les femmes, l'excès d'amour. Le film est aussi sublime techniquement: Anna Biller a passé sept ans à produire, écrire, réaliser et monter, et a elle-même créé les décors, les costumes et la musique. Le résultat est un glorieux pastiche des films d'exploitation des années 1960 et 1970, avec une attention au détail et des visuels à couper le souffle.
Tomboy
(Céline Sciamma, 2011)
En 2011, Céline Sciamma se pose la question du genre assigné à la naissance en remettant en cause ce que l'on croit relever du féminin et du masculin. À 10 ans, le temps d'un été, Laure devient donc Mickaël et découvre une liberté qu'elle n'imaginait pas. Jeune fille aux manières jugées masculines, elle était en première ligne des critiques. Dans Tomboy, Céline Sciamma questionne les constructions sociales du genre et, avec une grande pudeur et une infinie délicatesse, offre un conte préadolescent sur la fluidité de genre. La violence avec laquelle cette œuvre solaire a été accueillie par des mouvances extrémistes ultra-catholiques au moment de sa sortie démontre que le sujet était important.
American Honey
(Andrea Arnold, 2016)
De Red Road à Fish Tank, Andrea Arnold a toujours su raconter le désir féminin et le danger qui l'accompagne souvent, surtout dans des relations hétérosexuelles. Mais dans American Honey, elle renverse totalement nos attentes avec un récit initiatique lumineux, transporté par une bande-son incroyable. Sasha Lane y joue Star, une jeune femme qui rejoint un groupe d'ados marginalisés qui vagabondent de ville en ville, dans un Sud américain rongé par la pauvreté. Star déborde d'énergie et d'optimisme un peu naïf, et se met constamment dans des situations dangereuses. Mais alors qu'un moindre film nous aurait soumis à une énième scène de violence sexuelle, American Honey s'y refuse et nous offre plutôt le portrait d'une jeune femme que rien n'arrête, qui prend en main son désir et son avenir de la seule manière qu'elle peut.
Amer
(Hélène Cattet et Bruno Forzani, 2009)
Un parquet qui grince, des gants en cuir qui craquent, la chair de poule qui apparaît en gros plan, une bouche qui s'entrouvre, Hélène Cattet et Bruno Forzani réinventent le giallo, cinéma d'exploitation italien des années 1970, en 2010. En reprenant les codes porno-chic d'un genre éteint, le duo de cinéastes explore les mécanismes de peur et de désir d'une jeune femme à trois âges de sa vie. Petit bijou du cinéma expérimental, Amer est une succession de sensations qui, fétichistes à l'extrême, peuvent provoquer l'émoi ou le rejet. C'est avec une grande intelligence des sens que le film mêle ces deux émotions, terreur et désir, et qu'il oppose également, presque politiquement, l'excitation de son héroïne au regard de prédateurs qui l'entourent.
Zero Dark Thirty
(Kathryn Bigelow, 2012)
Seule réalisatrice à avoir remporté l'Oscar du meilleur film (pour Démineurs), Kathryn Bigelow a réussi à s'imposer à Hollywood dans le genre très masculin du film de guerre. Dans Zero Dark Thirty, elle retrace la traque de Ben Laden et la perte de sens aux États-Unis après le 11-Septembre, à travers un personnage féminin fascinant, Maya, analyste de la CIA. Têtue et téméraire, Maya est obsédée par son travail au détriment de tout le reste et elle n'hésite pas à tenir tête à ses supérieurs, qui ne cessent de la sous-estimer. Bref, elle est l'équivalent féminin du loup solitaire, une figure généralement réservée aux antihéros masculins. Et l'interprétation impeccable de Jessica Chastain, accompagnée par la réalisation frappante de Kathryn Bigelow, font de ce film un thriller viscéral et inoubliable.
La Vie domestique
(Isabelle Czajka, 2016)
C'est un drame français grinçant et c'est en réalité le drame de nombreuses femmes actives qui, après être devenues mères, se retrouvent confrontées à un monde parallèle: celui des horaires d'ouverture et de fermeture de l'école, des goûters à préparer à la maison, des cafés que les autres mères partagent le matin. Quadragénaire dans une banlieue aisée, Juliette vit comme en prison. Elle se débat avec les codes, avec ce que le monde et sa famille semble exiger d'elle. C'est un drame extérieur qui vient finalement bousculer le quotidien feutré et réveiller Juliette. Adapté du roman Arlington Park de Rachel Cusk, La Vie domestique oppose une femme qui rêve de liberté et un théâtre social absurde où même les proches se complaisent dans l'outrance.
Appropriate Behavior
(Desiree Akhavan, 2014)
Bourré de bons mots et d'observations savoureuses, le premier long-métrage de Desiree Akhavan est une comédie romantique à mi-chemin entre Annie Hall et le mumblecore de Noah Baumbach… Sauf qu'au lieu d'un homme hétéro blanc, on a la perspective d'une femme bisexuelle d'origine iranienne: Shireen, qui se met à explorer sa sexualité après avoir rompu avec sa petite amie, tout en se demandant comment faire son coming out avec ses parents. Dans Appropriate Behavior, Desiree Akhavan offre une représentation réaliste et respectueuse –c'est rare– de la bisexualité, et dresse un portrait acéré de la communauté bobo de Brooklyn. La réalisatrice de Come as You Are sait créer des personnages avec qui on a envie de passer plus de temps, et c'est désormais possible grâce à sa série The Bisexual, dans laquelle elle incarne aussi le rôle principal.
Gare du Nord
(Claire Simon, 2013)
Avant ses grands travaux de modernisation, la Gare du Nord était une sorte de ville dans la ville, où se côtoyaient pauvreté, trafics divers et businessmen en costume-cravate qui prennent l'Eurostar. C'est cette Gare du Nord que raconte Claire Simon. Le lieu, s'il est sombre et dur, est transfiguré par une humanité touchante. L'humain et rien que l'humain, celui que l'on croise toute la journée sans le voir, est mis en avant. L'œuvre est sublime de justesse et portée par un Reda Kateb parfait en passeur de l'ombre à la lumière.
Obvious Child
(Gillian Robespierre, 2014)
C'est déjà assez compliqué de faire un film sur l'avortement qui ne tombe ni dans le pathos, ni dans l'horreur, surtout aux États-Unis où le sujet reste tabou. Mais il est encore plus miraculeux d'en faire une excellente comédie romantique, portée avec beaucoup de charme par l'actrice Jenny Slate. Tout en subtilité et en douceur, Obvious Child de Gillian Robespierre réussit un numéro d'équilibriste assez impressionnant entre le rire et les larmes, comme dans cette scène où Donna fait un numéro de stand-up sur son avortement, tout en révélant qu'elle apprécie beaucoup l'homme qui l'a mise enceinte. Un feel good movie intelligent et unique.
Party Girl
(Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, 2013)
Caméra d'or au Festival de Cannes 2014, Party Girl est un drame signé par Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis. Angélique, entraîneuse de bar, accaparée par le monde de la nuit, ne s'est pas vu vieillir. C'est le manque de clients qui la rappelle à l'ordre. Elle décide alors de se marier et de réunir autour d'elle ses enfants, qu'elle n'a pas élevés. Party Girl raconte ce que l'on raconte peu: la précarité du monde de la nuit, les familles éclatées, la difficulté à se réinsérer. Et pourtant, Angélique est toujours observée avec un regard franc, qui complimente à merveille son insolence et sa force de vie.
The Rider
(Chloé Zhao, 2017)
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes en 2017, The Rider est un film bouleversant sur le coût de la vulnérabilité masculine, sublimé par les paysages austères mais majestueux des Badlands. À travers l'histoire de Brady, un jeune cowboy de rodéo qui doit abandonner son rêve après une grave blessure, Chloé Zhao raconte la masculinité toxique et le désenchantement d'une certaine jeunesse américaine. Coincé dans une région reculée où rien ne se passe, Brady n'a pas beaucoup de perspectives. Toute sa vie, et celle de ses amis, tourne autour des animaux, du rodéo. Comment continuer à vivre quand on perd la seule chose qui nous définissait? C'est la question à laquelle doit répondre Brady, et le choix qu'il finit par faire vous laissera en larmes.
A Girl at my Door
(July Jung, 2014)
Si l'homosexualité féminine est un sujet rare au cinéma, elle l'est particulièrement dans le cinéma sud-coréen. A Girl at my Door de July Jung aborde avec une rage larvée les ravages de l'homophobie, la souffrance vécue par celles qui sont condamnées à vivre au placard et les parallèles douteux entre homosexualité et pédophilie du fait d'une méconnaissance du sujet. La comédienne Doona Bae excelle à porter ce rôle difficile d'une policière confrontée à la violence du monde et qui refuse qu'une jeune fille en souffre à son tour. Un cri de rage, un appel à la sororité, une lutte pour la survie.
Leave No Trace
(Debra Granik, 2018)
Après le succès de Winter's Bone, Debra Granik revient en 2018 avec une autre histoire de filiation et de nature indomptable. Mais alors que Winter's Bone, plus proche du thriller, dressait le portrait violent d'une région où personne ne peut se faire confiance, Leave No Trace est marqué par la bienveillance. Une jeune fille et son père vivent en autarcie dans une forêt près de Portland et se retrouvent déracinés lorsque la police finit par les déloger. Avec très peu de dialogues et une réalisation impeccable, Debra Granik développe un duo père-fille bouleversant, et un film étonnamment généreux qui refuse tout manichéisme.
Les Merveilles
(Alice Rohrwacher, 2014)
Il y a dans Les Merveilles des plans d'une beauté à faire pâlir quelques grands maîtres de la peinture. Il y a surtout, grâce à la délicatesse d'Alice Rohrwacher, le récit puissant d'une famille marginale. Comme elle la filmera par la suite dans Heureux comme Lazzaro. Héroïne romantique au visage de madone, Alba Rohrwacher s'épanouit en matriarche d'un rêve éphémère. Couronné Grand Prix au Festival de Cannes 2014, Les Merveilles est une curiosité qui ne répond qu'à ses propres règles, qu'à son propre rythme. C'est une œuvre de courage, d'un charme fou, qui imprègne longtemps la rétine du public.
Mudbound
(Dee Rees, 2017)
On avait déjà adoré Pariah, récit en partie autobiographique sur une jeune Afro-Américaine qui découvre son homosexualité. Mais Dee Rees est aussi à l'aise dans le cinéma intimiste que dans le drame historique, comme le prouve le film fleuve Mudbound. Chronique de l'après-guerre dans le sud des États-unis, elle confronte deux familles, une blanche et une noire, forcées de cohabiter sur le même terrain. La réalisatrice et scénariste explore avec beaucoup de force les tensions raciales de l'époque, notamment à travers les personnages de deux vétérans (Garrett Hedlund et Jason Mitchell, excellents) qui se lient d'amitié en dépit des protestations de leurs entourages.
The Lure
(Agnieszka Smoczynska, 2015)
Deux sœurs sirènes sont contraintes de travailler dans une boîte de nuit où leur talent pour charmer les hommes est utilisé pour attirer la clientèle. Dans le drame fantastique d'Agnieszka Smoczynska, Marta Mazurek et Michalina Olszanska incarnent ces femmes fatales destinées à une fin tragique. L'ambition de la cinéaste pour ce premier film n'est pas feint. The Lure a le mérite de tenir son récit sombre à grand renfort de plans parfois vaporeux parfois poisseux, et les passages musicaux ajoutent à la dramaturgie de l'ensemble. Comme dans un conte, les grands thèmes, de l'amour à l'altérité, sont portés par l'esthétisme. Mais la réalité est là, le drame est présent, et les matins se lèvent sur une écume qui emporte les rêves d'amour des jeunes femmes.
Bliss
(Drew Barrymore, 2009)
Parfois, on a juste envie d'un feel good movie. Et Bliss, le premier long-métrage de Drew Barrymore, remplit le cahier des charges: un récit d'apprentissage à la structure plutôt conventionnelle, mais avec un cadre unique (le monde du roller derby, sport inclusif et badass) et un script assez drôle et survolté pour nous faire passer un excellent moment. Sans parler du casting parfait: Drew Barrymore, Juliette Lewis, Kristen Wiig, Marcia Gay Harden, Alia Shawkat…
Nahid
(Ida Panahandeh, 2015)
Nahid est une Iranienne divorcée qui, pour obtenir la garde de son fils, accepte de ne jamais se remarier. Elle profite d'une forme de liberté qui en réalité l'aliène. Nahid mène de front son combat pour le droit à une vie amoureuse et une vie de mère, sa lutte pour l'indépendance financière et même ses difficultés à se faire aimer de son fils dans une société patriarcale. Avec Nahid, la réalisatrice Ida Panahandeh ne verse jamais dans le militantisme mais, avec beaucoup de finesse et un sens certain de la répétition jusqu'à l'absurde, dresse le portrait d'une femme qui lutte pour sa liberté dans une société hyper codifiée et étouffée par ses traditions. Cette tranche de vie a été récompensée du Prix spécial du jury dans la catégorie Un certain regard à Cannes en 2015.
Victoria
(Justine Triet, 2016)
On pourrait penser qu'on a déjà vu ce film un milliard de fois: une avocate au bord de la crise de nerfs, perdue dans sa vie professionnelle comme intime. Pourtant, aucun autre personnage féminin ne ressemble à Victoria, à la fois complètement paumée et pleine d'une assurance qui frôle le déni –une vitrine parfaite pour Virginie Efira, qui est devenue en quelques films l'une des meilleures actrices francophones du moment. Et en parsemant Victoria de plein de petits détails loufoques (le téléphone portable incassable, le singe…), Justine Triet réussit à créer une comédie française vraiment singulière. Cerise sur le gâteau: que Victoria soit séduite par un homme plus jeune, incarné par le très charmant Vincent Lacoste. Pour une fois que les rôles sont inversés…
The Invitation
(Karyn Kusama, 2015)
Jennifer's Body avait fait son petit effet, profitant largement de la participation de Megan Fox et du scénario de Diablo Cody. The Invitation, le film suivant de la réalisatrice Karyn Kusama, brille par sa finesse et sa subtilité. Dans le sous-genre «Dinner Parties from Hell» où un dîner entre amis ou en famille vire au cauchemar (et dont Festen est le noble modèle), The Invitation brille par sa capacité à créer une ambiance paranoïaque grâce à l'acuité particulière de son personnage principal, père traumatisé par le décès accidentel de son fils. Les arrières plans, la musique, les détails et le montage brillant de Tummy Plucker composent un tableau qui porte en lui une réelle critique des sectes hype qui font recette outre-Atlantique.
La Belle et La Meute
(Kaouther Ben Hania, 2017)
La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania s'est fait connaître avec le malicieux documenteur Le Challat de Tunis. La Belle et La Meute est une nouvelle fois porté par un procédé de mise en scène et de montage exigeant: il est composé de neuf plans-séquences. Tout commence par une soirée étudiante. Et puis Mariam est violée par un groupe de jeunes hommes, dans une voiture. Le film ne s'attarde pas sur cette agression, mais sur la nuit cauchemardesque de la jeune femme pour réussir à porter plainte. Chaque minute est une souffrance, des policiers vicieux à l'absurdité du système (qui complique sévèrement son examen à l'hôpital). Tout est fait pour que Mariam ne porte jamais plainte. Mais avec une rage surnaturelle d'exister et de se faire entendre, la jeune femme se bat. Après le choc de cette lutte qu'on partage avec elle grâce au procédé du plan séquence, des mots simples finissent de nous achever: «Basé sur une histoire vraie.»
La Dernière Piste
(Kelly Reichardt, 2010)
Le western La Dernière Piste s'éloigne des codes traditionnels du genre, se rapprochant presque plus du film de survie paranoïaque. Les paysages sont beaux mais austères, secs et sans gloire, loin de l'esthétique Monument Valley; les héros progressent lentement sur des sols désertiques, accompagnés par le grincement des roues des caravanes et les bruits de pas qui crissent sur le sol. Et le film est tourné au format carré, là où l'immensité de l'Ouest appelle plutôt les plans larges. C'est aussi l'un des rares westerns à adopter le point de vue des femmes, exclues par principe des prises de décision, mais pourtant tout aussi résistantes et ingénieuses que leurs maris.
The Fits
(Anna Rose Holmer, 2015)
The Fits est un film sur la puberté, sur le corps, sur la force. Toni n'a pas 10 ans et elle s'épanouit dans la boxe, avant de découvrir un groupe de danse qui pratique le drill, les Lionesses. Alors qu'elle cherche encore sa place, les danseuses se mettent une à une à souffrir des fits du titre, des convulsions dont on ignore la cause. À la manière dont Morse joue avec les genres et ne répond à aucune question, The Fits laisse une large place à l'interprétation des raisons de ces convulsions mystérieuses. Mais l'ambiance qui règne dans ce gymnase où les garçons et les filles s'opposent, l'absence quasiment totale des adultes dans le récit, l'intensité de jeu de Royalty Hightower et l'aspect organique et guerrier du film en font une œuvre féministe majeure de ces dernières années.
Mustang
(Deniz Gamze Erguven, 2015)
La comparaison entre le film de Deniz Gamze Erguven et Virgin Suicides a souvent été faite, et à juste titre, puisqu'il s'agit là encore de cinq sœurs enfermées chez elles. Sauf qu'au lieu du puritanisme américain des années 1970, le système mis à nu est celui de la société turque coincée entre modernité et conservatisme, et plus particulièrement la culture patriarcale écrasante de la région où se déroule le film. Mais la comparaison s'arrête là, car après plusieurs scènes qui montrent l'enfermement et le musellement successif des jeunes filles, Mustang met en action leur rébellion, et fait monter la tension à la façon d'un thriller, jusqu'à une fin douce-amère qu'on met longtemps à digérer.
Western
(Valeska Grisebach, 2017)
Dans le film de Valeska Grisebach, le western se déplace dans la campagne bulgare, où un groupe d'ouvriers allemands s'apprête à commencer un chantier difficile. Peu à peu, la cinéaste dresse le portrait d'un groupe d'hommes dont la virilité s'exacerbe avec la solitude, dans un univers qu'ils pensent hostiles et dont ils ne maîtrisent ni la langue ni les codes. Meinhard Neumann y interprète le héros solitaire et droit. Par réflexe, on s'attend à ce que le drame pointe le bout de son nez dans Western, mais en réalité, le diable se glisse dans les détails. La cinéaste, dans une posture d'économie, ne plonge pas dans cette voie facile. L'ambiance lourde suffit, nourrie dans un traitement âpre, aride, qui ne cesse de rappeler que la menace pèse.
After the Wedding
(Susanne Bier, 2006)
Un Danois qui vit depuis des années en Inde revient dans son pays natal pour des raisons professionnelles, et fait des découvertes sur sa propre vie. After the Wedding contient assez de rebondissements pour remplir toute une saison de This Is Us, mais parvient à rendre le tout naturel grâce à sa réalisation précise, caméra à l'épaule, et à une excellente caractérisation. Chaque personnage est ainsi très bien développé et assez nuancé pour que tout ce qui aurait pu paraître cliché devienne ici extrêmement fin. Le tout servi par un casting au talent incroyable, notamment Mads Mikkelsen et Sidse Babett Knudsen.
Thirteen
(Catherine Hardwicke, 2003)
Beaucoup de femmes se souviennent du moment où tout a basculé, où la vie est devenue moins facile, moins poétique, moins heureuse. Un jour, c'était l'été et on regardait le plafond en entendant les tondeuses à gazon ronronner dans le quartier. Le suivant, c'était les règles, les jeux de séduction, les trahisons, la pression de la société pour l'uniformisation des corps… Devant la caméra de Catherine Hardwicke, qui choisit pour Thirteen un angle hyperréaliste, Tracy (Evan Rachel Wood) passe de jeune fille sage à jeune femme rebelle en souffrance. Drogue, vols, modifications corporelles, elle ne s'épargnera rien –ainsi qu'à sa mère, incarnée avec beaucoup de finesse par Holly Hunter.
Private Life
(Tamara Jenkins, 2018)
Cette comédie dramatique retrace les épreuves parfois absurdes d'un couple de quadras créatifs et très amoureux qui tentent désespérément d'avoir un enfant. Le déchirement de Rachel, qui a toujours choisi de se focaliser sur sa carrière et se demande désormais si elle a fait le bon choix, est particulièrement touchant. Entre les rendez-vous à la clinique, les amis qui ne comprennent pas leur obstination et le lien très fort que le couple entretient avec leur nièce Sadie, Private Life est une petite tranche de vie foutraque et chaleureuse. Et le trio d'acteurs (Kathryn Hahn, Paul Giamatti et Kayli Carter) est parfait.
Tout va bien! The Kids are All Right
(Lisa Cholodenko, 2010)
Une comédie tendre sur le sujet pourtant lourd de l'homoparentalité et du don de sperme. Avec un casting quatre étoiles (Annette Bening, Julianne Moore, Mark Ruffalo mais aussi Josh Hutcherson et Mia Wasikowska), le film réussit le pari de raconter une histoire sans s'encombrer de débats de société. Josh Hutcherson et Mia Wasikowska interprètent des adolescents qui ont désormais l'âge de demander le dossier du donneur de sperme qui a aidé à leur conception et qui décident de lui faire rencontrer leurs deux mères. Dans Tout va bien! The Kids are All Right, il est question d'amour, de sentiments, de désir aussi. Si le film s'aventure sur des terrains glissants, c'est aussi parce qu'il n'est pas vraiment militant. La vie simple de personnages touchants.
Le Père de mes enfants
(Mia Hansen-Løve, 2009)
Dans son deuxième long-métrage, la réalisatrice (28 ans au moment de la sortie) rend un hommage plus que poignant au producteur Humbert Balsan, grand nom du cinéma français, qui s'est donné la mort en 2005. À travers le personnage de Grégoire Canvel, campé avec justesse et charisme par Louis-Do de Lencquesaing, Hansen-Løve dresse dans Le Père de mes enfants le portrait d'un passionné, donnant beaucoup pour son travail tout en tentant de préserver sa relation avec sa femme (Chiara Caselli) et ses filles (dont l'aînée est jouée par Alice de Lencquesaing). Comme souvent chez la réalisatrice, qui filme aussi l'après-Canvel, l'émotion naît de la pudeur qui se dégage des protagonistes. Grand film sur la reconstruction, la perpétuation et le souvenir.
Innocence
(Lucile Hadzihalilovic, 2004)
Avec Innocence, Lucile Hadzihalilovic a choisi de confronter le public à la perte de l'innocence dans le cadre malsain d'une pension inquiétante. De Breillat à Argento, les référentiels de cinéma sont multiples, mais la cinéaste réussit à donner vie à un univers qui ne répond qu'à ses propres règles et à sa propre temporalité. Le groupe porte ainsi rubans et jupes plissées, suit des cours de danse et de sciences… Mais sous le masque désuet de la pension grondent des tumultes et une violence qui ravage tout avec une rage sourde. L'innocence n'est qu'un masque et déjà elle s'est enfuie: la sexualité et la mort font partie du paysage, et le dehors est lui aussi source de fantasme et de terreur.
Toni Erdmann
(Maren Ade, 2016)
Il n'y a pas beaucoup de films allemands de 2h45 qui contiennent à la fois un costume traditionnel bulgare, des petits fours au sperme et une reprise de Whitney Houston, et qui peuvent nous dévaster en l'espace de trois secondes et demie. En fait, il n'y en a qu'un: le magnifique Toni Erdmann. Le film raconte l'histoire d'un père farceur qui tente de redonner le sourire à sa fille très rigide. Ses premières tentatives, alors qu'il lui rend visite à son bureau affublé d'une perruque et de fausses dents, sont aussi hilarantes que malaisantes, mais peu à peu, la façade d'Ines, en fait très malheureuse et solitaire, se craquèle. Et lorsque le film s'achève sur une mise à nu aussi inattendue que jouissive, on ne sait plus trop si on pleure toujours de rire, ou d'émotion –sans doute un peu les deux.
La Ciénaga
(Lucrecia Martel, 2001)
La Ciénaga, premier film de la réalisatrice argentine Lucrecia Martel, est une œuvre d'une violence rare et d'une poésie glaçante. C'est l'histoire d'un groupe d'enfants qui vit les dernières semaines de l'été dans une liberté totale, et d'adultes qui s'oublient dans l'alcool et la religion. D'un côté, on semble attendre que la vie commence, et les premiers émois comme les premiers drames pointent déjà le bout de leurs nez. De l'autre, on endort sa déception et son ennui dans des plaisirs artificiels. Des deux faces de l'histoire, on ne retient qu'une sensation d'espoir éteint et la certitude que la vie, c'est accepter la mort. La beauté ne s'épanouit alors que dans la violence. Et les miracles que l'on attend n'arrivent jamais. Sombre et lumineux.
Jeune Femme
(Léonor Serraille, 2017)
Récompensé par la Caméra d'or au Festival de Cannes, le film de Léonor Serraille commence alors que son héroïne, Paula, touche le fond: après une rupture, elle se retrouve sans emploi et sans domicile. On la suit alors dans ses déboires et ses multiples tentatives de s'en sortir, et il y a quelque chose de galvanisant à voir une femme névrosée et complètement paumée qui tient tête à tout le monde, n'abandonne jamais et trouve toujours le moyen de rebondir. Comme Victoria de Justine Triet, Jeune Femme met en scène un personnage féminin complexe, irrésistible et instantanément culte (incarné par une Laetitia Dosch magnétique). Et le long-métrage semble indiquer un petit renouveau bienvenu dans le cinéma français: plus souple, plus foutraque et plus féminin.
Sense8: Amor Vincit Omnia
(Lana Wachowski, 2018)
Œuvre tentaculaire des sœurs Wachowski, la série Sense8 a été l'objet de beaucoup de passions. Son annulation par Netflix a en effet déclenché la colère des fans, qui ont obtenu la réalisation d'un épisode final de 2h30 venant clore l'ambitieux projet de Lana et Lilly Wachowski. Sense8 est une œuvre de science-fiction, genre cher aux réalisatrices, qui raconte l'histoire de huit personnes installées dans diverses parties du globe se retrouvant connectées intellectuellement, émotionnellement et sensoriellement. En plus d'insérer parmi leurs personnages un couple homosexuel et une femme transgenre, les sœurs Wachowski développent en vingt-quatre épisodes un univers où la sexualité, le genre et l'identité sont de véritables thèmes centraux. Sense8 se clôture donc avec ce qui peut s'apparenter à un long-métrage produit pour Netflix, et laisse derrière elle un bouleversant message de tolérance porté par une belle énergie créatrice.
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Virgin Suicides
(Sofia Coppola, 1999)
Le premier film de Sofia Coppola est un drame qui a marqué une génération entière. Virgin Suicides est l'adaptation du roman éponyme de Jeffrey Eugenides et donne la part belle à Kirsten Dunst, la faisant passer du statut d'enfant star à celui d'évanescente femme fatale. Pour celles et ceux qui ont découvert Virgin Suicides à l'adolescence, le film garde le goût des chewing-gums à la pastèque et résonne encore des accords planants de la bande originale signée par le groupe Air. Virgin Suicides est encore aujourd'hui une charge forte contre la répression toxique subie par les jeunes femmes embaumées par la douceur factice du regard des hommes.
The Sex List
(Maggie Carey, 2017)
Cela fait si longtemps qu'on attendait qu'American Pie ait enfin un pendant féminin digne de ce nom. Très irrévérencieux et sex-positive, le premier film de Maggie Carey est hilarant. Situé dans les années 1990, The Sex List raconte comment Brandy décide, juste avant d'entrer à l'université, de s'initier au sexe. Tout y passe, du premier baiser à la découverte de la masturbation, en passant par l'objectif –difficile à atteindre!– de l'orgasme. La volonté très appliquée de Brandy et son impudeur sont particulièrement rafraîchissantes. Il est aussi agréable de voir l'héroïne entourée par des adultes et une famille bienveillante et ouverte d'esprit, notamment Rachel Bilson dans le rôle de la grande sœur et Connie Britton dans le rôle de la mère. L'une des meilleures comédies sur le sexe et l'adolescence, tout simplement.
Lady Bird
(Greta Gerwig, 2017)
Tant de films cultes sur les relations mère-fille (Carrie, Mommie Dearest…) dépeignent les mères comme des harpies jalouses ou des monstres froids et cruels. Ce qui intrigue dans Lady Bird, c'est donc l'impression de n'avoir jamais vu une relation mère-fille aussi fine et nuancée. Malgré leurs disputes fréquentes, Lady Bird vit une adolescence normale et paisible, avec ses petits amis décevants et ses camarades de classe méchantes. Le miracle est que Greta Gerwig parvient à prendre cette expérience si commune et à la sublimer, en recréant plein de moments bouleversants d'authenticité. On ressent la générosité de la réalisatrice jusque dans l'écriture de ses personnages secondaires. Un film doucement dévastateur, qui réussit peut-être le mieux à raconter l'expérience à la fois très spécifique et universelle de l'amour compliqué entre une mère et sa fille.