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Patinage: la fin de l'emprise soviétique

Temps de lecture : 3 min

Pendant longtemps, les Russes remportaient toutes les compétitions de patinage artistique, quitte à tricher.

La force de l'habitude... Jeudi, le Russe Evgueni Plushenko, champion en titre, est d'abord monté sur la première marche du podium, avant de redescendre gentiment sur la deuxième. Le champion en titre, qui avait remporté le programme court, a été détrôné par l'Américain Lysacek. Mais où est donc passée l'école russe de patinage artistique? Les Russes, qui adulent cette discipline et qui étaient 43% avant les Jeux à estimer que leur pays emporterait la majorité des médailles à Vancouver (selon un sondage du centre d'études de l'opinion publique russe) doivent se contenter de cette médaille d'argent.

La nostalgie de l'URSS

Longtemps, ce fut systématique. Des douzaines de couples s'élançaient sur la glace, on regardait avec ennui ou émerveillement leurs sauts gracieux, et à la fin, les Russes l'emportaient, avec leurs costumes kitsch, leur visage sérieux et leur virtuosité parfaite. Depuis 1964, l'URSS puis la Fédération de Russie avaient toujours gagné l'or pour le programme en couples des Jeux olympiques, même si, la dernière fois, à Salt Lake City, il leur avait pour cela fallu tricher quelque peu en achetant la voix d'une juge française. Cette année, l'or est allé à un couple chinois, Shen Xue et Zhao Hongbo, tout comme l'argent, à Pang Qing etTong Jian; le bronze a récompensé les Allemands Aliona Savchenko et Robin Szolkowy.

Les Russes seraient-ils devenus mauvais? «Les couples russes ont manqué de contrôle et de compétences», regrette sévèrement Irina Rodnina, ancienne triple championne soviétique. La faute à la fin de l'URSS, selon la patineuse pour laquelle les plus hautes instances sportives et politiques avaient, dans les années 1970, cherché un mari patineur digne d'elle à travers toute l'Union pour emporter l'or avec elle. «Les 15 ans qui ont suivi la disparition de l'Union soviétique ont eu des conséquences néfastes pour le sport russe, les entraîneurs, les écoles de sports et pour la science sportive qui a pratiquement cessé d'exister. Nous en récoltons maintenant les fruits», a déclaré Irina Rodnina à la presse russe en ajoutant qu'actuellement, la majorité des sportifs de la sélection russe n'a pas été formée à l'école soviétique.

Mais les cadres, eux, restent imprégnés de ses méthodes, rappelle à slate.fr Svetlana Kandiba, la directrice de la prestigieuse fédération de patinage artistique de Moscou. «Nous nous sommes modernisés, notamment du côté des musiques et des costumes, mais nos techniques d'apprentissage restent soviétiques et nous travaillons autant qu'avant.» Ce qu'il ne faut pas oublier, explique la directrice, c'est que la Russie est le pays qui a formé et aidé la Chine et l'Allemagne de l'Est, aujourd'hui vainqueurs, à établir leur écoles de patinage. «Enfin, beaucoup de nos champions sont partis à l'étranger, c'est aussi une raison des résultats actuels», selon Svetlana Kandiba.

Repérer les futurs champions

Ce qui a véritablement changé avec la fin de l'URSS, c'est le système de sélection à la base, reconnaît-elle: «Nous ne sommes pas du tout devenus moins bons dans la préparation de nos champions! Mais il est vrai qu'autrefois, les écoles proposaient au maximum trois sports, patinage, football, échecs. Le premier et le dernier étaient ceux que l'on pouvait pratiquer le plus facilement, dans la rue, chez soi, pendant les mois d'hiver. Nous étions complètement spécialisés. Avec l'ouverture à l'Ouest, nous avons importé de nouveaux sports, le choix s'est élargi. Nous avons en toute logique perdu notre spécialisation.» Lors de l'éclatement de l'URSS, de nombreuses patinoires ont fermé, faute de soutien de l'Etat, même si les principaux centres d'entraînement ont été préservés. Du temps de l'URSS, les enfants les plus doués étaient repérés sur les patinoires municipales, emmenés dans un centre de formation intensif, logés, nourris, leurs familles rémunérées. Tout un système, qui reflétait à la fois l'esprit de volontarisme égalitariste qui permettait de faire surgir la beauté du sein du peuple, et l'autoritarisme d'un régime qui interdisait les libertés et les choix individuels.

Finalement, les méthodes russes de patinage artistique, appliquées à l'étranger, sont peut-être toujours les meilleures. C'est la politique communiste d'excellence populaire qui disparaît.

Macha Fogel

Image de une: Evgueni Plushenko, à Tallin le 21 janvier 2010. REUTERS/Grigory Dukor

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