Comment décrète-t-on qu'une ou un tel n'a pas de personnalité et qu'une autre en a à revendre? Pour répondre à cette question, des scientifiques américains ont demandé à 104 personnes de décrire ce qu'était «avoir de la personnalité» et ne pas en avoir. Elles durent ensuite citer un personnage de fiction ayant beaucoup de personnalité et un autre n'en ayant pas. Kramer de Seinfeld a, entre autres, été cité pour la première catégorie, tandis que deux personnages de la série The office, Angela Martin and Toby Flenderson, correspondaient à la deuxième.
En étudiant les réponses, l'équipe de recherche a remarqué que les personnes dites «sans personnalité» étaient silencieuses, réservées, calmes, au contraire de celles classées dans la catégorie opposée, jugées plus bavardes, énergiques, sociables. Les «sans personnalité» étaient aussi invariablement associées à l'ennui, au manque de charisme, à l'oubli, alors que les autres étaient qualifiées de sympathiques, attachantes, inspirantes. Comme le relèvent les auteurs de l'étude, «l'absence d'expression ostentatoire des émotions d'une personne est fortement perçue comme un manque de personnalité».
La personnalité –ou son absence– serait donc associée à la place que prend une personne, à sa propension à dire haut et fort ce qu'elle aime, ressent, désapprouve. Vous avez un avis sur tout, mais préférez le garder pour vous? Pas de personnalité. Vous détestez les travaux en groupe? Pas de personnalité. Vous ne racontez jamais de blagues à la machine à café? Pas de personnalité. Peu importe si vous partez seule pour un road trip de six mois, que vous soyez dessinateur à vos heures perdues, ou bien investi dans la vie associative de votre quartier: si vous n'en faites pas étalage, vous êtes automatiquement catalogué «sans personnalité». Comme le relève Olga Khazan pour The Atlantic, «quand vous gardez votre personnalité à l'intérieur, les gens pensent qu'elle n'existe pas».
Introvertis versus extravertis
Une perception qui oppose encore une fois les extravertis, ceux qui puisent leurs énergies dans des situations sociables, entourés d'autres personnes, aux introvertis, qui sont au contraire plus créatifs et productifs dans un environnement calme, et qui préfèrent souvent la solitude. Difficile parfois pour ces derniers d'évoluer dans un monde plus favorable aux extravertis, de l'école où l'on récompense la participation orale, à l'entreprise qui favorise les open space et les brainstormings en groupe.
Autrice du best-seller Quiet: The Power of Introverts in a World That Can't Stop Talking, Susan Cain explique que «cette tendance est dans notre ADN culturel. Les sociétés occidentales se sont construites sur les idéaux gréco-romains, où celui qui parle est valorisé. Nous avons toujours été une société qui favorise l'action plutôt que la contemplation». Cependant rien n'est perdu pour les plus réservés d'entre nous qui reprendraient peu à peu le pouvoir et bénéficient pour cela d'ambassadeurs de choix, à l'image de JK Rowling, Warren Buffett ou Bill Gates, introvertis revendiqués.