Ce n'est sans doute pas un hasard si la plainte des joueuses américaines de soccer à l'encontre de leur fédération a été déposée ce 8 mars, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Pour les joueuses de l'équipe nationale, l'U.S. Soccer s'adonne à «une culture et une pratique de la discrimination» à leur encontre, sur la simple foi de leur appartenance au genre féminin, ce qui se matérialise en premier lieu par des écarts de salaire conséquents par rapports à ce que touchent les hommes.
Vingt-huit joueuses, dont les grandes stars de l'équipe (Alex Morgan, Megan Rapinoe, Carly Lloyd), sont engagées dans ce recours collectif qui vise à obtenir l'égalité salariale entre joueurs et joueuses. Ce n'est pas la première action menée par les membres de l'équipe féminine, qui s'étaient déjà battues en 2017 pour parvenir à renégocier leurs contrats, sans toutefois parvenir à approcher les masses salariales des footballeurs masculins.
En 2016, quatre joueuses (les trois citées précédemment, ainsi que Becky Sauerbrunn) avaient déposé un recours auprès de l'EEOC (Equal Employment Opportunity Commission), commission chargée de veiller à l'égalité entre les genres dans le monde professionnel. Elles avaient notamment mis en lumière la différence de traitement entre leur propre situation et celles de joueurs masculins d'envergure similaire. Le mois dernier, constatant que les choses n'avaient pas assez avancé, l'EEOC a finalement donné son feu vert pour un dépôt de plainte auprès de la justice californienne. Dont acte.
Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités
«Nous sommes toutes très fières de porter le maillot des États-Unis, et nous prenons très au sérieux les responsabilités qui y sont liées», déclare Alex Morgan. «Nous croyons que se battre pour l'égalité entre les genres dans le sport fait partie de ces responsabilités. Joueurs et joueuses méritent de toucher des salaires similaires pour leur travail, indépendamment de leur genre».
Le New York Times se fait l'avocat du diable en expliquant que c'est peut-être un tout petit peu plus compliqué que ça: «Les deux équipes ne sont pas payées de la même façon: les hommes reçoivent des primes plus importantes quand ils jouent pour l'équipe des USA, mais ils ne touchent rien s'ils ne jouent pas. Les femmes, elles, reçoivent des primes moins élevées, mais ont davantage de garanties salariales». Quoi qu'il en soit, établir une convention unique qui permette à chacun et à chacune de recevoir les mêmes rémunérations dans les mêmes conditions ne semble pas infaisable.
38%
Les chiffres sont édifiants, comme le montre l'article publié par la la NPR. «Si chaque équipe jouait 20 matches amicaux par an et remportait ces 20 matches», peut-on lire dans le dossier de plainte, «les joueuses remporteraient 99.000 dollars maximum, soit 4.950 dollars par match, tandis que les hommes gagneraient en moyenne 263.320 dollars, soit 13.166 dollars par match, en fonction du niveau de leurs adversaires». Autrement dit: dans le meilleur des cas, une joueuse de haut niveau touche actuellement 38% de ce que touche son homologue masculin.
On rappelle que l'équipe féminine est actuellement première au classement FIFA (devant l'Allemagne et la France), tandis que l'équipe masculine pointe à la vingt-cinquième position. Cette dernière n'est pas parvenue à se qualifier pour la dernière Coupe du monde, qui s'est tenue en Russie en 2018, alors que l'équipe féminine reste sur une finale en 2011 et une victoire en 2015 (la prochaine édition aura lieu en France dans quelques mois). Difficile de savoir ce que l'U.S. Soccer va bien pouvoir répondre à cela.