Sidney L. Tamm, professeur émérite de biologie à l'université de Boston et chercheur au laboratoire de biologie marine de l'université de Chicago vient de faire une extraordinaire découverte: le cténophore Mnemiopsis leidyi, petit animal marin ressemblant à une méduse et faisant partie du macroplancton, possède un anus qui apparaît lorsqu'il a besoin de se soulager et disparaît une fois sa grosse commission terminée.
Interrogé dans le New Scientist, Tamm ne se sent plus de joie: «C'est une observation vraiment spectaculaire […] À ma connaissance, c'est la première fois que l'existence d'un anus transitoire a été documentée dans le règne animal.»
Et le scientifique a bien raison de s'enthousiasmer: le pore anal éphémère de cette bestiole pourrait nous en apprendre énormément sur la défécation, vu qu'il semble bien représenter un stade jusqu'ici inconnu de l'évolution des fonctions excrémentielles.
Chez les méduses, animaux proches des cténophores mais appartenant à un autre phylum (ou embranchement), les cnidaires, l'intestin n'a qu'une entrée qui fait à la fois office de bouche et d'anus. Les naturalistes savent depuis les années 1850 que les cténophores possèdent un système digestif à double orifice, avec une bouche et un (voire plusieurs) anus.
Sauf que d'anus, Tamm n'en trouva point en se penchant sur Mnemiopsis leidyi. «Il n'y en avait aucune trace sous le microscope, c'était invisible», explique-t-il. Puis, quand l'animal se mit à déféquer, Tamm poussa son eurêka.
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L'ancêtre commun à tous les anus permanents
Selon son étude, il n'y a pas de liaison permanente entre l'intestin et l'extrémité du corps du cténophore mais, lorsque les déchets s'accumulent, l'intestin gonfle. Lorsqu’il finit par toucher l'épiderme, soit la couche superficielle du corps de l'organisme marin, c'est là que l'orifice anal se forme pour évacuer tout le bazar. Une fois l'excrétion terminée, le processus s'inverse et l'anus éphémère disparaît.
Les recherches de Tamm permettent aussi de montrer que le cténophore défèque à intervalles très réguliers –toutes les heures chez l'adulte et grosso modo toutes les 10 minutes chez les larves.
Selon le scientifique, ce gonflement de l’intestin qui en vient à fusionner avec l'épiderme pour former un anus transitoire pourrait représenter l'ancêtre commun à tous les anus permanents existant aujourd'hui chez les animaux. Y compris le vôtre, bien sûr.