Santé / Sciences

Avec l’évolution, deviendrons-nous immunisés contre les maladies?

Temps de lecture : 3 min

L'histoire de la tuberculose est à ce titre instructive.

 | Neu Paddy via Pixabay
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Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.

La question du jour: «Avec l’évolution, deviendrons-nous immunisés contre les maladies?»

La réponse de Drew Smith, biologiste moléculaire:

On a déjà développé une immunité contre certaines maladies.

La tuberculose est un bon exemple. Entre le XVIIe et le XIXe siècle, cette maladie était souvent la principale cause de mortalité en Europe, tout particulièrement dans les villes. Elle affectait surtout les jeunes adultes, la plupart des personnes touchées ayant entre 20 et 35 ans.

Affiche française de 1917 | F. Galais (domaine public)], via Wikimedia Commons

Les populations mondiales auraient réagi différemment à la tuberculose

La tuberculose a exercé une pression sélective énorme sur les populations européennes. Non seulement cette affection a tué un grand nombre de personnes, mais elle les a frappées alors qu’elles étaient encore en âge d’avoir des enfants, ce qui les a empêchées d’en avoir d’autres et a fait de nombreux orphelins. Ce n’est pas pour rien si tant de romans géorgiens et victoriens mettent en scène des orphelinats: ils pullulaient dans les villes de l’époque.

La tuberculose a commencé à décliner bien avant que des traitements efficaces (comme les antibiotiques) ne soient mis au point. Sa prévalence a également reculé longtemps avant l’amélioration des conditions de vie et des habitudes alimentaires. Peu d’éléments attestent que les mesures de santé publique telles que la mise en quarantaine aient fonctionné, à l’exception de la pasteurisation du lait, qui a permis de ralentir la transmission de la tuberculose bovine aux êtres humains.

Compte tenu du taux de mortalité élevé chez les personnes atteintes de tuberculose et en l’absence d’autres bonnes explications du déclin de la tuberculose, la sélection naturelle en fonction de la résistance semble être une hypothèse plausible. On sait que le bétail présente une résistance héréditaire à la bactérie Mycobacterium bovis, responsable de la tuberculose bovine.

On sait également que différentes populations humaines présentent une susceptibilité variable à la tuberculose. William W. Stead, qui a été directeur du programme sur la tuberculose au sein du ministère de la Santé de l’Arkansas, aux États-Unis, a étudié les différences entre les taux de tuberculose chez des détenus et les patients de sanatoriums européens, africains et américains. Les taux de transmission et d’exposition dans ces institutions étant élevés, il a été en mesure de rassembler beaucoup de données. Et puisque les conditions de vie de ces populations (après la fin de la ségrégation) étaient très similaires, il a pu exclure les facteurs environnementaux des causes possibles. Au cours de dizaines d’années de recherche, il a observé que les Afro-Américains étaient près de deux fois plus vulnérables à la tuberculose que les Blancs et que les Amérindiens étaient encore plus exposés que les Afro-Américains. Enfin, il a émis l’hypothèse que cette hiérarchie de la prédisposition était liée au degré d’exposition historique des ancêtres des sujets de son étude à la tuberculose.

Un bien pour un mal

L’analyse génétique et génomique moderne soutient la théorie de la sélection en fonction de la résistance à la tuberculose. L’épidémiologie de la polyarthrite rhumatoïde, une maladie auto-immune, établit une corrélation avec la résistance à la tuberculose. Il semble qu’une immunité accrue à la tuberculose s’accompagne d’un risque que le système immunitaire réagisse de façon excessive aux propres tissus de l’organisme. Un élément à garder à l’esprit face aux traitements censés «renforcer» le système immunitaire, une hausse de l’activité signifiant une hausse du risque de développer une maladie auto-immune.

Plusieurs variantes génétiques spécifiques associées à la résistance à la tuberculose ont été identifiées. Sans surprise, un grand nombre d’entre elles affectent le fonctionnement du système immunitaire directement ou indirectement, et leur prévalence varie au sein des populations humaines.

Comme le montrent les exemples de la tuberculose et de la polyarthrite, la résistance à une maladie peut parfois entraîner une prédisposition à une autre. Plus important encore, les organismes pathogènes évoluent également, puisque nos maladies sont leur survie.

Il ne fait aucun doute que nous pouvons augmenter notre résistance aux maladies. Mais seulement à certaines maladies et cette résistance peut n’être que temporaire, avant que les maladies ne développent de nouveaux moyens de déjouer nos défenses. Et nous ne serons jamais capables de résister à toutes les maladies. Il existe tout un tas d’affections qui ont très peu d’impact sur la capacité à se reproduire, comme celles associées à la vieillesse, les maladies cardiaques et le cancer. Nous avons probablement atteint notre niveau de résistance maximum à ces maladies et nous devons nous en remettre à la médecine pour réduire le nombre de décès qu’elles entraînent.

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