Société

Et une cagnotte pour les chauves, c'est pour quand?

Temps de lecture : 4 min

[BLOG You Will Never Hate Alone] Personne ne parle de nous. On nous méprise à longueur de temps. Le temps est venu de nous respecter, nous les sans-cheveux, les déplumés, les dégarnis de tout bord.

Chauves de père en fils | Michael Kelley via Flickr
Chauves de père en fils | Michael Kelley via Flickr

Puisque décidément cette pratique semble avoir le vent en poupe et récolter succès sur succès, que les Français apparaissent tellement riches que toutes les causes leur semblent bonnes pour dépenser leurs nombreux euros, voilà que moi aussi j’ai décidé d’ouvrir une cagnotte. Après tout, je ne suis pas plus con qu’un boxeur à la retraite épris de justice sociale ou qu’un infortuné policier pris à partie sur une passerelle.

À moi l’oseille.

Nul qui fréquente ce blog ne peut ignorer que je suis victime, comme nombre de mes compatriotes, de la plus cruelle des injustices, de celle qui handicape si lourdement un homme que sa vie se résume bien souvent à un véritable chemin de croix où entre insultes, regards condescendants, jugements à l’emporte-pièce, considérations vaseuses, dédains de toutes sortes, il doit composer avec la haine de ses contemporains jamais assez prompts pour souligner leur mépris vis-à-vis de notre condition de chauves, de cette souillure dont, pourtant, jamais personne ne parle, pas même sur les ronds-points de France et de Navarre, ou alors seulement pour s’en moquer.

Tout le monde s'en fout

Personne ne se soucie de nous et surtout pas les politiques, ces premiers de cordée de la croissance capillaire, qui sont évidemment loin, très loin de nos préoccupations quotidiennes. Ces gens de la haute, reclus dans leurs ministères, planqués à l’Assemblée nationale, chouchoutés et arrosés par les lobbys des coiffeurs, que savent-ils de nos tourments et de nos peines quand il s’agit d’affronter la cruauté du monde, la rudesse des regards qui hélas n’ont même pas la décence d’attendre le quinze du mois pour nous livrer à la vindicte populaire?

Quant aux merdias, qu’ils soient de droite ou de gauche, tous largement subventionnés par l’industrie des shampoings à grands coups de publicités tapageuses, à leurs yeux, nous n’existons simplement pas. Ils ne parlent jamais de nous dans les pages glacées de leurs magazines, ils ne nous mettent jamais en avant lors de leurs reportages, ils nous tendent rarement le micro ou alors uniquement quand il s’agit de nous stigmatiser et de nous caricaturer.

Ah oui, que de rancœurs accumulées! Cette haine, cette colère, je vous le dis tout net, vient de loin, de très loin même, tant il est vrai que les gouvernements successifs nous ont royalement ignorés depuis des décennies et des décennies, sourds à nos revendications, à nos demandes, comme si nous n’existions pas vraiment, comme si nous étions juste une variable d’ajustement, des moins-que-rien tout juste bon à engraisser les vaches laitières des industries du CAC 40 sans jamais rien recevoir en retour si ce n’est du mépris, encore du mépris, toujours du mépris.

Cachez-moi ces chauves que je ne saurais voir.

Au nom de tous les chauves

Mépris de classe, mépris de genre, mépris à tous les niveaux de la société, mépris accumulé depuis si longtemps, si intégré à nos modes de vie que nous avons fini par l’accepter comme une fatalité dont nous serions en quelques sorte responsables et qui continuerait à perdurer sans ce salutaire mouvement des «gilets jaunes», lequel nous a enfin permis d’exister aux yeux de l’opinion publique. Le temps de la revanche a sonné, le chauve sort du bois et prétend à la reconnaissance. Qu’on nous écoute bon sang! Qu’on nous considère. Et surtout qu’on nous respecte, nous les sans-cheveux, les crânes d’œufs, les tondus de près, les orphelins capillaires, les lisses, les dégarnis, les déplumés, objets depuis la nuit des temps de tant d’opprobres et de rejets.

C’est pourquoi je lance cette nouvelle cagnotte. Pour soutenir tous ceux qui me ressemblent. Au nom de tous les chauves qui souffrent dans leur dignité. Afin de leur permettre de retrouver, à défaut de cheveux, un minimum de considération. De soins adaptés. De perruques ultra-modernes qui coûtent un pognon de dingue. De bonnets. De chapeaux, de casquettes, de bérets, sans lesquelles nos vies seraient un enfer. Oui, j’en appelle à la solidarité nationale. Trop longtemps, nous nous sommes tus. Nous avons enduré les pires épreuves sans jamais nous plaindre ni oser hausser la voix. Même manifester dans les rues de Paris nous était interdit, la préfecture nous opposant à chaque fois un refus au nom de la salubrité publique, de la protection de l’enfance et de la préservation de l’environnement en menaçant d’envoyer les CRS qui se feraient un malin plaisir de nous cogner sur nos crânes malheureusement sans défense.

Aidez-nous. Aidez-moi. Aidez les chauves, tous les chauves. Les chauves des villes comme ceux des ronds-points. Les chauves de Paris comme les chauves de province. N’oubliez jamais que demain, ce peut être vous. La roue tourne, et le déclassement capillaire survient plus vite qu’on ne le croit. On se pense à l’abri, on croule sous des masses de cheveux, on se sent hors de danger, et paf, sans crier gare, presque du jour au lendemain, suite à un licenciement, à un décès, à un accident du travail, à un rachat d’entreprise, à un divorce, on se retrouve sans un cheveu, nu comme au premier jour, obligé de raser les murs.

Je compte sur vous. Donnez ce que vous pouvez. Selon vos moyens. Pensez à vos pères. À vos enfants. Demain, ce sera leur tour. Un pays sans chauves n’est plus un pays mais une dictature de la chevelure. Contribuez au redressement national. Permettez aux chauves de vivre dans la dignité. De s’accepter comme ils sont. D’être des citoyens à part entière.

Au nom de tous les miens, je vous remercie d’avance.

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