Bernard-Henri Lévy revient en ce moment dans tous les médias: entretien dans l’Express, portrait d’ouverture dans Paris Match, couverture de Transfuge, apologie dans Le Point: son livre, «De la guerre en philosophie», doit paraître le 10 février.
Mais voilà que Le Nouvel Observateur révèle que dans cet ouvrage —qui «devait signer le grand retour de BHL sur la scène conceptuelle dite sérieuse» selon l'hebdomadaire— une erreur de taille s'est glissée: BHL invoque, pour abattre Kant et sa pensée, celle de Jean-Baptiste Botul. Et le Nouvel Obs de commenter:
A la page 122, il dégaine l’arme fatale. Les recherches sur Kant d’un certain Jean-Baptiste Botul, qui aurait définitivement démontré «au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans sa série de conférences aux néokantiens du Paraguay, que leur héros était un faux abstrait, un pur esprit de pure apparence». Et BHL de poursuivre son implacable diatribe contre l’auteur de «La Critique de la raison pure», «le philosophe sans corps et sans vie par excellence».(...) Seul problème, Jean-Baptiste Botul n’a jamais existé.
La presse se déchaîne et tout le monde de commenter le «BHFail». «Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si Michel Foucault s’était appuyé sur les travaux de Fernand Raynaud pour sa leçon inaugurale au Collège de France», commente le Nouvel Obs avec une plume mordante. «Mais alors, qu’a-t-il bien pu se passer dans le cerveau infaillible de notre vedette philosophique nationale?» Sur son site «La Règle du Jeu», l'agrégé de philosophie répond:
Eh oui. Ce livre de Jean-Baptiste Botul, paru en 2004 aux éditions des Mille et une Nuits et intitulé «La vie sexuelle d’Emmanuel Kant» (titre génial !), je l’ai souvent cité. (...) Or il s’avère que c’était un canular. Un très brillant et très crédible canular sorti du cerveau farceur d’un journaliste du Canard Enchaîné, au demeurant bon philosophe, Frédéric Pagès. Et je m’y suis donc laissé prendre.
BHL reprend les traditions de canulars auxquels se sont laissés prendre d'aussi malins que lui, et salue le talent de Pagès. Que Botul soit un autre ne change rien à l'affaire: les thèses exprimées abondent dans sa vision de Kant. «Chapeau pour ce Kant inventé mais plus vrai que nature et dont le portrait, qu’il soit donc signé Botul, Pagès ou Tartempion, me semble toujours aussi raccord avec mon idée d’un Kant (ou, en la circonstance, d’un Althusser) tourmenté par des démons moins conceptuels qu’il y paraît. Le canular étant, comme vous savez, une tradition normalienne j’avoue même éprouver un certain plaisir à m’être laissé piéger, à mon tour, par une mystification aussi bien ficelée.»
[Lire les articles complets sur Le Nouvel Obs et La Règle du Jeu]
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