Il n’y a pas si longtemps, le porno était l’une des marottes des conservateurs aux États-Unis. Dans une longue enquête, Politico raconte que l’événement qui a déclenché la guerre du camp Républicain contre la pornographie a été une interview donnée par Jimmy Carter, à l'époque candidat Démocrate, à Playboy, le magazine érotique de Hugh Hefner.
À partir des années 1970, alors que l’industrie explose, le porno devient une priorité pour les conservateurs et une partie importante de leur bataille culturelle contre les progressistes. Un moyen aussi de plaire à l’Amérique religieuse, une force électorale très importante pour le Parti républicain. En 1987, Ronald Reagan déclare même que «les jours de l’industrie pornographique sont comptés».
Il s’est avéré que les jours du porno n’étaient absolument pas comptés et qu’il est aujourd'hui plus populaire que jamais. Grâce à l’essor d’internet, des millions d’Américains et d’Américaines y ont accès facilement et gratuitement. En 2017, le plus gros site porno du monde, Pornhub, a été visité 28,5 milliards de fois, en grande majorité depuis les États-Unis. Jusque dans les années 2000, le sujet était toujours un cheval de bataille de la droite religieuse. Or depuis que les Républicains sont à la tête du pays, on n'en entend plus vraiment parler.
Évolution des mentalités
Cela ne veut pas nécessairement dire que la droite chrétienne a changé de mentalité. Ses positions politiques sur d’autres sujets considérés comme d'ordre moral –le mariage homosexuel ou l’avortement par exemple– n’ont pas évolué. Par contre, le porno s’est banalisé très rapidement. Selon l’institut de sondage Gallup, seuls 30% des Américains et des Américaines trouvaient la pornographie «morale» en 2011, ils sont désormais 43% en 2018, et à ce rythme ils ne devraient pas tarder à être majoritaires. La bataille idéologique semble donc bel et bien perdue.
L’élection de Donald Trump marque aussi un tournant dans le traitement de ce sujet par les conservateurs religieux, car il semblerait que le magnétisme du pouvoir soit plus fort que la défense de ce qui est présenté commes «les valeurs familiales». Presque tous se sont rangés derrière un milliardaire new yorkais qui a fait la couverture de Playboy et était ami avec Hugh Hefner. Ainsi Mike Pence, qui refuse de manger seul avec une femme, est devenu le vice président d'un homme qui a eu des liaisons avec au moins une pornstar et une playmate.