Sciences / Culture

Imaginer que les extraterrestres sont chauves en dit long sur notre vision de l’évolution

Temps de lecture : 3 min

En représentant tous les aliens sans un poil sur le caillou, on commet la même erreur que de penser qu'une force vitale a fait pousser le cou des girafes.

Le cortex à l'air | Pawel86 via Pixabay CC0 License by
Le cortex à l'air | Pawel86 via Pixabay CC0 License by

Lorsqu’on cherche «extraterrestre» sur le moteur de recherche Google Images, des dizaines d’illustrations nous sont proposées. L’imaginaire humain n’a pas été avare tout au long du siècle dernier pour donner mille formes à ces mystérieuses créatures venues d’un autre monde.

Parfois grands, parfois minuscules, parfois dotés de trois yeux, parfois d’un seul, ces êtres, qu’ils soient pacifiques ou agressifs, sont très différents les uns des autres. Leur description pourrait remplir un livre entier d’«exozoologie», comme l’étaient jadis les recueils raisonnés des différentes variétés du vivant que les naturalistes pouvaient rencontrer.

Étape ultime de notre futur

Pour diverses que soient ces figures, un point est frappant par sa constance: la plupart des aliens sont chauves. Que ce soit E.T., les Petits-Gris ou les «Annunaki», comme les nomment parfois les spécialistes en la matière, ces visiteurs n’ont pas un cheveu sur le crâne. Est-ce vraiment une coïncidence?

La plupart des récits prenant pour thème la vie extraterrestre décrivent des civilisations supérieures à la nôtre –ce qui explique qu’ils aient les moyens technologiques de venir nous visiter. Ce qui pourrait être à l’œuvre ici, c’est une certaine représentation de la théorie de l’évolution.

L’hypothèse implicite qui soutient la description physique de ces êtres est que, étant très en avance sur nous, ils représenteraient en quelque sorte notre futur développement biologique. Souvent dôtés de crâne à la taille disproportionnée par rapport à leur corps, ces êtres extraordinaires constituent obscurément l’étape ultime de notre futur.

Ainsi le cheveu, ce cousin du poil, est-il sans doute vu comme un ersatz d’animalité qui ne sied guère à une conscience supérieure. Les cheveux et les poils, qui ont pu avoir leur utilité en des temps où les êtres humains souffraient des rigueurs de la température, seraient voués –la fonction créant l’organe– à disparaître lentement, pour dévoiler toute la puissance d’un cortex dont le destin serait de devenir toujours plus volumineux.

Imaginaire lamarckien

Cette vision de l’évolution biologique –faut-il s’en étonner?– ne respecte pas beaucoup l’orthodoxie de la théorie darwinienne; elle a plutôt des accents franchement lamarckiens. Jean‑Baptiste de Monet, chevalier de Lamarck, considérait avec Charles Darwin que les espèces n’étaient pas immuables, mais sa théorie, contrairement à celle de Darwin, admettait que les êtres évoluaient selon les lois d’une mystérieuse force vitale, contenue dans toute vie, qui orientait l’évolution biologique.

L’exemple emblématique de cette théorie est l’idée que les girafes ont de longs cous parce que la force vitale les a allongé, leur nourriture se trouvant sur la cime des arbres. Cette adaptation acquise devenait ensuite innée. Le milieu naturel aurait ici une influence, qui ne s’explique pas autrement que par l’intervention d’une hypothèse métaphysique, la force vitale, sur la structuration biologique des êtres.

Darwin, au contraire, concevait l’évolution des espèces comme la conséquence d’un processus naturel de sélection permettant la survie des individus les mieux adaptés. En d’autres termes, les individus ne s’adaptent pas biologiquement à leur environnement: s’ils survivent, c’est qu’ils sont, par le hasard des combinaisons génétiques, mieux adaptés que les autres. Dans cette théorie, les girafes n’ont pas vu subitement leur cou grandir, mais le hasard a fait que certaines avaient le cou plus long que d’autres. Celles-ci avaient donc plus de facilités pour se nourrir, et donc pour se reproduire. Peu à peu, ou soudainement selon les cas, l’espèce la plus adaptée a vu son génotype se répandre, tandis que l’autre l’a vu s’éteindre.

Si l’on revient à nos extraterrestres, cette représentation d’êtres supérieurs statistiquement dépourvus de poils paraît trahir l’imaginaire lamarckien des personnes qui les ont conçus. Disons-le tout net, ce serait un miracle remarquable si toutes ces créatures de l’espace avaient évolué de la même façon vers la calvitie.

Bien entendu, les coïncidences extraordinaires surviennent parfois. Mais dans ce cas précis, peut-être serait-il plus sage, et en tout cas plus parcimonieux intellectuellement, de prendre au sérieux l’idée que ces descriptions sont de simples inventions humaines trahissant la mauvaise conception que nous avons habituellement de la théorie de l’évolution.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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