Huit mois après avoir écrasé la rébellion des tigres tamouls, le président Mahinda Rajapakse a gagné son pari et a été réélu pour un deuxième mandat de six ans à la tête du Sri Lanka. Le président, qui avait avancé de deux ans la date de l'élection, a battu son ancien allié et autre grand vainqueur de la guerre contre les Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul (LTTE) l'ex-commandant en chef de l'armée, le général Sarath Fonseka.
Une campagne sous fond de victoire
Si la bataille électorale s'est déroulée sur fond de victoire contre le LTTE, avec des accusations réciproques des deux alliés devenus ennemis mortels, la question d'un règlement politique avec la minorité tamoule a été largement ignorée. Le président et ses fidèles -de nombreux membres de la famille du président Rajapakse sont aux postes décisionnaires de l'Etat- ont fait campagne sur le succès représenté par la fin d'un conflit de près de trente ans qui a fait environ 100.000 morts. Le général, soutenu par le principal parti d'opposition (le Parti National Unifié de l'ex-Premier ministre Ranil Wikramasinghe) et par un parti marxiste cinghalais, a fait campagne sur une plate forme de lutte contre la corruption et le népotisme.
Rajapakse a gagné la guerre, mais pas la paix
De façon significative toutefois, les minorités tamoules et musulmanes ont voté très largement en faveur du général Fonseka, exprimant surtout ainsi leur défiance vis-à-vis d'un président qui a gagné la guerre mais n'a rien fait pour gagner la paix. Des dizaines de milliers de déplacés tamouls sont toujours dans des camps et ceux qui ont pu regagner leur terre vivent sous très forte présence militaire.
Kilinochi, l'ancienne capitale des Tigres, est aujourd'hui quasiment une ville de garnison et les rares civils tamouls qui y vivent sont terrorisés par une armée omniprésente. Cette polarisation anti-Rajapakse des minorités augure mal de l'avenir alors que la réconciliation nationale est l'urgent besoin du moment.
Régler la question ethnique
A contrario, le président Rajapakse a réuni près de 70% des voix cinghalaises, qui représentent 90% du total de ses voix. Comme l'écrit l'éditorialiste du quotidien anglophone le Daily Mirror, «l'électeur cinghalais a pensé: oublions la corruption, le népotisme, ceci est une bataille existentielle entre les cinghalais et les anti-cinghalais qui se sont unis contre la majorité».
Le président Rajapakse a un mandat qui pourrait lui permettre dorénavant d'avancer sur la question ethnique. Mais en a-t-il la volonté et a-t-il une vision pour faire des propositions acceptables à la minorité tamoule?
Une majorité inégalée
En annonçant la fin de la guerre civile le 18 mai 2009, le président avait déclaré:
Il n'y aura plus désormais de minorités dans ce pays. Je veux que chacun se sente comme un.
La belle parole n'a pas été suivie d'effet. En sera-t-il différemment aujourd'hui? Le président Rajapakse a une occasion unique de rentrer dans l'histoire comme le père fondateur d'un Sri Lanka réconcilié avec lui-même et dans lequel chaque citoyen est égal. Plusieurs solutions de nature à répondre aux attentes légitimes de la minorité tamoule ont déjà été étudiées dans le passé. Toutes impliquent des compromis et un partage des pouvoirs. Aucun président sri-lankais n'avait jusqu'à maintenant eu une majorité pour imposer cela. Rajapakse est le premier qui en dispose. A lui désormais de jouer.
Alain Verdes
Image de une: Un soldat devant une affiche de campagne de Mahinda Rajapakse, en décembre 2009 / REUTERS
LIRE ÉGALEMENT SUR LE SRI LANKA: Au Sri Lanka, un inacceptable huis clos