Davos confirme Copenhague. Quelle déception pour la citoyenne française et européenne que je suis de voir confirmer, cette semaine à Davos, le dédain et le refus d'investir et renforcer le rôle politique de l'Union européenne sur l'échiquier international. En cause, les nouveaux hauts représentants européens, le Belge Van Rompuy et la Britannique Ashton, absents de ce Forum. Mais cette absence s'est aussi retrouvée dans le discours de Nicolas Sarkozy, où l'Europe et ses institutions n'ont pas eu droit à la moindre mention... Davos dans la continuité de Copenhague: reproduction de la prévalence des égos nationaux au détriment de la construction d'une force politique européenne des 27 qui ferait sens et pourrait véritablement peser géopolitiquement dans l'ère post-pétrole qui s'organise.
L'Union européenne a du mal à s'assumer politiquement, c'est une évidence et c'est à mon sens une grave et dangereuse erreur de la part des chefs d'Etat européens qui freinent l'influence et la construction politique de l'Union sur la scène internationale, mais aussi en son propre sein. L'occasion pour moi de revenir sur la constitution de la nouvelle Commission européenne qui en est une nouvelle illustration.
27 commissaires pour 27 Etats membres
Le Conseil joue encore un rôle prédominant dans la désignation des commissaires et ce dans une opacité étouffante. Et ceci, même s'il existe un mécanisme de contrôle démocratique de validation de la Commission par le Parlement européen: les auditions et le vote des commissaires (imaginez en France, chaque ministre soumis à cette procédure). En pratique, chaque commissaire désigné est appelé à passer un entretien devant la ou les commission(s) parlementaire(s) compétente(s). Les auditions (qui ont eu lieu pendant les 2 dernières semaines) constituent une véritable étape pour les commissaires candidats. Pendant trois heures, chacun est interrogé sur son intégrité financière, ses compétences, ses connaissances du portefeuille, son programme et sa vision. Cet exercice n'est pas qu'une formalité. Ainsi, en 2004, lors de l'investiture de la dernière Commission, le Parlement européen avait permis des remaniements nécessaires au sein du collège, notamment le remplacement de M. Buttiglioni (Italie), qui avait déclaré que l'homosexualité était un «péché» et que la famille existait seulement «pour permettre à la femme d'avoir des enfants et d'être protégée par son mari».
Les mauvaises surprises de la promotion 2010
Première déception fin 2009: la nouvelle équipe des 27 de José Manuel Barroso -dite «Barroso II»- ne compte que 9 femmes: le principe d'égalité des genres a décidément du mal à se concrétiser. Nous avions pourtant proposé à M. Barroso d'exiger que chaque Etat lui propose deux candidats (un homme et une femme) pour lui permettre de composer une Commission paritaire... en vain.
Rumiana Jeleva (Bulgarie, commissaire désignée à la Coopération internationale et Aide humanitaire - candidate PPE) a été reçue par la commission Développement présidée par Eva Joly, eurodéputée d'Europe Ecologie. Tout au long de cet entretien, Mme Jeleva n'a pas réussi à convaincre tant sur le plan de ses compétences que sur son intégrité financière. C'est son intégrité financière qui sera l'objet du scandale. Elle renoncera quelques jours plus tard sur pression d'une partie des parlementaires à sa candidature et le Premier ministre bulgare a présenté une nouvelle candidate (Kristalina Georgieva) qui sera auditionnée prochainement.
En réplique immédiate, la droite conservatrice (PPE) a appliqué la loi du Talion en se liguant contre Maros Sefcovic (Slovaquie, Relations interinstitutionnelles - candidat PSDE) en affirmant qu'il aurait tenu des propos discriminatoires à l'encontre des Roms lors d'une conférence il y a cinq ans -allégations démenties par le Bureau européen d'information des Roms, ainsi que par des organisations Roms slovaques. Pour avoir participé à son audition en tant que membre de la commission parlementaire Affaires constitutionnelles, je peux dire que M. Sefcovic a su globalement être à la hauteur des fonctions auxquelles il prétend.
A quand l'Europe politique?
Avec la proposition de Commission Barroso II, on mesure tout le chemin qu'il reste à parcourir vers une Europe politique... Il y a bien quelques évaluations qui sont positives, par exemple, Mme. Malmströlm, M. Barnier, Mme. Hedegaard, M Potocnik, Mme. Damanaki et M. Piebalgs, qui ont démontré leur compétence, la compréhension et une bonne vision de leurs portefeuilles respectifs et des dossiers qu'ils auront à traiter. Des candidats qui se sont engagés, dans l'esprit du Traité de Lisbonne, à une coopération forte avec le Parlement européen.
Mais ce n'est malheureusement pas suffisant à nous assurer une Commission européenne à la hauteur des enjeux des 5 prochaines années. Force est de constater que l'intégrité et la compétence de la Commission Barroso II, dans son ensemble, ne sont aujourd'hui pas assurées et me laisse personnellement perplexe quant à sa capacité à être moteur du processus d'intégration européenne. Je m'interroge également sur l'efficacité de la nouvelle répartition des portefeuilles, qui manifestement répond davantage à l'impératif de trouver une place pour chaque Etat qu'à une organisation pensée pour permettre un partage de responsabilités claires dans les secteurs clés à la réalisation du projet européen (dans le domaine de la commission parlementaire Environnement dans laquelle je siège, ce n'est pas moins de 4 commissaires qui se répartissent les fonctions sans aucune hiérarchisation).
Et comment ne pas évoquer la déception Lady Ashton (dont le portefeuille est majeur pour l'avenir de l'UE), qui pendant son audition n'a pas su démontrer une vision claire de son rôle ou la direction nécessaire pour l'Union européenne dans sa politique extérieure. Cette déception sera renforcée par son incurie à représenter l'UE sur la scène internationale lors des derniers événements mondiaux majeurs.
La Commission Barroso II soumise au vote du parlement le 9 février
Le Parlement votera l'approbation du collège des Commissaires le 9 février prochain. La procédure de nomination et d'élection des commissaires reste insatisfaisante; parce que le Parlement peut seulement approuver ou désapprouver la Commission dans son ensemble et n'a pas le pouvoir d'écarter un commissaire par un vote séparé. Je trouve regrettable que les Traités n'aient pas encore prévu la possibilité de censurer les commissaires individuellement. Nul doute que cela pousserait les Etats membres et leurs candidats à considérer leur engagement avec un peu plus de sérieux et profiterait à l'Europe et aux Européens.
Sandrine Bélier
Image de une: Maros Sefcovic candidat slovaque au poste de commissaire aux relations interinstitutionnelles pendant son audition au parlement, le 18 janvier 2010. REUTERS/Vincent Kessler