Le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, s'est opposé le 3 janvier à l'utilisation en classes de CM1 et CM2 d'un court-métrage pédagogique sur l'homosexualité, «Le Baiser de la lune», suscitant ainsi les critiques d'une grande partie du monde éducatif et d'associations de lutte contre l'homophobie. «Je dis oui à la lutte contre l'homophobie, oui à la lutte contre les discriminations, oui à la sensibilisation de nos lycéens et de nos collégiens, mais je pense que traiter ces sujets en primaire, ça me semble prématuré», a-t-il déclaré.
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Certes, il y a des bonnes nouvelles. Le Portugal vient d'autoriser le mariage gay, il y a des avancées en Chine, alors qu'en 2001 l'homosexualité était encore considérée comme une maladie mentale par Pékin. Dans notre vie de tous les jours, surtout quand on est un citadin, on pourrait penser que l'homosexualité n'est plus un problème, qu'elle est désormais presque totalement acceptée. Mais, hasard, bousculade dans le calendrier, l'homosexualité a été sévèrement attaquée dans le monde depuis le début de l'année, que ce soit dans les pays où elle a toujours été menacée, notamment en Afrique, mais aussi là où on s'y attendrait moins, en Europe. Dans notre cher continent, ce sont souvent des attaques en biais.
«Jusqu'à quelle perversion?»
En France, il semble ainsi compliqué d'enseigner le respect de l'homosexualité à l'école. Une société de production rennaise tente ainsi de produire un film d'animation, le Baiser de la Lune, à destination des CM1 et CM2 pour parler d'amour entre deux personnes du même sexe, comme l'explique Têtu. Mais une pétition a été lancée par l'association les 4 vérités (qui se dit de «droite libérale») pour protester contre «une incitation à l'homosexualité à destination des enfants de 9 à 10 ans, avec le soutien du ministère de l'Education nationale».
Les 4 vérités n'approuvent pas que de nombreuses collectivités institutionnelles soient partenaires. Selon eux, il faut agir contre ce genre d'initiative car «ce sont nos enfants qu'il s'agit de défendre, c'est leur intégrité mentale qui est menacée par ce genre de projet, avec la complicité active de la puissance publique!» Et d'en rajouter une couche: «Les parents français sont fondés à refuser que la propagande pernicieuse et l'idéologie du lobby homosexuel pénètrent dans les écoles et jusque dans les classes de leurs enfants.»
Dans la centaine de commentaires sous leur pétition, cela débat activement entre les défenseurs de l'homosexualité et les autres. Parfois cela dérape comme mqtl qui estime: «Mais juqu'à quelle perversion vont-ils aller? Non content de pouvoir danser tout nu sur son char, l'homo veut que mon gosse accepte son concept de l'amour en lui distillant des images subliminales et ce, jusque dans sa classe de cours. Retirez vos enfants de cette école qui ne remplit plus son rôle!!! Halte à la dissolution des moeurs!!! Non à un enseignement influencé par des trous du cul dilatés!!!» Du haut niveau.
Mais ce qui devait n'être qu'une pétition anonyme sur le net -des forums où des gens s'insultent en parlant d'homosexualité (ou d'autres sujets), il y en a des centaines- a eu un certain retentissement. Si l'académie, la ville de Rennes ou la région Bretagne soutiennent toujours le projet, le ministère de l'Education nationale et celui de la Jeunesse et des Sports ont demandé à ce que leur logo soit retiré du site du film. Pour le réalisateur, Sébastien Watel, intérrogé par Têtu, «il y a dû avoir des pressions pour que l'Etat n'apparaisse pas».
Etrange de la part de l'Etat français de se désolidariser d'un projet qui «s'adresse à un public enfant, afin de lutter contre l'homophobie survenant à l'adolescence», après la plainte d'un groupe plutôt anonyme.
L'homosexualité, une maladie comme l'anorexie?
On le voit, les 4 vérités ne remettent pas directement en cause la pratique de l'homosexualité, ils dénoncent son «prosélytisme». Une autre tactique habituelle est de l'assimiler à une maladie. En Belgique, dimanche 24 janvier, Monseigneur Léonard, le chef de l'Eglise catholique belge, a ainsi comparé l'homosexualité à l'anorexie. Invité sur le plateau d'une émission télé de RTL, il était interrogé sur ses positions sur l'homosexualité qui avaient déjà fait polémique. L'ecclésiastique explique qu'il ne condamne pas les pratiquants mais la pratique. Il a un «jugement philosophique sur une tendance, un comportement(...) Je prends une comparaison pour éclairer, comparaison qui ne signifie pas que j'identifie les deux situations. Je pense que anthropologiquement l'anorexie est un développement qui n'entre pas dans la logique de l'appétit (...), mais je ne dirai jamais que les anorexiques sont des anormaux». L'ancien président du Centre d'action laïque, Philippe Grollet, a immédiatement réagi sur le plateau et a jugé ces propos «scandaleux». «Quand on fait une comparaison entre l'homosexualité et l'anorexie, quelque part, on insinue que l'homosexualité est une maladie».
Là aussi, comme pour la pétition des 4 véritiés, on ne se permet pas d'attaquer directement les homosexuels. On condamne en biais.
Dans le sport et le show-bizz
Dans le sport, l'homosexualité reste un problème en occident, comme en témoigne le documentaire récent de Canal+ Sports et homosexualités: c'est quoi le problème? Le plus souvent pour des questions d'image, il est demandé au sportif de cacher son homosexualité. De faire semblant. De s'afficher avec des filles (ou des hommes pour les femmes). «Le racisme, tout le monde est contre. L'homophobie, il y a des gens qui ne comprennent même pas pourquoi on travaille dessus», raconte ainsi Pascal Brèthes, président du Paris Foot Gay. Dans le monde du foot, il n'est pas rare de voir un entraîneur ou un président déraper, tel Louis Nicollin, patron du Montpellier FC, qui est le spécialiste du genre.
Dans le monde du show-bizz, où l'on pourrait penser que c'est plus facile, c'est aussi compliqué de dévoiler son homosexualité. Le chanteur Emmanuel Moire a fait son coming-out dans Têtu pour éviter les rumeurs des magazines people. Mais alors que ces derniers auraient dû, au mieux, ne pas s'interroger sur le sujet ou s'en réjouir, ils préfèrent aborder la question différemment. Un article du site Voici.com de la semaine dernière est assez édifiant. Il titre ainsi: «Pourquoi a-t-il avoué son homosexualité?» et en sous-titre «Le chanteur Emmanuel Moire est revenu pour la première fois sur son coming-out. Alors, des regrets?»
Car oui, explique le site internet, avouer son homosexualité, c'est «pour un chanteur, c'est prendre le risque de faire fuir le public féminin». Pourtant, pour le chanteur, «La tournée a commencé en novembre et les nanas qui me suivaient avant sont toujours là et elles crient toujours mon nom aussi fort. Je l'ai vu, ça n'a rien changé. Par contre, j'ai attiré un autre public qui s'intéresse vraiment à l'artiste que je suis. C'est plutôt positif, je n'ai aucun regret.» Un non-problème. Mais ça n'empêche pas Voici de le poser, de supposer que l'homosexualité est forcément associée aux regrets. Pendant combien d'années encore verra-t-on ce genre de titres?
Certes, en France et dans nos pays de l'Union européenne, il n'y pas (plus) mort d'hommes. C'est parfois bien pire ailleurs. En Russie, le maire de Moscou assimile la Gay Pride à «l'œuvre de Satan» et estime que qu'il faudrait traiter les homos «avec le fouet». Dans deux tiers des pays africains, l'homosexualité reste condamnée par la loi. L'Ouganda veut appliquer la peine de mort pour les homosexuels récidivistes. Au point que cette volonté a fait déraper en décembre le site de la BBC qui, dans ses programmes à destinations de l'Afrique, a posé la question suivante: « A vous la parole: faut-il exécuter les homosexuels?», créant une vive polémique chez les internautes anglophones.
Mais ces situations critiques ne doivent pas nous faire croire que chez nous, tout va pour le mieux.
Quentin Girard
Image de une: Jose Maria Di Bello et Alex Freyre, le premier couple homosexuel marié d'Amérique latine, à Buenos Aires, le 25 novembre 2009. REUTERS/Marcos Brindicci