Hier, les Italiens étaient massivement favorables, à plus de 70%, au projet d'ouvrir la nationalité italienne aux enfants nés en Italie de parents étrangers, le fameux droit du sol, dans un pays où le droit du sang continue pour l'instant à prévaloir.
Ce projet, en discussion depuis des années, devait bénéficier à 800.000 enfants nés et ayant grandi en Italie, selon le chiffrage opéré par la Fondation Leone Moressa basée à Mestre. Mais aujourd'hui, face au discours anti-étrangers, la population italienne est beaucoup plus partagée. D'ailleurs, plus personne n'en parle, pas même dans l'opposition.
Il faut dire que l'Italie reste au fond profondément attachée au droit du sang. Selon une étude du Pew Research Center de mai 2018 sur ce qui constitue «l'identité européenne, le pluralisme religieux et le rapport à l'immigration», entre 71% et 81% des Italiens, selon qu'ils pratiquent ou non la religion, estiment qu'il est important d'avoir une ascendance italienne pour être «vraiment italien». Un attachement qui dépasse manifestement la question du sang: un quart de la population italienne n'accepterait pas une personne juive comme membre de sa famille, et 43% une personne musulmane –le niveau le plus haut parmi les pays européens étudiés par le Pew Research Center.
Lundi 24 septembre, le décret-loi de Matteo Salvini sur l'immigration, qui modifie substantiellement le droit des réfugiés et demandeurs d'asile en vigueur depuis vingt ans, a été adopté par le Conseil des ministres italien. S'il lui reste à recueillir la signature du président de la République Sergio Mattarella et le vote par les assemblées, le décret Salvini imposera le retrait de la nationalité italienne à toute personne d'origine étrangère condamnée pour participation à un acte terroriste, la suspension de la demande d'asile pour tout réfugié ayant commis un délit, y compris «l'outrage à un agent public», dès la première condamnation, et le durcissement de la protection humanitaire par laquelle entraient de plus en plus de réfugiés.
Succession d'actes racistes
Italie, Hongrie, même combat xénophobe? Toute l'Europe des démocrates en est convaincue, et en a fait son fond de commerce pour mobiliser les troupes et résister à la vague noire qui menace lors des prochaines élections européennes.
«Nous avons l'intention d'envoyer du personnel en Italie pour évaluer la forte augmentation des actes de violence et de racisme à l'encontre des migrants, des personnes d'ascendance africaine et des Roms», a déclaré Michelle Bachelet, l'ancienne présidente chilienne devenue la toute nouvelle haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, lors de sa première intervention publique, le 10 septembre.
Maria, qui tient une échoppe de retouches dans le Mercato Latino de la piazza Epiro, un quartier populaire du sud de Rome, est arrivée de Roumanie il y a dix-huit ans. «Franchement, je n'ai jamais senti de racisme à mon encontre, dit-elle dans un italien impeccable. Peut-être aujourd'hui entend-on un peu plus plus de réflexions douteuses, mais c'est rare. Je suis roumaine d'origine, et personne ne me le fait sentir.» La population des Roumains en Italie a été multipliée par quatre en dix ans, et a atteint près de 1,2 million de personnes en 2017 (contre moins de 90.000 en France en 2013), selon l'OCDE. «Mais, dit-elle, les Italiens ne sont pas les Hongrois, qui eux sont obsédés par les étrangers.»
Bien sûr, Rome n'est pas toute l'Italie, qui a connu cet été une succession d'actes de violence dans différentes régions, dont l'origine raciste a été établie par les enquêtes de police. À Vibo Valentia, dans le nord de la Calabre, où le syndicaliste Soumaïla Sacko a été tué le 2 juin alors qu'il ramassait des feuilles dans une usine désaffectée. En juin, à Caserte, les garçons se battent contre deux migrants maliens. À Trieste, proche de la frontière avec la Slovénie, des opérations de chasse aux migrants sont organisées par le président de la région. À Rome, une fille rom est frappée dans le dos avec une balle en caoutchouc. À Partinico, près de Palerme en Sicile, six mineurs étrangers non accompagnés sont battus à la mi-août par toute une famille. À Terracina, quatre jeunes tirent sur un ouvrier agricole. À Mortara, en Lombardie, le 1er septembre, trois hommes d'une cinquantaine d'années attaquent un jeune homme béninois, l'accusant implicitement d'avoir volé le scooter sur lequel il se trouvait.
Des travailleurs agricoles manifestent après le meurtre d'un de leurs collègues, un migrant malien, tué de plusieurs coups de fusil alors qu’il récupérait des matériaux pour construire un abri | Gianluca Chininea / AFP
La liste n'est pas exhaustive. Et même s'il s'agit surtout d'actes isolés, les situations et les modes opératoires offrent des similitudes: des jeunes au chômage, qui traînent en bande, mûs par l'ennui et la colère, qui passent à l'acte sous l'emprise de l'alcool. Beaucoup publient sur leur page Facebook des selfies, des photos de footballeurs ou des extraits des Simpson, mais ne professent publiquement aucune opinion politique. Ils avisent un étranger qui passe et «en guise de jeu», disent-ils, l'agressent, avec un «Sale nègre, rentre chez toi», «Vous êtes trop nombreux». Parfois avec des pistolets softair, à air comprimé.
Ces actes existent, et d'après l'association Lunaria luttant pour la justice sociale et l'égalité des droits et qui, à Rome, établit «la chronique du racisme ordinaire», «la violence et la discrimination sont de plus en plus fréquents». Mais leur nombre, lui-même incertain faute de base de données fiable, ne permet pas de parler d'une vague d'actes racistes en Italie. «Il n'est pas sur qu'il y ait eu une augmentation significative des propos et actes racistes par rapport aux années précédentes», reconnaît Paola Barretta, chercheuse à l'Observatoire de Pavie qui surveille la xénophobie pour l'association de la Charte de Rome. «Les quelques actes de violence ne changent rien au fait que les Italiens sont un peuple qui reste profondément généreux et accueillant, et toujours ouverts aux autres, affirme Chiara Ferrari, spécialiste des questions sociales chez Ipsos à Milan. Ces qualités sont au coeur de la culture italienne, toujours fortement marquée par le catholicisme même chez ceux qui vont moins à l'église. D'ailleurs, on le voit sur les côtes du sud de l'Italie, ils sont nombreux à apporter vêtements et vivres à ceux qui débarquent dans les ports. Et de ceux là, on ne parle guère.»
Le racisme dont on ne parlait pas
Alors, circulez, il n'y a rien à voir? Le racisme italien ne serait qu'un fantasme de bureaucrates bruxellois? Pas sûr. «Le racisme est un comportement beaucoup trop complexe pour être mesuré avec des chiffres simples», fait valoir Grazia Naletto, la directrice du secteur Migrations et lutte contre le racisme de Lunaria. D'ailleurs, l'histoire comme la géographie de l'Italie en livrent une vision plus subtile. «Après les lois raciales de 1938, qui interdisaient aux juifs d'occuper certains postes dans l'administration et à des Italiens d'épouser des Noirs, la question avait quasiment disparu après la guerre», raconte Grazia Naletto. Ou plutôt le racisme était interne à l'Italie, comme l'explique le sociologue Alessandro Dal Lago, auteur du Populisme digital: «Il y a toujours eu un racisme très virulent des Italiens du nord à l'égard des méridionaux.» «L'ennemi était l'Italien du sud, à l'égard duquel le Lombard, le Piémontais ou celui de la plaine du Pô voulait marquer sa supériorité», reconnaît lui aussi le sociologue Salvatore Palidda, qui travaille depuis plusieurs décennies sur les migrations internationales. «Dans les années 1960 et 1970, rappelle-t-il, on lisait sur les portes des immeubles “On ne loue pas aux chiens, ni aux Terroni”, ces “culs terreux” du sud. Ce racisme allait bien au-delà des clivages sociaux, car quel que soit le niveau social, il était admis par tous que ces Terroni étaient à la fois pauvres, sales, laids et dangereux. Il n'empêche qu'on les utilisait comme main d'œuvre bon marché et peu exigeante.» Mais ce racisme ne s'exprimait pas à l'égard des étrangers, qui étaient alors peu nombreux en Italie. Au début des années 1980, il n'y en avait qu'un peu plus de 300.000.
«Le racisme à l'encontre des étrangers est revenu dans la société depuis que l'Italie est passée d'un pays d'émigration à un pays d'immigration, à partir de 1974»
«Le racisme à l'encontre des étrangers est revenu dans la société depuis que l'Italie est passée d'un pays d'émigration à un pays d'immigration, à partir de 1974», explique Grazia Naletto, directrice de Lunaria. Et quand on a vu arriver en Italie des Marocains, Égyptiens et Tunisiens. À ce moment, l'image du Vu Cumpra, à savoir du marchand ambulant africain, désignait tous les migrants. Puis sont arrivés les Albanais, et après les Roumains, aujourd'hui le premier groupe d'étrangers en Italie. À partir des années 1970, les baganti, les aides à domicile, puis les braccianti, les travailleurs agricoles, étaient de moins en moins des Italiens du sud et de plus en plus des Philippins, des Roumaines, des femmes du Maghreb. Une main d'œuvre souvent payée au noir dans un pays où 10% du PIB serait produit par l'économie souterraine. «L'immigré qui n'a pas de permis de séjour est une main d'œuvre bon marché très recherchée dans certaines régions, comme par exemple dans le Piemont et dans la plaine du Pô, où les conditions de travail s'apparentent à du néo esclavagisme sous la férule de Caporaux issus d'organisations criminelles», dit Salvatore Palidda. Et ce, «avec l'accord tacite d'une partie de la police locale, des inspecteurs du droit du travail et de la santé. Sans complexe, tous les appellent “les nègres”.» Dans cette région, le racisme a toujours eu une fonction économique clé: rabaisser les individus pour les recruter pas cher, comme l'explique Salvatore Palidda. «Donner des droits aux immigrés, ce serait se priver d'une main d'œuvre que l'on peut esclavagiser.»
«Mais de tout cela, on ne parlait pas, dit Alessandro Dal Lago. Les grands partis refusaient d'en parler pour ne pas briser le mythe de l'unité nationale. Quant à l'église catholique, dont l'autorité morale reste dominante, elle niait farouchement qu'il puisse exister du racisme en Italie.»
«La presse a joué un rôle clé dans la propagation des stéréotypes»
Or depuis une dizaine d'années, quelque chose a changé. Alors que le nombre des étrangers est passé en dix ans de moins de trois millions de personnes en 2007 à plus de cinq millions en 2017, soit de 5% à 8,5% de la population selon les Perspectives des migrations internationales 2018 publiées par l'OCDE, et ce alors que la crise a durement frappé les Italiens, on a vu apparaître des propos offensants à l'encontre des étrangers dans les journaux et journaux télévisés, mais aussi dans les institutions, à commencer par le gouvernement lui même. «Il s'est créé un cercle vicieux préoccupant entre les histoires diffusées par les médias tendant à reproduire les clichés anti immigrés, et l'action des gouvernements», explique Annamaria Rivera dans le livre blanc 2009 de l'association Lunaria sur le racisme en Italie. «La presse a joué un rôle clé dans la propagation des stéréotypes», explique Grazia Naletto.
Comme ailleurs, les faits divers sont mis en avant dans le débat public pour alimenter la campagne sécuritaire. Une présentation qui engendre le sentiment d'urgence, du danger menaçant la sécurité du pays. Et le gouvernement en place s'en empare pour présenter un paquet de mesures. Mais, explique dans le livre blanc Marcello Maneri, professeur de sociologie, «ce qui est propre à l'Italie, c'est que les questions relatives à la politique migratoire sont toujours posées à l'occasion de faits divers où des immigrés sont mis en cause. L'information inquiétante est fortement ethnicisée, et mise en scène avec la tonalité de l'urgence et l'injonction à agir. Les titres des faits divers renvoient à la nationalité du suspect quand il est étranger. Plus rarement quand celui-ci est une victime». Dans un pays qui produit des statistiques ethniques, contrairement à la France, les données sur la sécurité sont aussi toujours analysées sous le prisme du poids des étrangers dans les crimes commis, et dans les prisons.
«Finalement, tous les gouvernements précédents ont bien préparé le terrain pour l'arrivée au pouvoir de Matteo Salvini.»
C'est ainsi que, depuis 2007, les responsables politiques se sont emparés de ces représentations pour faire voter des paquets de mesures visant à la fois la sécurité et l'immigration, dénonce Grazia Naletto. «On vise l'immigré au nom de la sécurité publique, créant une association de fait entre immigration et criminalité.» «Utiliser l'immigration au nom de la sécurité recompose les vieux stéréotypes raciaux, celui de la femme blanche menacée par le Noir des colonies», analyse le chercheur des droits Guido Caldiron. «C'est ainsi que derrière ces paquets sécurité est apparu un droit spécial pour les étrangers, ajoute Grazia Naletto. C'est bien sous le premier gouvernement de Romano Prodi, donc sous les démocrates, que l'on a commencé à utiliser l'immigration comme un instrument politique, et que la stigmatisation des étrangers est entrée dans les discours au plus haut niveau de l'État.» On se souvient comment Cécile Kyenge, première femme noire ministre d'un gouvernement italien de 2013 à 2014 sous le gouvernement Letta, et qui fut ministre de l'Intégration de 2013 à 2014, a été comparée à un orang-outan par le vice-président du Sénat, Roberto Calderoli. «Ainsi, ajoute la directrice du secteur Migrations et lutte contre le racisme de Lunaria, au fil des ans, le discours raciste, qui était somme toute exceptionnel en Italie, s'est normalisé, jusqu'à être aujourd'hui revendiqué sur les réseaux sociaux. Finalement, tous les gouvernements précédents ont bien préparé le terrain pour l'arrivée au pouvoir de Matteo Salvini.»
Avec la campagne électorale de 2014, et plus encore de 2018, l'instrumentalisation de l'immigration franchit un nouveau cap, sans résistance de la population italienne totalement désoeuvrée par la politique et les gouvernements précédents. Avec une violence verbale inégalée lors des campagnes électorales des dernières décennies. Surveillant les pages Facebook et comptes Twitter des candidats à la chambre et au Sénat, 600 militants et militantes d'Amnesty International ont rapporté que du 8 février au 2 mars 2018, «un message offensif, raciste et discriminatoire en provenance de 129 candidats» a été diffusé chaque heure sur les réseaux sociaux. Dont la moitié émanaient d'un candidat de la Ligue. Et selon ce «baromètre de la haine» établi par l'ONG, plus de 90% des messages étaient ciblés sur l'immigration.
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Une infusion rapide et payante
Ainsi l'immigration devient-elle début 2018 le thème central de la campagne, l'explication de la crise économique, sociale, culturelle et de tous les problèmes de la société italienne. Explication sur laquelle le leader de la Ligue, devenu un parti national, construit toute sa communication. Alors même que l'immigration n'est pas, et n'est même pas perçue comme étant le problème numéro un des Italiens et Italiennes. En juin 2018, la population italienne estimait que l'immigration ne devait pas être une priorité du nouveau parlement. Seuls 25% la jugeaient prioritaire, loin derrière l'économie, le développement, les taxes, et le revenu de citoyenneté. Même chez les électeurs de la Ligue l'immigration n'apparaissait pas en première position. Clairement, dit Clara Nespolo, présidente de l'ANPI, l'association des Partisans qui tient la mémoire de la résistance italienne et promeut la tolérance, «nous ne sommes pas confrontés à une crise humanitaire, le choix de concentrer la propagande sur ce thème a été calculé. Et cela a payé dans un pays qui traverse une profonde crise sociale, et une profonde crise de légitimité du politique».
Salvini acclamé par des partisans de la Ligue du Nord, le 1er juillet 2018 | Miguel Medina / AFP
«La Ligue a fait de l'immigration l'objet qui regroupe tous les problèmes de la société, et a construit toute sa communication autour de ce thème, dit Salvatore Palidda. C'est la stratégie bien connue du bouc émissaire.» La lutte contre l'immigration permettra de résoudre chaque problème, promet toujours Matteo Salvini: «Pour restaurer la dignité du travail nous devons lutter contre l'immigration!». «Pour réduire la criminalité, il faut arrêter l'immigration clandestine!», etc. «Avec Salvini, toutes les questions sociales ont été racialisées», résume Salvatore Palidda.
Une construction politique qui permet d'éluder les vrais problèmes, mais qui répond aux peurs d'un peuple qui s'est appauvri depuis dix ans et se sent menacé économiquement et culturellement par la mondialisation. Et dont la classe moyenne et la jeunesse ont été très durement frappées par la crise depuis dix ans. «Il n'y a pas de racisme mais beaucoup d'Italiens se sentent avoir été oubliés par les gouvernements précédents qui ne se sont pas occupés d'eux, et ont tendance à se raccrocher à leur communauté», explique Chiara Ferrari chez Ipsos.
Une population idéale pour le leader de la ligue Matteo Salvini, qui surfant sur les peurs, a fort habilement retourné l'arme du racisme. Comme en 2015, lorsqu'il affichait: «Alors qu'il y a quinze millions de personnes menacées de pauvreté, pour la plupart des personnes âgées, l’État paie des hôtels aux clandestins.» Et chaque tweet est accompagné d'un immanquable «S'il y a des victimes, ce sont nous les Italiens». Victimes des autres, de tous les autres. Les migrants? Ils volent notre travail et nos prestations sociales, répond en substance Salvini. Bruxelles? L'Europe nous a volé notre souveraineté et notre capacité à faire une politique de croissance créatrice d'emplois. Les gouvernements précédents? Ils nous ont abandonnés, nous Italiens. Toute sa rhétorique est construite sur cette inversion. Et c'est cette dernière qui est ensuite utilisée pour légitimer la violence et libérer les propos.
«Le racisme est une construction politique d'un ministre qui est resté en campagne électorale permanente»
Mais il n'y a pas que la droite qui a fait des Italiens les victimes des immigrés, comme le montrent les discours de la Rifondazione comunista de Bologne qui «ne veut pas d'immigrés car ils viennent prendre le travail des ouvriers italiens». Une victimisation qui sert de socle à l'argumentaire de la légitime défense et à celui de l'établissement d'une préférence nationale dans l'accès aux services publics, à la protection sociale, au logement et au travail. «Le nouveau racisme italien se nourrit sur le terrain de la guerre entre les pauvres qui est sans cesse alimentée par la Ligue», résume le sociologue Salvatore Palidda.
«Le racisme est une construction politique d'un ministre qui est resté en campagne électorale permanente», dit Chiara Ferrari chez Ipsos à Milan. L'affaire du Diciotti, ce bateau garde-côte qui a été empêché de débarquer 144 migrants durant plusieurs jours fin août, a été utilisé comme une estrade politique par Salvini. Avec un succès total: selon un sondage Euromedia paru le 11 septembre 2018, 72% des Italiens et Italiennes soutiennent sa politique migratoire. Ce qui fait de la politique de Savini, la politique la plus populaire de toutes celles suivies en Europe. La haine des étrangers sera son levier pour les prochaines élections. Le 10 septembre, selon un sondage de SWG, La Ligue remportait plus de 32% des intentions de vote, soit presque deux fois plus que son score des dernières élections, le 4 mars.
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Ce n'est pas la crise qui a créé le racisme, c'est la construction d'un homme dans sa marche vers le pouvoir. Et ses messages diffusent, pénètrent dans la société italienne. «Dans les trains de banlieue qui mènent à la capitale, au moindre incident, ou dès que le train est bondé, on ne parle plus que des migrants, dit Cinzia. L'année dernière, on ne parlait que de la situation économique. Et ce qui hier était considéré comme honteux est entrain de devenir ordinaire.» Même à Rome, ville de tolérance, si bien racontée par le film d'Ettore Scola Gente di Roma, sorti il y a quinze ans. «Depuis que Salvini est ministre de l'Intérieur et s'exprime chaque jour sur sa page Facebook, il n'y a plus de pudeur sur ces sujets, dit Salvatore Palidda. Cela a désinhibé la violence, en particulier sur les réseaux sociaux.» Au point que le procureur de Turin Armando Sparato s'est publiquement alarmé que «le climat politique incite les gens à penser qu'il est normal de dire “sale nègre”». Les démocrates, en voie de décomposition avancée, ont lancé un appel pour marcher contre le racisme ce 30 septembre. Seront-ils entendus?