La tocophobie est la peur pathologique de la grossesse et de l'accouchement, une crainte extrême et persistante qui s'accompagne du fait d'éviter tout ce qui touche au sujet. Le terme est apparu dans la littérature médicale en 2000 avec l'ouvrage de deux psychiatres qui cherchaient à établir des catégories de tocophobie.
Catriona Jones, conférencière sage-femme à l'université de Hull au Royaume-Uni, est persuadée que certaines femmes redoutent de plus en plus la grossesse en raison des témoignages sur les réseaux sociaux de jeunes mamans qui relatent leurs difficultés et souffrances liées à la natalité.
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Groupes de discussion
«Il suffit de googliser “accouchement” pour rencontrer un tsunami d'histoires d'horreur», a-t-elle expliqué lors du festival britannique de science. Catriona Jones pointe du doigt le plus populaire réseau de forums de parents aux Royaume-Uni, Mumsnet, et donne l'exemple de témoignages relatant un accouchement «terrible» ou qui s'est transformé «en bain de sang». Pour la sage-femme, de telles lectures peuvent augmenter l'angoisse des femmes, même si elle indique que ce n'est pas l'unique cause de la tocophobie.
La fondatrice de Mumsnet, Justine Roberts, a tempéré ces propos en indiquant que «les utilisatrices des forums sont, dans l'ensemble, impatientes à l'idée que d'autres femmes puissent découvrir la vérité sur le spectre des expériences de naissance, du meilleur au plus terrifiant».
Les réseaux sociaux se superposent aux agences publiques de santé, qui relaient une information relativement positive au sujet de la grossesse. Pour Justine Roberts, ils permettraient aux femmes enceintes de se sentir beaucoup moins seules face à certaines situations. Elle raconte que le message le plus courant des utilisatrices est «Pourquoi personne ne m'a dit la vérité sur le fait que ça pouvait être si horrible?». Pour elle, c'est surtout une oreille solidaire que les femmes viennent chercher sur Mumsnet.
La professeure Louise Kenny, de l'université de Liverpool, travaille sur le sujet des témoignages en ligne depuis quelques années. Elle estime que la science manque cruellement de recherches: «Les histoires partagées dans un environnement sûr peuvent être apaisantes et informatives, mais certaines femmes ont également une prédisposition à développer une phobie due aux histoires prises hors contexte et aux images. Ce n'est pas une cause majeure de tocophobie mais elle est reconnue».
14% des femmes seraient atteintes de tocophobie
Une étude sur la tocophobie réalisée en mars 2017 rassemblant une trentaine d'études préexistantes a conclu qu'en moyenne, 14% des femmes pouvaient en souffrir. En revanche, pour les scientifiques, il est impossible de déterminer si cette phobie est en augmentation ces dernières années. Puisque la tocophobie entre peu à peu dans le vocabulaire courant et que l'information sur ce sujet se développe, davantage de femmes pourraient se rendre compte qu'elles en sont victimes. Pour la professeure Kenny, si l'on prend en compte les femmes qui ne souffrent pas de phobie clinique, le taux pourrait atteindre 30%.
Interrogée par la BBC, Samantha, 26 ans, confie son sentiment: «Je suis terrifiée par l'idée d'avoir un étranger dans mon ventre. […] Voir des femmes enceintes me fait flipper, et même juste parler de grossesse et de naissance me fait trembler, transpirer, et déclenche des crises de panique chez moi.»
On parle de tocophobie primaire chez les femmes qui n'ont jamais eu d'enfant –elle pourrait être déclenchée notamment par des abus sexuels, des violences gynécologiques ou des récits traumatisants– et de tocophobie secondaire chez les femmes qui ont déjà donné naissance –souvent le résultat d'un traumatisme vécu pendant l'accouchement précédent.