France

Villepin le tragédien

Temps de lecture : 3 min

Le parquet a décidé de faire appel du jugement de relaxe prononcé contre Dominique de Villepin par le tribunal correctionnel.

Donc... Dominique de Villepin est relaxé! Et le paysage de la droite française change de physionomie par ce simple fait judiciaire, même si le parquet a annoncé vendredi 29 janvier au matin qu'il allait faire appel. Jeudi 28 janvier dans la soirée, Dominique de Villepin, blanchi par la justice, a déclaré qu'il voulait représenter une alternative au sarkozysme. Ce faisant, il offre surtout une perspective de victoire pour les socialistes.

Avec Dominique de Villepin, nous avons la manifestation parfaite de la théâtralisation qui caractérise la scène politique française. Pendant tout le procès, l'ancien Premier ministre s'est montré tragédien outragé et grandiloquent. On se souvient de son entrée au tribunal, tel Mirabeau («je suis ici par la volonté d'une homme») entouré des membres de sa famille, comme des figurants recrutés à l'agence Elite. L'accusé prenait des airs de réfractaire du nouveau régime trainé au tribunal pour une sorte de procès de Riom honteux.

Homme politique anachronique

Son éventuelle condamnation aurait été (à l'écouter) l'un des avatars de l'embrigadement de la justice. Le personnage Villepin va maintenant prendre toute sa place. Il est singulier et en même temps archétypique d'une certaine élite française... Ses envolées lyriques font de lui un homme politique anachronique. Cultivé, esthète, poète, obsédé par le renseignement, il apparaît totalement incongru quand il use de son ton déclamatoire devant sa webcam pour enregistrer ses prises de paroles pour son site Internet. Le phrasé hugolien, c'est grandiose et adapté pour s'opposer à une guerre injuste au conseil de sécurité de l'ONU... C'est en revanche ridicule pour pleurer sur son sort, tel un Dreyfus qui ne risque que du sursis et qui prononcerait lui-même son «J'accuse»sur son blog.

Pour exister, Dominique de Villepin a un créneau tout indiqué. Le créneau assez nébuleux de l'homme providentiel, de l'homme qui incarne plus qu'il ne propose... il n'y aura pas vraiment de débats d'idées entre lui et le Président. L'ancien Premier ministre va tenter d'occuper un espace politique qui semble exploitable et qui lui convient. Un mélange de gaullisme, de républicanisme, de centrisme, de bonapartisme, d'étatisme social, de résistancialisme et de romantisme.

C'est beau comme des images de la Libération

Le ton du discours de Villepin est fait pour titiller notre imaginaire collectif, notre patrimoine politique et républicain... C'est beau comme des images de la Libération, comme Marianne dans le tableau de Delacroix, seins à l'air, pétoire à la main et gavroche à ses côtés, c'est fort comme le Chant des partisans, c'est nostalgique comme la France prospère de l'époque des plans quinquennaux... mais ça ne nous dit pas grand-chose sur comment s'y prendre pour réduire le chômage, résoudre les déficits, sauver la sécu, réformer les retraites, rénover les banlieues...

Dominique de Villepin arrive à temps pour occuper le créneau du courage politique, du volontarisme. Ce créneau, le Président l'occupait au début du quinquennat, mais le volontarisme sans grands résultats s'émousse. Dominique de Villepin va donc jouer un rôle classique dans notre vie politique. Celui de l'incarnation de la République pure et puissante. Un grand rôle à la Clemenceau, qui nécessite du souffle, de la culture, de la carrure, du caractère et un sens du verbe... La seule différence, c'est que l'ambition de Clemenceau était d'asseoir la République, puis d'asseoir la laïcité, puis de gagner une guerre. L'ambition de Dominique de Villepin (sauf s'il arrive à nous prouver le contraire dans les prochains mois), c'est de faire perdre Nicolas Sarkozy.

Thomas Legrand

LIRE EGALEMENT SUR L'AFFAIRE CLEARSTREAM: Clearstream, un feuilleton navrant, du début à la fin, Villepin et la basse police et A quoi servent les quatre avocats de Villepin?

Image de une: Dominique de Villepin / REUTERS

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