Monde

L'Afghanistan n'est pas le Pakistan

Temps de lecture : 2 min

Si les talibans gagnaient en Afghanistan, cela n'entraînerait pas automatiquement Islamabad.

«La France restera en Afghanistan parce que c'est notre sécurité. Si les talibans gagnent en Afghanistan, alors le Pakistan tombera», déclarait Nicolas Sarkozy sur TF1 le 25 janvier. Le raccourci est osé et illustre la confusion de la communauté internationale quant à la finalité de sa présence en Afghanistan.

Le raccourci est osé parce que rien ne permet de comparer l'Afghanistan au Pakistan. Pays d'environ 25 millions d'habitants, l'Afghanistan, qui figure à l'avant-dernière place de l'indice de développement humain des Nations unies, n'a jamais bénéficié d'un gouvernement central fort ou d'une administration très développée. En guerre depuis plus de trente ans, le pays est en ruine et la société afghane est à reconstruire après que des millions d'Afghans ont quitté le pays. Le Pakistan, en revanche, est un état de 170 millions d'habitants avec une armée de 600.000 hommes, une administration omniprésente, une société civile développée et le pays est détenteur de l'arme nucléaire.

Les turbulences au Pakistan sont des problèmes internes et leurs racines sont antérieures au développement des talibans en Afghanistan. Outre le refus de la communauté internationale d'engager un vrai dialogue avec les talibans quand ceux-ci étaient au pouvoir, la radicalisation du mouvement en Afghanistan et ensuite sa proximité avec al Qaida est liée à l'afflux de mollahs issus des madrasa (écoles coraniques) déobandi (intégristes) pakistanaises. Contrairement à certains groupes islamistes pakistanais, l'expansionnisme islamique n'était pas le but du mollah Mohamad Omar, le chef des talibans afghans qui cherchait simplement le pouvoir. Sur ce point, les talibans afghans ont peu changé même s'ils sont aujourd'hui utilisés par les djihadistes pakistanais ou les fidèles d'al Qaida qui eux s'inscrivent dans la perspective d'une islamisation globale. Il est donc faux de penser que le sort du Pakistan est lié à un quelconque gouvernement en Afghanistan.

Des contradictions internes au Pakistan

Les menaces qui pèsent sur le Pakistan sont dues à ses contradictions internes et à son incapacité à développer une identité nationale. L'islamisation croissante du Pakistan est historiquement due au déficit de légitimité des gouvernements successifs qui ont tous utilisé l'islam comme moyen de promotion politique. La capacité de résistance de la société pakistanaise s'est émoussée dans un environnement de plus en plus difficile à vivre pour les laissés pour compte qui sont l'immense majorité.

Tous les sondages montrent que la société rejette l'extrémisme islamiste, mais dans une atmosphère aussi délétère que celle qui règne dans le pays, rien ne peut être totalement exclu.

L'échec de la communauté internationale en Afghanistan

La confusion de la communauté internationale sur les talibans afghans atteint des sommets car il faut choisir: ou ceux-ci sont partie intégrante de la société afghane et on tente de négocier avec eux pour les ramener à de meilleurs sentiments ou ils constituent une menace mortelle et il faut les éliminer de la scène politique. A la veille de la conférence de Londres, les appels pressants à la négociation qui viennent de toute part ont du mal à cacher le constat d'échec que fait implicitement la communauté internationale après huit ans de guerre.

Pourquoi les talibans négocieraient-ils?

Ces appels posent toutefois plusieurs questions: pourquoi les talibans accepteraient-ils les offres d'un gouvernement dans lequel ils n'ont aucune confiance alors qu'ils sentent que l'appétit occidental pour continuer la lutte diminue? Comment le nord du pays réagirait-il si la proposition du président Hamid Karzai d'offrir argent et emplois aux talibans convertis se matérialisait? On peut d'autre part s'interroger sur la nature des emplois offerts quand les trois quarts des Afghans cherchent désespérément du travail.

En abritant la énième conférence sur l'Afghanistan, le gouvernement britannique, qui a déjà perdu 251 hommes dans ce conflit, veut donner un nouveau départ à une guerre qui s'enlise dangereusement. Mais c'est d'une refonte totale de l'action internationale et intérieure dont l'Afghanistan a besoin s'il existe encore une chance de remettre le pays sur les rails.

Françoise Chipaux

Image de une: Kaboul, en janvier 2010. REUTERS/Ahmad Masood

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