Monde / Culture

L'histoire du premier Japonais en Amérique

Temps de lecture : 3 min

Il a transformé les relations entre le Japon et les États-Unis.

Chasse à la baleine | Walfang Zwischen, 1856 via wikimédia CC License by
Chasse à la baleine | Walfang Zwischen, 1856 via wikimédia CC License by

L'homme a eu trois prénoms au cours de sa vie. Jeune adolescent japonais, il s'appelle Manjirō. Puis arrivé au États-Unis, on le nomme John Mung, plus simple à prononcer. Une fois entré dans la diplomatie, ce sera Nakahama.

Manjirō

L’odyssée de Manjirō commence en janvier 1841. L'adolescent de 14 ans quitte son village natal, Nakanohama, et embarque avec quatre pêcheurs pour tenter de subvenir aux besoins de sa famille. Coincé dans une gigantesque tempête, leur bateau devient impossible à manoeuvrer et dérive jusqu'à une petite île inhabitée.

Après cinq mois d'attente, épuisé et affamé, l'équipage est sauvé par un bateau américain, John Howland. Les vingt-huit marins sont au milieu d'une expédition de chasse à la baleine, débutée dans le Massachusetts en octobre 1839. La capitaine de l'équipage, William Whitfield, sait très bien que les Japonais ne peuvent pas être ramenés chez eux. Depuis deux siècles, les règles strictes du Japon interdisent le retour des marins qui ont visité d'autres pays, sous peine de mort. De plus, il est impossible pour une embarcation américaine de rejoindre un port japonais.

À bord du navire, Manjirō observe et imite. Il finit par maitriser des bribes de la langue anglaise, l'équipage se prend d'affection pour lui et le surnomme «John Mung».

John Mung

Après cinq mois de chasse à la baleine, le bateau fait une escale à Honolulu. Whitfield s'arrange pour que les marins japonais puissent commencer une nouvelle vie. Pris d'affection pour John Mung, il lui offre de l'emmener avec lui dans le Massachusetts, que les deux hommes atteignent en mai 1843. John Mung fait des États-Unis son pays de résidence, il est le premier Japonais enregistré en tant que tel sur le territoire.

L'adolescent va à l'école, apprend l'anglais et intègre en 1844 une très prestigieuse école de mathématiques, navigation et exploration. Un moyen pour lui d'espérer, un jour, retourner vers son pays natal.

À 19 ans, le marin s'engage sur le Franklin pour une chasse à la baleine à travers le monde. Pendant une escale à Honolulu, il retrouve ses comparses japonais et leur promet de les ramener un jour au pays.

Une fois son expédition terminée, John Mung n'est toujours pas suffisament riche pour espérer pouvoir rentrer. Il part pour la Californie et profite de la ruée vers l'or. En quelques mois, il a accumulé assez d'argent pour rentrer au Japon avec ses compatriotes. À Honolulu, il achète un petit bateau qu'il embarque sur un gros navire. Son plan? S'approcher des côtes japonaises sur la grande embarcation, puis descendre la petite pour atteindre les côtes discrètement. En 1851, dix ans après leur départ, les marins japonais retrouvent l'île d'Okinawa.

Arrêtés par des officiers, ils sont questionnés pendant pendant plus d'un an et demi sur le continent américain. Le jeune homme désoriente les officiers: il parle du télégraphe, de la politique, des bienfaits de la démocratie... À 25 ans, Manjirō est autorisé à rejoindre son village natal mais il est très vite rappelé par son dernier interrogateur. Progressiste, l'homme veut faire de Manjirō un professeur pour les jeunes samouraï. Il enseigne alors la technologie occidentale, la navigation, la chasse à la baleine et devient également le premier professeur d'anglais du Japon. Il publie ensuite le tout premier guide d'apprentissage de la langue anglaise en japonais.

Manjirō/John Mung/Nakahama en 1918 | Wikimédia commons


Nakahama

En 1853, le commodore Matthew Perry débarque au Japon et demande, au nom du gouvernement américain, l'ouverture des ports japonais en précisant qu'il sera de retour dans un an pour collecter la réponse. Manjirō est le seul expert de la culture américaine au Japon, il part pour la capitale, gagne la confiance des élites et est nommé samouraï du shogun (général en chef des armées). Il est alors appelé Nakahama, en hommage à son village natal.

Il aide ensuite le régime à construire de plus grands bateaux, à traduire des textes de navigation et enseigne dans une institution navale. Il guide la première expédition de chasse à la baleine du pays puis prend part à la délégation japonaise pour ratifier un traité d'ouverture des frontières en 1860. Il est décrit comme «l'homme qui a jouer le plus grand rôle dans l'ouverture du Japon».

Il traverse ensuite le monde pour des missions diplomatiques et retrouve enfin Whitfield, en 1870, vingt ans après leur dernière rencontre. Petit à petit, il se retire de la vie publique, ses compétences ne sont plus uniques.

Quand il meurt en 1898, son histoire est oubliée, sauf par ses deux familles. Mais son influence demeure, par son guide d'apprentissage de l'anglais et grâce à certains de ces anciens élèves devenus des personnalités importantes de la modernisation technologique et politique du pays.

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