Santé

Attention: interdiction de porter votre masque «antipollution»!

Temps de lecture : 3 min

Un rapport officiel dénonce les illusions de ce dispositif de protection. Et nous rappelle que la pollution atmosphérique est avant tout une affaire éminemment politique.

Statue de la place de la Concorde arborant un masque «antipollution» durant une manifestation pour la qualité de l'air, le 31 mars 2018 à Paris | Jacques Demarthon / AFP
Statue de la place de la Concorde arborant un masque «antipollution» durant une manifestation pour la qualité de l'air, le 31 mars 2018 à Paris | Jacques Demarthon / AFP

Le constat ne fait aucun doute: selon l’Organisation mondiale de la santé, la pollution de l’air ambiant représente aujourd’hui un risque environnemental majeur pour la santé dans le monde; l’exposition à la pollution de l’air est responsable du développement de pathologies respiratoires et cardio-vasculaires.

Alors comment se protéger, individuellement, de l’air pollué que nous respirons? Certainement pas en achetant et en portant un masque ad hoc. C’est la principale et dérangeante conclusion d’un rapport qui vient d’être rendu public, signé de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses): «Évaluation du bénéfice sanitaire attendu de dispositifs respiratoires dits antipollution».

Il aura fallu près de trois ans à l'agence pour répondre aux questions soulevées par la Direction générale de la santé et par celle du travail. Il s’agissait notamment d’évaluer le bénéfice sanitaire potentiel du port de tels masques pour la population générale –et tout particulièrement pour les personnes les plus sensibles à la pollution de l’air.

«Faux sentiment de protection»

Trois ans, d’innombrables recherches, de multiples auditions, bien des enquêtes. Et ce bilan: «L’expertise conclut à l’insuffisance de données disponibles, notamment en conditions réelles d'utilisation, pour attester d’un bénéfice sanitaire lié au port de masques dits “antipollution” par le grand public. En outre, le port d’un masque dit “antipollution” peut donner un faux sentiment de protection à son utilisateur et entrainer des comportements conduisant éventuellement à une surexposition aux polluants dans l’air. Ainsi, l’Agence ne recommande pas aux pouvoirs publics d’encourager le port de tels dispositifs».

De quels dispositifs précis parle-t-on ici? Pour l’essentiel, le marché des masques de protection individuelle destinés au grand public est dominé par les «demi-masques». Il en existe deux types:

  • Le demi-masque filtrant: une pièce faciale constituée en totalité ou en grande partie de matériau filtrant, qui recouvre la bouche, le menton et le nez. D’une esthétique discutable, il comporte des élastiques ou des brides pour la fixation autour de la tête, et dans certains cas d’une ou plusieurs soupapes expiratoires.
  • Le demi-masque: il recouvre lui aussi la bouche, le menton et le nez, mais il est constitué d’un matériau souple et étanche. Il se fixe autour de la tête à l’aide de brides et comporte également une ou plusieurs soupapes expiratoires. À lui seul, le demi-masque n’est pas protecteur. Un filtre, souvent cylindrique, est fixé par l’intermédiaire de raccords à visser.

Ces masques peuvent être à usage unique ou multiple, avec différentes formules quant à la nature et à l’usage qui doit être fait des filtres. Les fabricants vantent une filtration contre les «particules», les «bio-contaminants» (virus, bactéries, moisissures, pollens…) et les polluants organiques (composés organiques volatils, odeurs…).

Dans les rues de Paris, le 23 janvier 2017 | Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Public visé: les cyclistes ou motocyclistes, les personnes sensibles telles que les personnes âgées ou atteintes de pathologies chroniques, les femmes enceintes, les enfants, les personnes allergiques, en particulier aux pollens, et les voyageurs et voyageuses en partance pour des zones géographiques fortement polluées.

Euphémismes et langue de bois

Au terme de leur longue et méthodique expertise collective, les auteurs du rapport concluent à l’insuffisance de données disponibles pour attester d’un bénéfice sanitaire lié au port de masques par le grand public.

On peut voir là une forme d’euphémisme, tout comme dans la formule qui voit l’Anses «ne pas recommander aux pouvoirs publics d’encourager le port de tels dispositifs». Est-ce dire que cette Agence recommande aux pouvoirs publics de les interdire? Motus.

Quant aux travailleurs et travailleuses exposées du fait de leur activité professionnelle à la pollution de l’air ambiant, l’Agence retrouve sa vieille langue de bois: elle recommande aux acteurs de la prévention «de se saisir de la problématique et de l’inclure dans leur démarche d’évaluation des risques». Et de préconiser «de développer des outils de sensibilisation et de prévention à destination des employeurs et d’initier une réflexion sur la faisabilité et la pertinence d’élaborer des valeurs limites d’exposition professionnelle spécifiques à la pollution de l’air ambiant».

Rappel aux responsabilités du pouvoir exécutif

À dire vrai, et c’est heureux, l’Anses va plus loin que sa saisine officielle. Interrogée sur les masques, elle se positionne en amont, dépasse les frontières techniques et ose s’aventurer dans le champ politique, notamment en formulant un rappel aux responsabilités du pouvoir exécutif.

L’Anses lui remémore ce qui devrait être sa priorité: agir en priorité à la source, «en limitant les émissions polluantes pour réduire les impacts sanitaires» –vaste sujet citoyen, politique et républicain.

A priori indépendante, l’Agence recommande également au pouvoir exécutif «d’améliorer la transparence sur les revendications d’efficacité des masques mis sur le marché, [...] afin de s’assurer que les dispositifs vendus soient conformes aux obligations requises et que les utilisateurs de ce type de protection soient dûment informés». En d’autres termes, il faudra expliquer à la clientèle potentielle, inquiète pour sa santé, que ces masques sont au mieux inefficaces, et au pire dangereux.

Le pouvoir exécutif peut-il sans se faire mal expliquer que la solution contre la pollution atmosphérique est avant tout du ressort quasi-exclusif du politique? Peut-il ôter le masque?

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