«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected]
Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.
Et pour retrouver les chroniques précédentes, c’est par là.
Chère Lucile,
J'ai l'impression d'être enfermée dans une boîte: on me voit, mais on ne m'approche pas. Je n'ai aucun problème d'hygiène et encore moins de style, je suis dans l'air du temps, je travaille, je sors, je ris, je vis, et pourtant mon cœur saigne. J'ai 40 ans et je suis toujours vierge.
Plus jeune, j'étais forte voire même très très forte; les hommes m'insultaient, me brimaient. J'étais la grosse du collège, la grosse du quartier, la grosse du lycée... Puis un jour, je me suis retroussée les manches et j'ai modifié mes habitudes alimentaires. J'ai changé, beaucoup changé, et paradoxalement, au lieu de reprendre confiance en moi, je me suis complètement renfermée. Les hommes me font peur, tellement peur qu'à chaque fois que l'on me complimente, je l'associe à une insulte.
J'ai pris sur moi et me suis inscrite sur plusieurs sites de rencontres, mais je n'ai donné suite à aucun des rendez-vous. Et pour cause: tous sans exception n'avait qu'une chose en tête et moi, ça n'est pas ce que je veux. Avant toute chose, je veux aimer et être aimée en retour. Pourquoi est ce si simple pour certaines personnes de rencontrer quelqu'un, et si compliqué pour d'autres? J'ai l'impression de passer à côté de la vie.
Récemment, j'ai rencontré une belle personne à qui j'ai clairement dit ce que je ressentais. De son côté, ça reste compliqué, car il s'agit de quelqu'un qui a beaucoup souffert. Chaque jour, je fais un petit pas vers lui et réciproquement.
Jusqu'à présent, à chaque fois que j'ai annoncé à un homme que j'étais vierge, il m'a jetée comme une malpropre. Comment dire à cet homme qui me plaît que je le suis sans me faire une nouvelle fois jeter?
Lila.
Chère Lila,
Permettez-moi d’abord de vous féliciter pour votre courage et votre parcours. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, maigrir ne veut pas dire aller mieux. C’est en fait comme une renaissance: on se retrouve enfermé dans un corps que l'on ne connaît pas, souvent acquis dans la violence et qui porte les marques d’une ancienne vie.
S’accepter dans ce nouveau corps, c’est aussi accepter que l’on a été gros ou grosse, son histoire et tout le chemin nécessaire pour en arriver là. Je crois qu'il est très difficile d’y arriver seul ou seule, et qu’une aide psychologique extérieure est nécessaire pour accompagner l’acceptation de cette nouvelle enveloppe.
À propos des hommes et de leur rapport à la sexualité et à la virginité, je vous répondrais simplement que les hommes et les femmes ne sont pas deux espèces différentes. Les hommes n’ont pas plus de besoins sexuels et ne sont pas plus obsédés par la question, ils sont juste élevés dans le culte de la performance. Il n’est donc pas impossible du tout pour vous de trouver un homme décent, qui vous traitera avec respect et douceur et entendra sans vous juger votre manque d’expérience. Ils sont juste plus rares, je vous le concède.
Si je ne suis pas pour le mensonge, je ne pense toutefois pas qu’il faille obligatoirement annoncer solennellement votre virginité à chaque homme avec qui vous avez l’opportunité d’avoir une relation sexuelle. Votre virginité ne signifie pas que vous sortez de l’œuf. Vous avez une culture du sexe, probablement du plaisir, une connaissance de votre corps qui vous est propre. Vous pouvez, si vous le souhaitez et si vous avez peur de gestes trop brusques, arguer d’un manque d’expérience et d’un besoin de douceur, mais vous n’êtes vraiment pas obligée de vous présenter comme vierge.
Cette virginité n’est pas un fardeau qu’il vous faut assumer à tout prix; ce n’est pas un carton autour de votre cou. C’est votre histoire, qui vous appartient. Être vierge ne signifie pas que vous ne savez rien faire –et j’ai au contraire connu des partenaires loin d’être vierges à qui il manquait parfois le mode d’emploi.
Je pense que c’est surtout la façon d’aborder le sujet qui n’est pas la bonne. Ne pensez pas: «Je suis vierge, il va s’en rendre compte, je dois le prévenir avant». Pensez plutôt en termes de désir –du vôtre, et du sien à votre égard.
Chaque nouveau partenaire marque une première fois: on redécouvre des désirs, des plaisirs qui sont uniques. Apprenez d’abord à appréhender votre corps, à vous toucher et à vous laisser toucher, avant de penser à sortir les grands mots. Vous aurez bien le temps, si vous en avez envie, de raconter votre histoire à une personne qui aura gagné votre confiance et dont vous aurez la certitude qu’elle ne vous jugera pas.
Petit pas par petit pas, à deux, même avec des parcours accidentés, c’est bien aussi.