Petite tristesse: la première phase de cette 21e Coupe du monde est presque finie. Après plus de deux semaines de compétition, on va enfin connaître les seize équipes qualifiées pour les huitièmes de finale.
Mais avant cela, chaque nation présente en Russie va jouer son dernier match de groupe: que ce soit pour assurer sa survie dans la compétition (Allemagne, Colombie, Argentine...), pour savoir si elle terminera première ou deuxième (France, Angleterre, Belgique… ), ou si elle rentrera à la maison avec le moindre point (Costa Rica, Panama, Pérou…).
On pourrait se dire que trois matchs sont amplement suffisants pour départager les quatre équipes que contient chaque groupe. Et pourtant, comme tous les quatre ans, certaines équipes vont terminer cette première phase avec exactement le même nombre de points.
Tirage au sort
Les personnes familières avec le foot savent que, dans ce cas-là, on se lance dans un processus bien défini (et parfois compliqué) pour savoir qui terminera devant l’autre. La Fifa a d’ailleurs paré à toutes les éventualités. Dans son règlement, on peut ainsi lire page 44 que «le classement de chaque équipe dans chaque groupe sera déterminé par les critères suivants», avec bien entendu le meilleur pour la fin.
Oui, vous avez bien lu: en cas d’égalité parfaite, deux équipes seront départagées par un simple tirage au sort. La probabilité que cela se produise est cependant relativement faible. Selon un modèle établi en 2004 (et qui ne comprenait alors pas les cartons dans les critères avant d’arriver au tirage au sort), ce phénomène ne devait se produire qu’une fois toutes les sept Coupes du monde environ.
L'Espagne et le Portugal, ainsi que la Belgique et l'Angleterre pourraient potentiellement être concernées par un tirage au sort en fonction du déroulement de leur dernier match.
Contactée, la Fifa ne nous avait pas précisé les modalités de ces potentiels tirages au sort au moment de la publication de cet article. En revanche, l’instance organisatrice de la Coupe du monde expliquait en 2014 à un contributeur de Forbes que dans ce cas, un membre du comité organisateur (qui n'est bien évidemment lié à aucune des nations en question) viendrait alors mélanger les boules contenant le nom des équipes à égalité et tirerait le nom de l’équipe qualifiée ou de celle qui terminerait en tête du groupe. La deuxième boule serait ensuite ouverte pour confirmer le tirage. Plus de pièce choisie par les capitaines donc, et tout ceci se déroulerait dans les 90 minutes suivant le dernier match des équipes concernées et pourrait être suivi en direct car la cérémonie serait ouverte aux médias.
Des précédents historiques
Ce scénario s’est déjà produit à quatre reprises dans l’histoire de la Coupe du monde. Comme nous l'expliquions en 2014, avant 1954, «il suffisait que deux équipes soient à égalité de points pour qu'elles soient considérées à égalité parfaite et qu'un match de barrage ait lieu. Cette année-là, il fut décidé que, si les deux équipes étaient à égalité de points aux deux premières places d'un groupe –toutes deux qualificatives–, ce barrage serait remplacé par un tirage au sort». Cette année-là, le Brésil et l'Uruguay avaient fini devant la Yougoslavie et l'Autriche grâce à ces mêmes tirages au sort.
Pour les deux Coupes du monde suivantes, «ces deux procédures furent remplacées par le goal-average, au sens propre du terme: le nombre de buts marqués divisé par celui des buts encaissés. C'est finalement en 1970 qu'a été introduit le critère de la différence de buts tel qu'on le connaît aujourd'hui: la différence entre le nombre de buts marqués et encaissés».
L'ajout de critères a automatiquement fait baisser le nombre de tirages au sort. Le seul exemple sur cette période s'est produit en 1970 quand l’URSS avait profité du tirage au sort pour finir devant le Mexique. Les deux équipes avaient terminé avec le même nombre de points et la même différence de buts. Opposés respectivement à l’Uruguay (0-1), et à l’Italie (1-4), les deux équipes avaient été éliminées dans la foulée.
Plus de critères, moins de tirages
En 1978, l'ajout comme critère de la meilleure attaque en cas de différence identique a continué à raréfier le nombre de tirages au sort effectués en Coupe du monde. Pourtant, en 1990, l’Irlande et les Pays-Bas avaient fini le premier tour à égalité parfaite avec trois points chacun (trois matchs nuls), deux buts marqués et deux encaissés.
La Fifa avait alors organisé un tirage au sort pour déterminer qui serait deuxième et qui serait troisième. La Coupe du monde regroupant alors 24 équipes sur six groupes, les quatre meilleurs troisièmes étaient qualifiés. Avec trois points chacun, l’Irlande et les Pays-Bas étaient donc assurés de se qualifier pour la phase suivante. Le tirage au sort a donc uniquement servi à connaître leurs adversaires et pas à renvoyer une équipe chez elle plus tôt que prévu.
Sur la vidéo du tirage au sort, on peut voir Sepp Blatter, alors secrétaire général de la Fifa s’activer quinze minutes après la fin de la rencontre entre les Irlandais et les Néerlandais (1-1). Monique Furica, une adjointe de la Fifa avait ensuite effectué le tirage au sort. Tirée en premier, l’Irlande avait ainsi fini deuxième et les Pays-Bas troisièmes. Les Irlandais avaient ensuite éliminé la Roumanie en huitièmes de finale, avant de tomber contre l’Italie, tandis que les Néerlandais avaient été éliminés immédiatement par la RFA, future championne du monde.
Quelle justice?
Le but de l'ajout de critères est de rendre une qualification un peu plus «juste». Pourtant, comme nous l'écrivions en 2014, le classement du fair-play, jamais utilisé jusque-là aurait «l'inconvénient, au cas où ce critère serve, de déplacer la polémique sur le terrain de l'arbitrage».
Tout ceci montre la difficulté de départager deux équipes qui sont à une égalité parfaite dans cette compétition. En 1954, la Turquie avait privé l'Espagne de Coupe du monde, en remportant le tirage au sort, après un match nul lors du match d'appui.
Quatorze ans plus tard, lors du championnat d'Europe, l'Italie avait sorti l'URSS en demi-finales en la battant... à pile ou face. Pas sûr que les Espagnols ou les Soviétiques aient trouvé cette solution très «juste».
Alors, pour y remédier, plusieurs options ont été envisagées. Dans le New York Times, un journaliste évoquait notamment la possibilité de jouer un match de 45 minutes où le premier qui marque l'emporterait, ou de réaliser une séance de tirs au but le jour suivant. Question dramaturgie, on a du mal à imaginer meilleure idée.