Vous vous ruez sur des plats caloriques quand la température baisse? Vous n'êtes pas seuls: le rhinopithèque de Roxellane, un singe asiatique très mignon, adore lui aussi se bourrer de sucre et de gras en hiver, car cela lui permet de se tenir chaud.
Telle est la principale conclusion d'une étude menée par une équipe de scientifiques affiliés notamment à l'université de Sydney et dirigés par David Raubenheimer. Les recherches de ce professeur d'écologie de la nutrition visent à comprendre pourquoi les humains, davantage que d'autres primates, sont si prompts aux excès alimentaires, à l'obésité et à ses problèmes de santé associés.
Publiée dans la revue Functional Ecology, l'étude analyse le contenu nutritionnel des aliments consommés par trente-huit singes durant cinquante-cinq jours (vingt-huit d'hiver et vingt-sept de printemps) afin de déterminer la composition de leur régime et d'évaluer l'énergie supplémentaire que les singes absorbent pour réguler leur température corporelle quand la température ambiante frôle le 0°C. Il en ressort que les animaux vaquant dans un habitat froid et neigeux (les monts Qinling, en Chine) adaptent leur prise alimentaire aux coûts de la thermorégulation. Ils l'augmentent quand leurs besoins sont élevés et la diminuent lorsqu'ils sont bas.
«Pour mieux comprendre les adaptations permettant à ces singes de vivre et de prospérer dans un environnement aussi rude, l'un des plus froids où l'on peut trouver des primates, explique Raubenheimer, nous avons testé comment ils supportent les coûts énergétiques supplémentaires nécessaires pour conserver leur chaleur corporelle.»
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Les singes savent réguler leurs apports
L'étude –s'assurant par un apport externe de nourriture que les quantités consommées aux différentes saisons sont bien dues aux choix des animaux et non pas aux restrictions écologiques–, observe que les singes consomment deux fois plus d'énergie en hiver. Mais ce n'est pas tout. Comme le précise Raubenheimer «en hiver, l'apport supplémentaire provient entièrement des graisses et des glucides, l'apport en protéines restant identique».
En ayant recours à l'imagerie thermique, les scientifiques ont pu mesurer la température des singes à des points spécifiques de leur corps. En prenant en compte d'autres facteurs comme la vitesse du vent et la température ambiante, ces mesures ont permis de calculer la perte de chaleur corporelle en hiver.
«Nous avons constaté que la chaleur perdue par les singes en hiver correspondait presque exactement à l'énergie supplémentaire consommée sous forme de graisses et de glucides», ajoute Raubenheimer.
Des données laissant entendre que les singes savent adapter les macronutriments de leur alimentation selon leurs besoins saisonniers. De fait, vu que les aliments gras et sucrés étaient aussi disponibles au printemps, le travail de Raubenheimer et de ses collègues peut se lire dans les deux sens: si les singes avalent deux fois plus de gras et de sucres en hiver, c'est aussi qu'ils s’abstiennent deux fois plus d'en consommer au printemps.
En d'autres termes, cela prouve que les singes savent équilibrer leur apport en nutriments pour répondre à des besoins nutritionnels spécifiques. Est-ce là la grande différence avec les singes gloutons que nous sommes?