Comme chaque année depuis 1977, la Journée internationale des droits des femmes met le sexe féminin à l’honneur. «Droits égaux, opportunités égales: progrès pour tous» est le thème choisi pour ce 8 mars 2010...La Journée internationale des droits des femmes trouve son origine dans les manifestations féministes du début du XXe siècle en Europe et aux Etats-Unis. A l’époque, elles réclamaient l’égalité, de meilleures conditions de travail et le droit de vote. Mis à part l’accès à l’isoloir, les autres combats restent d’actualité.
Défendre 2.000 femmes emprisonnées sous leur burqa est une excellente chose, si tant est que la classe politique et les médias n’oublient pas une autre problématique, celle qui touche encore aujourd'hui l’ensemble des femmes en France pour obtenir les mêmes postes, les mêmes responsabilités et les mêmes salaires que l'autre moitié de la population.
Mieux vaut en effet vivre sans ambition si on est une femme en France. Car vous aurez beau être aussi diplômée qu'un homme, vous n'arriverez pas à franchir le mur des conseils d'administration —sauf à de très rares exceptions près.
Les conseils d'administration, tout comme les hautes instances du secteur public sont des clubs très sélects, regorgeant de costards cravates. Les femmes ne représentent que 10% des membres du conseil d'administration ou de surveillance des sociétés du CAC40. 42% des comités exécutifs restent exclusivement composés d'hommes. Pourtant, les femmes sont autant diplômées que les hommes, et leur réussite scolaire est en général bien meilleure que celle des garçons.
On s'émeut souvent de cette injustice. On se navre au moins une fois par an de l'absence de la gente féminine dans les instances décisionnaires. Certains même s'emparent du sujet. C'est le cas dernièrement du président du groupe UMP à l'Assemblée, Jean-Francois Copé, qui avec la présidente de la délégation aux droits des femmes, Marie-Jo Zimmerman, vient de présenter un projet de loi mercredi dernier au palais Bourbon. C'est un bon point pour Monsieur Copé car on ne pourra pas, dans ce cas précis, lui reprocher d'agir pour un quelconque objectif électoral, car le sujet des disparités hommes-femmes, tout le monde s'en fout. Trop souvent rabâchée sans jamais avoir abouti à de quelconques avancées concrètes, cette problématique remplit à peine quelques lignes dans la presse quotidienne, pas de quoi faire un débat.
Quotas
Pourtant, voilà en filigrane leur proposition de loi: imposer un quota minimum de femmes de 40% dans les comités de direction des sociétés cotées et publiques. Cette réforme devrait s'appliquer en deux temps, un premier palier de 20% de femmes les trois premières années, ensuite le passage au bout de six ans à 40%. C'est sûrement la seule chose qui reste à faire pour faire bouger les lignes. Depuis le temps qu’on parle de cette parité sans en voir la couleur, reste la loi pour réussir l’infranchissable. Le projet de loi présenté à l'Assemblée prévoit que les décisons prises en conseil d'administration ne soient validées que si le quota est respecté. Cette fois-ci, aucune sanction financière ne sera imposée aux entreprises pour empêcher que ces dernières ne contournent cette nouvelle obligation en s'affranchissant d'une amende (à l'instar de ce qui s'est passé pour les handicapés notamment).
En effet, les raisons qui sont invoquées en «off», pour expliquer l'absence récurrente de femmes dans ces instances décisionnaires, par ceux qui en font partie, posent quelques inquiétudes sur leur capacité à évoluer. «Si les femmes veulent intégrer les comités de direction, elles doivent s'adapter à nos méthodes, notre manière d'être et de penser», entend-on par ces derniers sous le sceau de la confidence. En résumé, explique-t-on, «c'est comme pour les immigrés, c'est à eux de s'adapter à la France et non l'inverse. Les femmes doivent en faire autant si elles veulent faire partie d'un conseil d'administration, elles doivent s'adapter et faire comme nous».
Mentalités
Mais de quoi parle-t-on ici au juste? Entre nous soit dit, il n'est pas question de compétence. C'est davantage de futilité machiste dont il est question et qui prend tous ses droits dans ces lieux ultra fermés. Les dirigeants du conseil se retrouvent entre eux, à jouer aux durs, comme dans la cour de récréation. Et que se racontent-ils? Des histoires de ballon, comme toujours, mais aussi c'est bien l'endroit où toute la misogynie primaire peut refaire surface.
C'est un lieu où certes le travail règne (je suppose), mais c'est aussi un merveilleux moment pour discuter «entre hommes» de sujets primordiaux comme: le vin, la bouffe, le sport, la voiture et sûrement, au moment du désert, les femmes. Cela dit, si ce sont les seules conditions pour faire partie du «club» , moi je veux bien boire, manger, parler foot pendant des heures, envoyer une dizaine de mails à la minute en réunion, et m'inquiéter des problèmes de «bagnoles»; mais ils ne veulent pas me croire. Il ne me reste donc que la loi pour espérer un jour faire partie de la bande. Comment voulez-vous combattre ces mentalités autrement que par la loi?
Enfin, j'ai une admiration sans borne pour ces quelques femmes qui ont réussi à braver le mur des conseils d'administration. Elles ont su, sans aucun doute, se distinguer de toutes les autres et faire preuve d'une ouverture d'esprit hors du commun. Les hommes, qui doivent partager leur siège avec elles apparemment ne s'en plaignent pas. En tout cas, publiquement. Il paraît que la présence des femmes aide à la prise de décision, elles sont plus directes, plus pragmatiques. Les projets aboutissent plus vite, semble-t-il...
Oriane Claire
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Image de une: Djordje Kojadinovic/Reuters