Sortez couverts. Ces quelques mots (que vous associez à la prévention contre les IST) font aussi partie des recommandations pour se prémunir des risques de l’été. Notamment de celui de l’insolation. Il paraît logique en effet de s’abriter du soleil avec un couvre-chef, histoire d’éviter le coup de chaud et le mal de crâne sévère consécutif. Logique, mais prise de tête. Et pas seulement en raison d’une envie d’être tendance et de porter le chapeau de l’été. Car il n’est pas facile de savoir exactement de quoi revêtir son crâne pour éviter l’hyperthermie.
Les prescriptions sont soit floues, comme si tous les chapeaux se valaient, soit précises mais en contradiction les unes avec les autres. Ici, on vilipende par exemple le coton qui, en absorbant la sueur, viendrait augmenter la température corporelle et donc favoriser l’insolation. Là, on préconise à l’inverse les fibres naturelles plutôt que synthétiques puisqu’elles se relâcheraient moins au fil des lavages et donc filtreraient davantage le soleil. Ou encore là, on apprend qu’il faudrait privilégier les couleurs sombres afin que ce soient les vêtements qui absorbent les rayons et non votre peau… Tout ça alors que «ce n’est pas qu’une question de chapeau!», s’exclame le docteur Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France.
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Cloche isolante
D’abord, il faut réaliser que c’est l’ensemble du corps et pas seulement le sommet du crâne qu’il faut éviter d’exposer aux rayons du soleil et à des températures très élevées. Les t-shirts à manches longues et les pantalons en toile légère, ce n’est pas seulement pour les peaux fragiles de celles et ceux qui souhaitent ne pas multiplier leur risque de cancer de la peau. «Un vêtement ample qui couvre la totalité du corps, c’est très important pour ne pas emmagasiner de la chaleur; c’est l’ensemble de l’habillement qu’il faut adapter pendant les périodes chaudes», poursuit le médecin urgentiste. Mieux vaut également porter des couleurs claires, qui n’absorbent pas la chaleur mais la réfléchissent. C’est physique.
Car, c’est bien simple, «une insolation, ce n’est pas juste le cerveau qui chauffe trop, c’est l’ensemble de l’organisme. Le corps humain contient de l’albumine, comme le blanc d’œuf; or si vous chauffez trop le blanc d’œuf, il coagule et ne revient plus à son état initial. C’est la même chose pour toutes les protéines qui se trouvent à l’état liquide dans notre corps». Trop de chaleur et c’en est fini. Ce qui explique qu’un coup de chaud n’a pas pour unique conséquence des douleurs crâniennes: à un certain stade, on peut en mourir puisqu’«on a grillé le cerveau».
Reste qu’il convient aussi de se protéger le caillou. Et que certains chapeaux sont en tête du classement de protection solaire. «Il vaut mieux porter un chapeau à larges bords, avec un espace entre les cheveux et la partie supérieure, comme un grand chapeau de paille.» Bien sûr, mieux vaut de la paille serrée pour éviter les coups de soleil si l’on a un phénotype à risque: «Si vous êtes chauve à tendance roux, il faut éviter les chapeaux à trous! Mais si vous avez une bonne tignasse, ce n’est pas un problème».
Deux raisons à la prédominance des chapeaux en cloche et aux bords larges. La première tient à «la possibilité de circulation de l’air entre la peau ou les cheveux et le chapeau». Eh oui, «l’air est un isolant». La seconde provient de la nécessité de «faire de l’ombre autour du crâne, sur le visage ainsi que le cou, zones à proximité du cerveau très exposées aux rayons UV et qui chauffent vite». Donc pas seulement pour éviter d’être ébloui.
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Bon sens médiéval
Le public dans les gradins de Roland-Garros, avec ses panamas et capelines, l’a bien compris. Mais pas besoin d’attendre le XXIe siècle pour que ce type de chapeaux coiffe les têtes en été (et pas seulement celles des plus fortunés), indique Sophie Jolivet, chercheuse associée à l’Université de Bourgogne et spécialiste du vêtement à la période médiévale. «Au XIVe et XVe siècles, des chapeaux “pour l’été” de paille et des chapeaux de jonc, souvent à larges bords et qui protègent les yeux du soleil, sont attestés dans les images et les textes conservés.»
Ainsi, «dans les calendriers, on va plus volontiers trouver des images des mois de mai, juin et juillet avec ce type de chapeaux». Idem dans les manuels agricoles de l’époque, comme Le Livre des profits champêtres, de Pierre de Crescens, où l’on peut admirer «les personnes en train de faire les moissons portant des chapeaux d’été».
Pour ceux qui n’avaient pas les moyens de s’acheter un vrai chapeau, «une bande de toile (en chanvre ou en lin) ou un chaperon (en laine) entouré en turban autour de la tête pouvait largement faire l’affaire». Le chaperon, c’est «la coiffure médiévale par excellence, une sorte de cagoule prolongée jusqu’aux épaules, qui pouvait même couvrir le haut du buste».
Durant l’été, la visagière, le trou pour la tête, pouvait être portée sur le crâne et l’étoffe ainsi drapée servir de protection contre les coups de chaud. Un mélange entre «le bob avec protège-nuque», attirail indispensable du pêcheur en eaux estivales, et le chèche des Touaregs, qui «crée des couches d’air entre le tissu», insiste l’urgentiste. Autant de preuves que, quelle que soit la période ou la latitude, s’enturbanner lors de grandes chaleurs ou en plein été revient à avoir la tête sur les épaules puisque l’on évite l’insolation.
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Chaud devant
Et c’est bien pour cela que, à l’inverse, la casquette ne s’avère pas des plus adaptées: «La casquette n’est pas une bonne protection solaire parce qu’elle colle au cuir chevelu. Vérifiez vous-même: portez une casquette en plein soleil puis retirez-la et mettez votre main sur votre crâne, suggère le docteur Prudhomme. Vous constaterez que votre crâne est chaud». Sans compter que «la casquette a une visière et non un bord circonférentiel». De quoi prendre des coups de soleil sur les oreilles et chauffer la cervelle.
Quant aux matériaux utilisés pour le couvre-chef, le docteur Prudhomme ne recommande les «tissus techniques», qui évacuent la sueur, qu’aux sportifs et aux travailleurs forcés de s’exposer au soleil. Pour le tout-venant, l’essentiel est surtout d’adapter son mode de vie: éviter l’effort en plein soleil et rester à l’ombre. «Encore des contraintes», vous dites-vous d’un air ombrageux? Le médecin dément: «Après avoir été exposés à la chaleur sans les habits adaptés, les gens ont mal au crâne et ne dorment pas bien donc ils ne profitent pas de leurs vacances ou de leur soirée avec un verre de rosé à la fraîche». De quoi donner envie de ne plus se balader tête nue.