C'est un sujet qui revient fréquemment sur le tapis dès qu'une femme annonce sa grossesse ou lorsqu'un bébé vient de naître: faut-il allaiter son enfant ou non? On notera que le débat peut surgir à tout moment, sans prévenir, et surtout sans que la propriétaire de la poitrine concernée ait demandé son avis à qui que ce soit. Mais l'allaitement, c'est comme le voile ou l'arbitrage vidéo: non seulement tout le monde a sa petite opinion sur le sujet, mais tout le monde se sent visiblement obligé de la donner.
Pas question de dresser ici la liste des pour et des contre: on rappellera que la décision d'allaiter ou pas doit revenir en premier lieu à la mère biologique de l'enfant, pour qui il n'est d'ailleurs pas toujours simple de demander conseil tant les idées reçues et les partis pris pullulent, y compris chez une partie des spécialistes.
Publiée par le New York Times, une étude vient en tout cas de montrer que non, contrairement à ce que vous affirme votre beau-frère avec aplomb, nourrir son bébé au sein ne permet pas de le rendre plus intelligent. Menées par 12 scientifiques venant du monde entier auprès d'un échantillon de 13.557 enfants, ces recherches contredisent une étude précédente, qui affirmait que les personnes allaitées à la naissance avaient un QI plus élevé que les autres, et ce dès l'adolescence. Un pic était même signalé après l'âge de 30 ans.
Jugée comme moyennement fiable en raison d'un protocole qui faisait débat, l'étude datant publiée en 2015 vient donc d'être retoquée par cette équipe de chercheurs et de chercheuses, qui a travaillé pendant 16 ans sur le sujet. Après avoir suivi ces bébés et étudié leur alimentation pendant la première année de leur vie, l'équipe de recherche a patiemment attendu avant d'effectuer des tests lors de leur seizième année. Parmi les critères observés: la mémoire verbale ou non-verbale, l'orientation dans l'espace, la reconnaissance de mots, l'intégration rapide d'informations, la motricité fine et les fonctions exécutives (planification et élaboration de stratégies).
Des résultats similaires... à un près
Les résultats sont édifiants: allaitement ou biberon, presque aucune différence n'a été constatée entre les deux catégories d'ados. À une exception près: concernant les fonctions verbales, les résultats des tests étaient légèrement meilleurs chez les individus ayant été nourris au sein.
C'est Seungmi Yang, professeure d'épidémiologie à l'université de Montréal, qui a dirigé l'étude. Elle résume le problème simplement: «Si vous voulez allaiter dans l'espoir d'améliorer les fonctions cognitives de votre enfant, il y aura peut-être des conséquences positives dans les premières années. Mais les effets vont être substantiellement réduits à l'adolescence. D'autres facteurs, tels que l'éducation parentale, ont bien plus d'influence».