Cet article est publié en partenariat avec l'hebdomadaire Stylist, distribué gratuitement à Paris et dans une dizaine de grandes villes de France. Pour accéder à l'intégralité du numéro en ligne, c'est par ici.
Le lien entre Britney Spears et Jennifer Lopez? Outre leur penchant maladif pour le play-back, leurs comptes Instagram nous apprennent qu’elles sont toutes deux passionnées de HIIT, cet «entraînement fractionné à haute intensité» que tout le monde semble avoir envie d’adopter, comme le montre une étude de l’American College of Sports Medicine (ACSM), qui pointe tous les ans les disciplines fitness à succès et qui a consacré le HIIT «top trend» de 2018.
Un succès qui confirme la petite révolution –soyons modestes– qui se joue dans les clubs de fitness, où la recherche du bikini body semble perdre du terrain face à la recherche de force et de puissance, comme en témoigne le hashtag #strongnotskinny, qui pète les scores sur Instagram.
Le message est relayé par les célébrités qui tentent de faire du fitness un nouveau domaine du féminisme. Genre, Beyoncé parlant de sa ligne de fringues de sport Ivy Park: «Mon but est de repousser les limites du vêtement de sport, et de soutenir et inspirer les femmes qui comprennent que la beauté est plus que l’apparence physique.» Ou Jemima Kirke, héroïne de la série Girls, qui se confiait sur son corps post-partum à T Magazine: «Une chose qui a toujours manqué au mouvement féministe, ce sont les questions autour du corps. Nous devons faire sortir la honte des clubs de remise en forme.»
Au moment où quelque 400 clubs non mixtes et exclusivement réservés aux femmes ont ouvert leurs portes en France, les salles de fitness semblent être le lieu de mise en scène des questions de genre et d’égalité des sexes. «Les clubs de fitness ont été les premiers endroits où les femmes ont pu accéder au sport, dans les années 1980, explique Oumaya Hidri Neys, sociologue du sport. Un lieu qui se révèle émancipateur, mais aussi reproducteur de dominations.»
Pourquoi votre salle de sport est-elle le carbone 14 de l’égalité des sexes? Démonstration.
Les bodybuilders sont des «hommes fragiles»
Le saviez-vous? Selon une étude de l’université Brunel de Londres, les hommes bodybuildés sont moins susceptibles d’être favorables à l’égalité femmes-hommes. Muscles qui débordent, marcels qui craquent et virilité entretenue à coup de prot’: quelle meilleure manifestation de masculinité toxique que les compet’ de bodybuilding?
Pourtant, à en croire Broderick Chow, maître de conférences dans cette même université, replacer cette discipline censée représenter la virilité dans son contexte initial peut nous apprendre beaucoup sur la notion de masculinité.
À la fin du XIXe siècle, c’est dans les music-halls et sur les planches des vaudevilles que les premiers bodybuilders soulevaient de la fonte. «C’est un sport qui met en scène les attributs d’une forme de masculinité hégémonique. Sa cible? Les “hommes fragiles”, que l'on pousse à prendre une revanche sur leur corps, en créant une toute-puissance statutaire.»
Pour le chercheur britannique, cette orchestration s’inscrit dans la notion de «performativité du genre», théorisée par Judith Butler: «Ces expressions très théâtralisées du fitness masculin sont, comme les spectacles de drag queens, une performance qui montre combien le genre est culturellement établi. Présenter des idéaux virils sur une scène, comme un divertissement, en fait des scénarios culturels plutôt que l’expression d’une authentique masculinité toxique.» Tout de suite, ça dégonfle.
À LIRE AUSSI Le danger caché des cours collectifs de fitness
Les fit-gourous sont féministes
En 1850, Hippolyte Triat fonde à Paris la première salle de gym moderne. Précurseur de la culture physique, il donnait des cours –notamment à Napoléon III– dans une salle pour la première fois accessible aux femmes, qu’il encourageait à pratiquer des exercices de force et qu’il embauchait comme coachs.
Dans les années 1960, les femmes au foyer américaines se mettent aux abdos-fessiers afin de devenir belles et fines pour leur mari, comme le raconte l’historienne Shelly McKenzie dans Getting Physical: The Rise of Fitness Culture in America. Mais ça, c’était avant Jane Fonda, «une icône qui a attiré [au début des années 1980] un très grand nombre de femmes dans les clubs de fitness naissants, créant un boom dans les statistiques de pratique féminine du sport», explique Oumaya Hidri Neys.
Pour aller encore plus loin dans le féminisme inclusif, l’organisation We Are Yogis propose aujourd'hui des cours de «Pink Yoga» et souhaite offrir un safe space à destination des publics LGBT+. Elle donne également des cours aux migrants et en langue des signes –c’est pas le sujet, mais ça aurait été dommage de ne pas vous le dire.
Le crossfit est plus égalitaire que les entreprises du CAC40
Haltérophilie, mouvements de gym et exercices cardio-vasculaires (#icantbreathe): le crossfit n’est pas qu’une affaire de gros bras, mais aussi d’égalité entre les sexes.
C’est l’une des championnes de la discipline, l’Islandaise Katrin Davidsdottir, qui en parle le mieux. Dans un article pour Motto, elle explique qu’en crossfit, hommes et femmes font «tous la même chose […], il n’y a pas la peur que la femme devienne “trop forte”».
«Mouvements identiques, salaires égaux, participants mixtes, coachs hommes ou femmes: en traitant la gent féminine comme une égale totale de l’homme, le crossfit a révolutionné la manière dont les femmes s’entraînent», confirme Daniel Kunitz, journaliste et auteur de Why The Pain? What’s The Gain?.
D’ailleurs, parmi les noms qui pèsent le plus lourd dans le game, on retrouve la Canadienne Camille Leblanc-Bazinet (1,2 million de followers sur Instagram) au coude-à-coude avec l'Américain Rich Froning (1,1 million).
La barre au sol a été un outil de libération sexuelle
«Un mélange de modern ballet, de yoga, d’exercices orthopédiques et de sexe.» Là, tout de suite, vous avez du mal à percuter. Pourtant, c’est avec ces mots que Lydia Bach décrivait la barre au sol à un journaliste du New York Times, en 1972. La jeune femme n’est autre que l’élève de Lotte Berk, danseuse allemande qui inventait la pratique une décennie plus tôt.
Avant d’investir toutes les salles de fitness du monde, la discipline était avant tout érotique, comme le rappelle un récent papier de The Cut. Dans ses cours, le lever de jambe s’appelait «the prostitute» [la prostituée] et le relevé de bassin «the naughty bottom» [le derrière coquin]. Objectif: apprendre aux femmes à trouver leur plaisir –et maîtriser leur périnée.
Si aujourd’hui, cela vous paraît so la-révolution-sexuelle-de-votre-grand-mère, les magazines féminins ont pu à l’époque promouvoir ces exos pour améliorer la vie sexuelle des lectrices.