Et si le cerveau était plus sensible à la douleur qu’on ne l’imagine? Il est communément admis, depuis plus de soixante-dix ans, qu’à l’intérieur du crâne, peu de zones entraînent ce ressenti.
Les seules parties concernées seraient la dure-mère, c’est-à-dire l’enveloppe méningée la plus externe qui tapisse la voûte et la base du crâne, et les vaisseaux qui la nourrissent.
Ce postulat permet aux neurochirurgiens de réaliser des interventions chirurgicales à l’intérieur du crâne, appelées craniotomies, sur des patients éveillés, notamment pour retirer des tumeurs au cerveau. Les patients sont endormis pendant l’ouverture de la boîte crânienne, et réveillés ensuite pour pouvoir prononcer des mots et effectuer des gestes à la demande de l’équipe, au cours de l’opération –le tout sans sensation de douleur.
De nouvelles zones identifiées
Une nouvelle étude, publiée le 1er avril dans la revue Brain par notre équipe, vient affiner des connaissances jusqu’ici trop limitées sur cette question.
Désormais, on peut considérer que la pie-mère, c’est-à-dire la méninge la plus fine qui tapisse les circonvolutions et sillons du cerveau, et ses vaisseaux nourriciers ne sont pas insensibles à la douleur.
Afin de mieux comprendre l’origine des maux de tête, des chercheurs de l’université Clermont Auvergne, de l’Inserm, de l’université Paris Descartes et de l’université Côte d’Azur, se sont intéressés à cette insensibilité supposée de la pie-mère et de ses vaisseaux nourriciers.
Pour réaliser leur étude, ils ont mis à contribution, de 2010 à 2017, trois neurochirurgiens du CHU de Nice et de l’hôpital Sainte-Anne à Paris, ainsi que cinquante-trois de leurs patients atteints de tumeurs cérébrales devant être extraites en craniotomie éveillée.
Durant l’opération, le cerveau des patients était soumis à des stimulations mécaniques propres à l’acte chirurgical, comme des pressions ou des coupures. S’ils ressentaient une douleur, même brève, ils devaient indiquer quand et où ils l’éprouvaient. Le chirurgien notait quant à lui les structures crâniennes dont la stimulation avait provoqué la douleur.
En moyenne, près de deux sensations douloureuses ont été rapportées par patient, toutes du même côté du cerveau que celui du stimulus. La douleur s’arrêtait dès la fin du geste opératoire, restant dans le domaine du supportable.
Les chercheurs ont notamment constaté que les stimulations de la pie-mère et de ses vaisseaux nourriciers entraînaient une douleur, localisée la plupart du temps dans le territoire sensitif nommé V1. Celui-ci innerve le front, les orbites, la cornée, les régions temporales supérieures et antérieures, la racine du nez et la muqueuse nasale.
Correspondance entre à droite, les zones stimulées de la pie-mère lors des interventions chirurgicales et à gauche, les zones où le patient indique avoir ressenti la douleur | Denys Fontaine, Université Côte d’Azur
Pistes de recherche sur l’origine des maux de tête
Ces observations contredisent la théorie admise jusqu’à présent; elles plaident en faveur d’une sensibilité à la douleur de la pie-mère et de ses vaisseaux nourriciers. Elles permettent également de suggérer que ces structures peuvent être impliquées dans les céphalées –le nom scientifique des maux de tête– au même titre que les autres structures sensibles du crâne.
Pour des raisons éthiques assez évidentes mais aussi pratiques, il n’a pas été possible lors de cette étude d’explorer systématiquement les structures crâniennes apparues comme sensibles.
Par la suite, des chercheurs pourraient travailler à identifier, à l’échelle moléculaire, les récepteurs impliqués dans la détection des messages douloureux dans le cerveau. Cela pourrait constituer un nouvel axe de recherche pour le traitement des céphalées, et notamment de la migraine –qui se caractérise par une douleur spontanée, d’un seul côté de la tête, pulsatile, d’intensité modérée à sévère et durant de quelques heures à quelques jours.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.