Monde

Les élections en Irak: une consolation pour Bush, un espoir pour Obama

Temps de lecture : 2 min

Le nouveau président américain va bénéficier du succès tardif de la politique de son prédécesseur - par Daniel Vernet

Devant des affiches électorales à Bassorah, le 30 janvier 2009. REUTERS/Atef Hassan
Devant des affiches électorales à Bassorah, le 30 janvier 2009. REUTERS/Atef Hassan

Les élections régionales en Irak qui viennent de voir la victoire du parti laïque du Premier ministre Maliki ne transforment pas du jour au lendemain la situation dans le pays. Le fait qu'elles se soient dans l'ensemble bien passées, sous la surveillance majoritaire sinon exclusive des forces de l'ordre irakiennes, ne justifie pas a posteriori l'intervention américaine depuis 2003. Elles offrent cependant une consolation à George W. Bush, qui avait eu l'imprudence — il l'a reconnu avant de quitter le pouvoir — de proclamer voilà déjà cinq ans : «mission accomplie». En mai 2003, les Etats-Unis étaient encore loin du compte. Réfugié dans son ranch du Texas, l'ancien président n'aura pas eu l'occasion de savourer publiquement sa «victoire», avec cette manifestation de la «normalisation» à Bagdad et au-delà.

En revanche, ces élections régionales sont très importantes pour son successeur à la Maison Blanche. Au début de la campagne électorale, Barack Obama, qui, contrairement à sa rivale d'alors devenue depuis sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, n'avait pas voté au Sénat pour autoriser la guerre en Irak, avait promis de ramener les boys à la maison. Plus il s'approchait du pouvoir, plus il avait mis de conditions à cette promesse pour tenir compte de la situation sur le terrain. D'une part, il était matériellement impossible de retirer toutes les troupes du jour au lendemain, sans parler du coût élevé de l'opération ; d'autre part, il aurait été irresponsable de la part du président-commandant en chef d'abandonner un Irak à feu et à sang.

Adversaire de la guerre et critique du «surge» décidé par George W. Bush en janvier 2007, Barack Obama va en réalité profiter de la réussite d'une stratégie à laquelle il était opposé et qui, autre paradoxe, avait été non seulement soutenue mais préconisée par son concurrent républicain dans la course à la Maison Blanche, John McCain. C'est le succès, tardif et relatif, de la politique Bush qui va permettre au nouveau président de tenir sa promesse et de quitter les rives de l'Euphrate.

Il le fera de manière progressive. Ce sont d'abord deux brigades (16.000 hommes environ) qui seront rapatriées dans les prochains mois. Il faudra plusieurs années pour que toutes les troupes américaines s'en aillent et il n'est d'ailleurs pas dit que certaines ne resteront pas sur place, «à la demande du gouvernement de Bagdad», ne serait-ce que pour poursuivre la formation des forces irakiennes.

Tout en tenant une promesse très populaire dans l'électorat américain, le président doit faire preuve de son sens des responsabilités — en s'assurant que le départ de ses forces n'entraînera pas le chaos — et de sa fermeté. Le terrain qu'il a choisit pour cette deuxième démonstration est l'Afghanistan. Les soldats qui seront retirés d'Irak seront envoyés dans l'Hindu-Kush (pas les mêmes, mais un nombre équivalent).

Stratégiquement, Barack Obama considère que le véritable affrontement avec Al-Qaïda se joue là et que la guerre en Irak a distrait les Etats-Unis du champ de bataille principal. Politiquement, il doit montrer qu'il n'appartient pas à cette gauche américaine molle et pacifiste. Convaincu, comme beaucoup d'experts américains, que les Etats-Unis ne peuvent mener deux guerres à la fois, il donne la priorité à l'Afghanistan et attend de ses alliés qu'ils fassent les mêmes efforts. En même temps, Washington réduit ses ambitions et modère les attentes. L'objectif premier est la lutte contre Al-Qaïda et la stabilisation du pays, non plus que la construction d'une nation et d'un Etat modernes. En ce sens aussi, l'Afghanistan n'est pas l'Irak.

Daniel Vernet

(Photo : flickr, U.S. Army by Spc. Jeffery Sandstrum)

A venir mardi une analyse de Fred Kaplan, le spécialiste des questions militaires de Slate.com : l'Afghanistan sera-t-il le Vietnam d'Obama?

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