Si la faim justifie les moyens, elle justifie également les sautes d'humeur. À mesure que baisse notre glycémie, il peut arriver que nous ayons du mal à nous concentrer, que nous fassions des erreurs d'inattention, ou que notre comportement social s'en trouve altéré: irritables et grincheux sont souvent ceux que la faim taraude.
Les anglophones ont un joli mot-valise pour désigner ce phénomène: «hanger», une contraction de «hunger» (la faim) et «angry» (la colère). Ce dernier trouve sa première explication dans notre cerveau.
Une alerte pour le cerveau
Lorsque nous mangeons, les nutriments contenus dans ce que nous ingérons passent dans la circulation sanguine, à partir de laquelle ils sont distribués aux organes. Or plus le dernier repas est loin, plus le taux de glucose dans le sang diminue: si la chute est trop forte, le cerveau peut percevoir cela comme une situation potentiellement mortelle, explique Amanda Salis, chercheuse à l'institut de l'obésité, de la nutrition, de l'exercice et des troubles alimentaires de l'université de Sidney.
Fortement dépendant du glucose, le cerveau va «envoyer des instructions à plusieurs organes afin de synthétiser et de libérer des hormones qui augmentent la quantité de glucose dans notre circulation sanguine». La «réponse contre-régulatrice» du glucose a aussi sa part à jouer dans ce phénomène:
«Les quatre principales hormones contre-régulatrices du glucose sont: l'hormone de croissance de la glande pituitaire située dans le cerveau, le glucagon du pancréas, et l'adrénaline, parfois appelée épinéphrine, et le cortisol, qui proviennent tous deux des glandes surrénales. Ces deux dernières hormones contre-régulatrices du glucose sont des hormones de stress qui sont libérées dans la circulation sanguine lors de tout type de situation stressante, pas seulement quand on subit un stress physique dû à un faible taux de glucose dans le sang», décrit Salis.
De même que l'adrénaline est l'hormone libérée dans une situation de peur soudaine, libérée lorsque la faim est trop forte, elle apparaît responsable de notre colère.
Faim ou colère, même combat
Mais l'explication ne s'arrête pas là: colère comme faim sont également contrôlées par des gènes communs, qui produisent le neuropeptide Y, libéré dans le cerveau lorsqu'on a faim et qui «stimule les comportements d'alimentation voraces en agissant sur une variété de récepteurs dans le cerveau, dont celui que l'on appelle le récepteur Y1»: les mêmes que ceux qui régulent la colère. Plus une personne présente des taux de neuropeptide Y élevés, plus elle aura donc tendance à devenir agressive en ayant faim.
À ces biais physiologiques s'ajoutent des facteurs culturels, qui régissent quant à eux les différentes formes d'expression que nous pouvons donner à notre sentiment de faim: verbales ou non, plus ou moins directes.
La façon la plus expéditive de remédier à la hargne affamée est donc de manger un aliment riche en nutriments avant que d'avoir trop faim. Lorsque cela est impossible, le corps puisera dans ses propres réserves de graisse pour en tirer de l'énergie, dont certaines sont transformées en cétones, utilisées par le cerveau en place du glucose comme carburant: le tout est une question d'équilibre.