Sports

Et si les JO accordaient une plus grande place aux personnes de petite taille?

Temps de lecture : 5 min

Aucun athlète atteint de nanisme ne représentera la France aux jeux paralympiques qui s’ouvrent à Pyeongchang. Pourquoi ces sportifs restent-ils des exceptions en compétition?

Le pongiste Thomas Bouvais aux championnats de tennis de table de 2016 | © FFH G-Picout
Le pongiste Thomas Bouvais aux championnats de tennis de table de 2016 | © FFH G-Picout

Le moment le plus fort de sa carrière, il espère ne pas l’avoir encore vécu. Mais, à 26 ans, le pongiste Thomas Bouvais a déjà réussi un exploit: avoir participé aux jeux paralympiques de Londres et de Rio après Patricia Marquis à Athènes en 2004. Dans l’histoire du handisport français, ce sont les deux seuls athlètes de petite taille sélectionnés pour cette grand-messe mondiale du sport paralympique. Patricia Marquis, spécialiste du lancer de disque, est aujourd’hui une sportive retraitée mais Thomas Bouvais ne compte pas s’arrêter là. Il se prépare pour les jeux de Tokyo en 2020 et espère cette fois-ci rapporter une médaille.

Après une séance d’entrainement au club d'Herblay dans le Val-d’Oise, il prévient tout de suite: «Je ne suis pas le représentant des personnes de petite taille mais simplement un sportif qui va aux Jeux». Le jeune homme a conscience d’être une exception parmi les athlètes handisport mais ne se focalise pas là-dessus: «Ma situation n’est pas banale et si mon image permet aux personnes de petite taille de se dire que c’est possible, j’en serais le premier ravi». En France, sur une population estimée à environ 15.000 personnes de petite taille, seule une quinzaine d’athlètes sont capables de rivaliser au niveau mondial dans les compétitions réservées.

Faire du sport n’a jamais été un problème

Parmi les personnes de petite taille, la maladie la plus répandue est l’achondroplasie provoquant une fragilité au niveau des articulations. Le sport de haut niveau n’est pas forcément dangereux pour ces personnes, mais elles sont davantage exposées aux risques de blessure. «J’ai souvent des tendinites aux coudes et aux genoux, j’ai déjà de l’arthrose au niveau des poignets. Avant les Jeux de Londres, je me réveillais plusieurs fois dans la nuit à cause de douleurs dans le dos, je ne pouvais pas dormir et pourtant le lendemain il fallait s’entraîner», explique le pongiste. Souvent déconseillée par les médecins, la pratique sportive devrait être, selon lui, davantage encouragée. Malgré son handicap, faire du sport n’a jamais été un problème: «Dans ma famille, je suis le seul de petite taille et j’ai toujours été considéré comme une personne de taille normale donc entre le football, le badminton ou le tennis de table j’ai touché un peu à tout». Il découvre sa discipline favorite, le tennis de table, par hasard à l’école primaire: «Alors que je jouais au foot avec des amis, notre ballon a été confisqué. À côté, il y avait une table de ping-pong. J’ai essayé et ça m’a tout de suite plu».

«Dans ma famille, je suis le seul de petite taille et j’ai toujours été considéré comme une personne de taille normale»

Thomas Bouvais

Seul athlète de petite taille dans l’équipe de France paralympique, Thomas Bouvais est complètement intégré: «On se connait tous depuis pas mal d’années maintenant. Mon handicap n’est pas plus difficile que celui des autres». Il s’entraîne avec des athlètes handisport seulement lors des stages de l'équipe de France. Le reste du temps, Thomas Bouvais préfère se mélanger et affronter des personnes valides. Plus jeune, il était membre de France Nano Sport, une association qui encourage les personnes de petite taille à faire du sport pour le loisir et la compétition. «En grandissant, rester seulement avec des personnes de petite taille m’a dérangé. J’ai préféré m’ouvrir en allant dans des clubs de personnes de taille normale. Cette association est un tremplin mais elle ne doit pas être une finalité», estime-t-il.

Depuis 1998, Alain Dajean, ancien président de France Nano Sport, essaie de convaincre que le sport est accessible et même recommandé: «On ne demande pas aux gens de courir le cent mètres en moins de dix secondes, mais on veut qu’ils se lancent dans une activité qu’auparavant ils n’osaient pas exercer», précise cet ancien athlète de haut niveau atteint de nanisme. Pas d’exigence de performance donc, juste faire prendre conscience que c’est possible. À France Nano Sport, on ne s’interdit rien: basket, boxe, escalade, rafting… toutes les activités sont réalisables. Et Alain Dajean de se féliciter: «Ma victoire c’est lorsque les individus prennent contact avec un club local pour persévérer après avoir testé une activité».

La France à la traîne

Malgré la détermination de l'ancien président depuis 20 ans, le nombre de participants aux animations n’a pas augmenté. Il vient de quitter l’association mais n’a pas terminé son combat. Selon lui, la raison est culturelle: «Comment expliquer qu’aux derniers championnats du monde inter nanisme, les délégations anglaise, allemande ou encore australienne ont rassemblé entre cinquante et soixante athlètes alors que les Français étaient seulement dix?», se demande-t-il, estimant que la France a deux générations de retard sur ce handicap par rapport aux pays anglo-saxons. Avec une image plutôt sympathique dans la société, Alain Dajean ne comprend pas pourquoi les personnes de petite taille ne reçoivent pas davantage de subventions. «Mimie Mathy et Passe-Partout font partie des personnalités préférées des Français. Pourtant entre claquer des doigts et porter des clefs, ils n’ont pas fait grand-chose…»

Ce qu’il regrette les plus, c’est le manque de soutien de la part de structures existantes, comme la Fédération française handisport. Il n’a jamais reçu un euro de l’organisme malgré ses demandes. Même critique en direction du ministère de la Jeunesse et des Sports. Alors que les personnes de petite taille sont en situation précaire face à l’emploi, l’association France Nano Sports ne vit que sur les deniers de ses adhérents. «Comment l’association peut-elle perdurer s’il n’y a pas de grosses structures derrières?» s'inquiète-t-il.

Une position ambivalente entre valides et invalides

Vincent Lassalle est délégué fédéral au sport pour les jeunes au sein de la Fédération française handisport. Les problèmes pointés par l’ancien président de France Nano Sport ne concernent pas uniquement les athlètes de petite taille. D’après lui, «satisfaire tout le monde est impossible. Tous les handicaps réclament davantage à la fédération. Par exemple, les sourds ne sont pas présents aux jeux paralympiques et eux sont aussi en colère», explique-t-il.

La question des sportifs de petite taille serait tout aussi difficile à gérer: «On a du mal à leur proposer des sports qui correspondent à leur réalité. Ils veulent participer aux compétitions handisports car jouer avec les valides est compliqué. Mais d’un autre côté ils sont valides, simplement petits. Finalement on ne sait pas trop dans quelle catégorie les mettre», se défend-il. En football par exemple, les sportifs de petite taille, une fois adultes, veulent continuer à participer aux compétitions handisport jeunes. Or la fédération a ses propres contraintes et refuse de laisser jouer les adultes atteints de nanisme avec les enfants. «Entre la fédération handisport et les athlètes de petite taille c’est je t’aime moi non plus», résume-t-il. Enfin, au-delà des problèmes des athlètes de petite taille, il s’agit avant tout d’une question de performance. «La sélection française ne compte pas beaucoup d’athlètes car on envoie seulement les athlètes potentiellement médaillables aux jeux paralympiques», précise Vincent Lassalle.

Alors que pour Paris 2024, le ministère des Sports s’est fixé un objectif de 80 médailles, il n’y a aucune mention des athlètes de petite taille parmi les pistes de réflexion envisagées pour atteindre ce but.

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