À treize ans, Tahmina a été vendue 50.000 roupies (environ 620 euros) à un homme de plus de quarante par sa sœur et son beau-frère, dans un village de l'État d'Haryana.
En Inde, le rapport ministériel du National Crime Records Bureau indique qu'en 2016, 33.855 personnes ont été enlevées pour un mariage, un peu plus de la moitié d'entre elles étant mineures, et la quasi totalité, des femmes (seulement 59 hommes sur le total).
«Pendant des siècles, le trafic de femmes à marier a été un marché florissant dans les États de l'Haryana, du Pendjab et du Rajasthan, au nord de l'Inde. Il n'existe pas de données officielles du gouvernement sur le nombre de victimes du trafic d'alliances, mais l'on estime que des centaines de milliers de femmes et de filles, principalement venant d'Assam, du Bengale-Occidental, du Jharkhand ou du Bihar, ont été vendues en mariage», rapporte Elena del Estal pour le Guardian.
Six semaines plus tard, Tahmina a été retrouvée par sa mère dans un petit centre d'hébergement géré par le gouvernement, grâce à l'aide de l'organisation Empower People, qui lutte contre le trafic de femmes à marier et les crimes d'honneurs perpétrés contre les femmes.
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Une vie d'esclave sexuelle et domestique
Les femmes ainsi vendues sont souvent réduites à une vie d'esclave sexuelle ou domestique, quand elles ne sont pas abandonnées et, éventuellement, revendues. On les appelle «paro» ou «molki», ce qui signifie «volée» ou «achetée» –manière supplémentaire de les humilier.
Sanjida a vécu comme «paro» pendant quinze ans dans le district de Mewat. Comme Tahmina, à qui sa sœur avait fait croire qu'elle l'emmenait à Dehli, elle pensait rejoindre la capitale pour trouver un emploi de baby-sitter. Au lieu de cela, on l'a vendue pour 10.000 roupies (124€).
Quand elles se retrouvent veuves, la plupart des paros sont expulsées de la maison. Un retour au premier foyer est souvent mal vécu par les femmes ayant été vendues comme épouses, qui font face à des discriminations, du voisinage comme de leur propre famille.
Le père de Tahmina a refusé de l'accueillir dans sa maison à son retour. Il a décidé de quitter leur village avec sa mère et ses frères et sœurs, la laissant vivre chez sa grand-mère.
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La pratique de mariage forcé par troc et enlèvement trouve sa légitimation auprès de certaines populations, lorsque trouver une femme locale se révèle trop ardu.
«Les hommes pauvres comme nous, qui n'ont pas beaucoup de terres, ont beaucoup de difficulté à trouver une femme ici», explique l'homme qui a acheté et épousé Sanjida.
Samsuddil, lui, a acheté Najida 10.000 roupies pour qu'elle le rejoigne... lui et sa femme: incapable à 41 ans d'avoir un enfant avec cette dernière, et ne pouvant pas trouver d'autre femme au village, il se justifie: «Avoir des enfants est important». Najida a vingt ans.