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Après une catastrophe naturelle comme celle qui vient de frapper Haïti, les morts réclament eux aussi de l'attention. Au-delà des rituels funéraires qui souvent ne peuvent pas, urgence oblige, toujours être respectés, les dispositifs mis en place prévoient toujours une prise en charge des cadavres pour «des raisons d'hygiène».
Les corps des personnes décédées ne sont toutefois pas le risque principal pour les populations et le développement d'épidémies. Rony Brauman, co-fondateur de Médecins sans frontières, explique qu'un mort est moins contagieux qu'un vivant.«Les germes du cadavre sont banals, comme ceux naturellement présents dans la flore intestinale», poursuit le Dr Michel Sapanet, spécialiste de médecine légale au CHU de Poitiers. Un corps sain se décompose donc sainement. Le Dr Claude de Ville de Goyet, ancien responsable des secours en cas de catastrophe pour l'Organisation panaméricaine de la santé ajoute que l'enfouissement précipité et anonyme des corps est «une épreuve supplémentaire pour les survivants, privés de la possibilité d'honorer leurs disparus et, bien souvent, un interminable problème juridique et financier pour les proches, en raison de l'absence de certificat de décès».
L'eau, principal danger
Mais les germes« banals» d'un défunt peuvent représenter un danger dans certains cas: quand son cadavre est abandonné dans un puits d'eau potable où il entre en phase de décomposition, il peut infecter les eaux et ceux qui la boivent. Dans le cas d'une catastrophe comme Haïti, avec des dizaines de milliers de cadavres partout dans l'île, c'est probablement le principal danger.
C'est pour cette raison qu'il est interdit en France de construire des cimetières dans des zones inondables: par peur que les germes ne viennent contaminer les nappes phréatiques. La réglementation française impose même que le conseil municipal doit s'efforcer d'installer son cimetière dans l'endroit le plus élevé de la ville. Pour Ferenc Fodor, chercheur en sémiologie à l'Université Paris V et spécialisé dans «l'imaginaire de l'épidémie», «ne sachant pas pendant de longs siècles d'où vient la maladie, les humains se cherchent des explications, les cadavres sont donc souvent présentés à travers les siècles comme source possible de contamination. C'est aussi pour cela que l'on éloigne autant que possible les cimetières des villes. Parfois, les médias reprennent l'argument selon lequel les cadavres sont dangereux, car cela semble correspondre au bon sens». Dans le cas d'Haïti, le climat tropical accélère cependant le processus de décomposition et le dégagement d'odeurs nauséabondes, dans les 24 heures qui suivent la mort.
Un cadavre reste contagieux
Tout change en période épidémique. Dans ce cas, l'inhumation en fosse commune profonde est prévue. Après votre mort, vos microbes vous survivront peut-être quelques jours. C'est pour cette raison que manipuler un cadavre nécessite dans tous les cas de prendre des précautions sanitaires pour les sauveteurs, les équipes médicales et celles des pompes funèbres. Si un homme meurt du choléra par exemple, il reste contagieux environ une semaine. Le virus du sida ou ceux des hépatites B et C restent vivants jusqu'à trois semaines après la mort, explique le Dr Michel Sapanet.
Le danger majeur après une catastrophe naturelle provient en fait de la destruction du réseau d'eau potable: ne pouvant survivre sans s'hydrater, les sinistrés vont boire de l'eau polluée. Et souvent contracter des maladies, au premier rang desquelles le choléra, maladie hautement contagieuse et rapidement mortelle en l'absence de toute infrastructure hygiénique et aide médicale de base. Une simple gastro-entérite peut aussi se révéler meurtrière «quand elle frappe une personne affaiblie et sans accès aux soins ni à l'eau potable», précise Michel Sapanet.
Judith Duportail
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Image de une : Flickr, creative commons