Vincent Peillon, «Là, il a fait un coup médiatique quand même, toute la France en parle.» Venant d'un spécialiste du genre, le socialiste Georges Frêche, la phrase vaut médaille. Le lapin posé par l'eurodéputé socialiste Vincent Peillon à l'émission de France 2 «A vous de juger» jeudi soir, est assurément le coup politique de la semaine: tous les journaux et sites lui consacrent des articles, généralement parmi les plus consultés et les plus abondamment commentés. Certains éditorialistes l'étrillent, les socialistes se divisent sur l'attitude d'un des leurs, France 2 ne décolère pas, etc... Un vacarme qui a éclipsé le contenu du débat auquel il a refusé de participer avec préméditation.
Invité depuis plusieurs jours, Peillon avait en effet pris sa décision de boycotter l'émission «depuis longtemps», avec l'intention de provoquer «un incident» (Rue89). «Si j'avais annoncé plus tôt ma décision, alors on aurait peut-être trouvé un remplaçant, il y en a toujours un pour venir à la télévision, et on aurait refait l'émission autrement», a expliqué le socialiste. Pour priver un de ses camarades d'antenne? Peillon assure en tout cas avoir prévenu Martine Aubry quarante-huit heures avant «par correction». «Version quelque peu tempérée par l'entourage de la première secrétaire qui a appris la défection en direct, écrit Libération: "On est un peu emmerdé. Vincent avait effectivement appelé Martine pour en parler, mais ce n'était pas aussi clair.»
Soutien du bout des lèvres d'Aubry
Martine Aubry a toutefois confirmé que Vincent Peillon lui «avait fait part jeudi de sa décision de ne pas y aller «parce qu'il avait appris, au dernier moment, que le débat portait en première partie entre le ministre de l'Immigration Eric Besson et Marine Le Pen» et que lui était «relégué en seconde partie», ce que dément la chaîne.
«J'ai des doutes sur la politique de la chaise vide, a jugé le député socialiste Pierre Moscovici dans Le Parisien. Nous n'avons pas à avoir peur d'une confrontation avec l'UMP et le FN. On dit oui ou non aux médias, on peut aussi venir sur un plateau manifester sa mauvaise humeur. Mais le coup médiatique ne me convient pas.»
«On peut penser les pires choses d'Eric Besson, a ajouté Manuel Valls, le député maire d'Evry dans le Figaro, mais nous ne sommes tout de même pas en dictature. Je ne comprends ni le fond ni la forme de son action». «Si on a accepté de participer à une émission, c'est un devoir d'y aller», a ajouté l'ancien premier ministre Lionel Jospin, auquel France 2 consacrait un portrait quelques minutes après «A Vous de Juger».
Fallait-il attaquer France2?
Les soutiens de Peillon au PS critiquent en revanche la demande de démission d'Arlette Chabot, directrice de l'information de la chaîne: «Faire venir Marine Le Pen en prime time, c'est critiquable, mais demander la démission de Chabot est une folie», explique un socialiste dans Libé. Aubry a donc dû expliquer, en réponse à un courrier envoyé par le PDG de France Télévisions Patrice de Carolis que le PS ne demandait pas la démission des dirigeants de la chaîne.
Si Emmanuel Schwartzenberg (Electron Libre) estime que la chaise vide de Peillon montre que les politiques «n'ont plus besoin de passer impérativement à la télévision pour se faire entendre», un dirigeant socialiste pointe dans Le Parisien les risques de représailles médiatiques: « TF 1 ne nous était déjà pas favorable. Peillon se paye France 2. Le PS n'a plus qu'à monter sa propre télé... »