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Le président haïtien René Préval a estimé dimanche 21 février à 300.000 morts le bilan potentiel du tremblement de terre qui a frappé son pays le 12 janvier dernier. Cet article paru quelques jours après la catastrophe revient sur la manière dont sont effectuées les estimations quand de telles catastrophes se produisent.
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Quatre jours après le séisme qui a ravagé une grande partie d'Haïti, de nombreux chiffres sur le nombre de victimes circulent. Le président de la République haïtien René Préval a estimé au lendemain de la catastrophe le nombre de victimes à entre 30.000 et 50.000, son Premier ministre a déclaré qu'il pourrait y avoir «des centaines de milliers de morts» et Hillary Clinton parlait quant à elle de «dizaines de milliers de morts». Le ministre haïtien de l’Intérieur Paul-Antoine Bien-Aimé a estimé que le bilan pourrait atteindre jusqu’à 200 000 tués. Comment estime-t-on le nombre de victimes après une catastrophe naturelle?
Dans les jours qui suivent un tel désastre, les estimations sont forcément très approximatives. La possibilité de dresser un constat exact dépend à la fois de la force du séisme, de la densité de population de la zone touchée et de son niveau de développement. Ainsi, après le séisme de l'Aquila, des estimations précises du nombre de victimes ont été très rapidement dressées, et le bilan final officiel est de 308 morts.
Juste après la catastrophe, un très grand nombre de personnes arrivent sur place au titre de l'aide humanitaire: agents des Nations Unies et d'autres institutions internationales, ONG, aides d'autres pays... Si la coordination est donc un enjeu primordial pour l'efficacité de l'aide, l'estimation du nombre de victimes l'est aussi mais n'est pas chose aisée.
Premier moyen: les précédents. Les humanitaires et les agents gouvernementaux connaissent la mortalité de précédentes catastrophes similaires. Par exemple, pour les tremblements de terre, celui du Pakistan en 2005, considéré comme plus destructeur mais dans une zone moins peuplée que celui d'Haiti, avait fait près de 80.000 morts. Plus ancien, celui de Mexico en 1985 avait fait 10.000 morts.
Deuxième moyen: les constatations sur le terrain. Sur place, le nombre de personnes vivant dans un immeuble par exemple, est à peu près connu. Dans des séismes comme celui d'Haiti, le nombre de survivants se trouvant à la rue l'est aussi. Le personnel d'aide peut ainsi en déduire le nombre de disparus ensevelis sous les décombres... Parmi eux, on sait que seul un petit nombre pourra être extrait vivant. Si 20 personnes sont portées disparues et qu'elles travaillaient toutes dans un même bâtiment qui s'est écroulé, les secours peuvent les compter comme mortes. Les bénévoles et autres secouristes reportent ensuite une agence gouvernementale ou au bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires. Un chiffre global est ensuite transmis aux médias.
Dans les premières heures après les catastrophes, les estimations des autorités locales ont tendance à être beaucoup plus basses que la réalité. Quelques heures après celle d'Haïti, des «centaines» de morts étaient craints, puis on parlait de «morts par milliers». Aujourd'hui, la croix rouge estime le nombre de victimes à «entre 40.000 et 50.000».
Les estimations des Nations Unies sont souvent plus hautes que celles des gouvernements locaux. Cela s'explique par le fait que l'ONU essaie de prendre en compte des zones qui n'ont pas encore été évaluées au sol, en utilisant des images satellite des décombres et des informations démographiques. Ainsi, si les experts onusiens savent que 15% de la population a péri dans un village, ils supposent que le même pourcentage a trouvé la mort dans les villages avoisinants. Et même sans ces projections, les chiffres sont souvent volontairement surestimés pour s'assurer que l'aide sera suffisante. Les gouvernements locaux peuvent au contraire sous-estimer les chiffres pour ne pas perdre la face.
Français de l'étranger
L'outil de base pour connaître la situation des Français après une catastrophe naturelle est le registre des Français établis à l'étranger, mais l'inscription au consulat n'étant pas obligatoire, elle n'est de fait pas exhaustive. Après une catastrophe naturelle, toutes les ressources consulaires sont mises en œuvre pour joindre les Français habitant dans la zone sinistrée et s'assurer de leur situation. Ce recensement n'est souvent pas facile du fait des dégâts subis par les infrastructures locales: télécommunications coupées, les routes en mauvais état ou bloquées.
L'autre outil à disposition est le plan de sécurité de la communauté française, qui existe dans tous les pays. Il comporte notamment un plan de regroupement en cas de crise. Là encore, il ne s'agit que d'un moyen imparfait de connaître le sort de la communauté française, car il ne permet que de savoir l'Etat de santé de ceux qui se rendent au point de regroupement.
Marion Solletty et Grégoire Fleurot
L'explication remercie Christophe Le Rigoleur du ministère des Affaires étrangères, Yvon Edoumou du bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Frédéric Joly de la Croix Rouge, Pierangelo Sapegno du journal italien La Stampa.
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Image de une: Port-au-Prince le 13 janvier 2010. (REUTERS/Carlos Barria)